C’est écrit sinon dans le ciel, du moins dans les rues de Montréal, de Québec et peut-être dans celles des autres grandes agglomérations d’ici: le Québec immobilier sera victime de la bulle torontoise. Et Vancouvéroise.
Pour l’heure, tout tient encore. Acheter une unifamiliale au Québec coûte deux à trois fois moins cher que dans les grandes villes de la province voisine. L’écart se creuse même davantage avec le grand Vancouver.
Pas de nuages non plus du côté des paiements hypothécaires. La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) vient d’indiquer que les prêts en souffrance sont dans la moyenne canadienne, à 0,24 % à Québec et de 0,34 % à Montréal, des ratios tout à fait gérables par l’organisme qui garantit les remboursements en cas de défaut.
La valeur des hypothèques contractées ne donne pas non plus de signes pouvant nous inquiéter. Elle est passée en moyenne de 160 000 $ en 2014 à 170 300 $ fin 2016, une augmentation plus forte que l’inflation, bien que moins grave que dans le reste du pays.
C’est justement ce rapport entre le prix de vente des maisons et l’inflation qui permet de mesurer le risque de surchauffe du prix de l’immobilier. Or, le prix médian des unifamiliales est parti à la hausse au début des années 2000 pour franchement dépasser l’inflation depuis 2015 en raison du faible taux d’intérêt proposé par les banques à charte sur les prêts hypothécaires.
N’empêche, je persiste à croire que la conjoncture est parfaite pour préparer une crise chez nous.
L’agence de notation Moody’s a récemment abaissé son évaluation des six grandes banques canadiennes en raison des craintes liées aux dettes des ménages et au prix des maisons, lesquels pourraient rendre nos institutions financières vulnérables.
Le Fonds monétaire international se montre préoccupé par la situation, au point de suggérer au Canada quelques politiques pour décourager la spéculation sur le marché de l’habitation et réduire les inquiétudes entourant l’endettement des ménages.
Le gouvernement de l’Ontario a compris le message: 15 % supplémentaire en taxe est exigé de tout acheteur étranger dans la zone urbaine où se trouve l’essentiel de son inventaire immobilier. La mesure imite une autre mise en place à Vancouver un an plus tôt.
Son vis-à-vis du Québec n’entend pas nous protéger avec une législation semblable. Du coup, nos municipalités deviennent des cibles intéressantes.
On pourrait s’en foutre, dans la mesure où l’important est que les transactions se réalisent, peu importe qui achète.
La trame d’un quartier change, la vie qui s’y passe s’altère lorsque l’équilibre social et culturel est brisé dû à un apport trop grand ou trop rapide de propriétaires non résidents, du moins non engagés dans leur communauté.
Le rapport entre la quincaillerie du quartier se trouve forcément modifié si les occupants des propriétés sont trop nombreux à ne pas avoir l’ambition d’investir dans leur maison; on entre alors dans un univers maquillé, marqué par le désir de faire des profits plutôt que de réellement et amoureusement veiller à améliorer son terrain, sa résidence, son quartier…
Incidemment, à Montréal, les statistiques affichent une hausse de 62 % entre janvier et octobre 2016 du nombre d’acheteurs étrangers de copropriétés. Au centre-ville même, le taux de propriétaires étrangers s’élève à 5 %, ce qui correspond à la situation dans le centre-ville de Vancouver.
Il y a 10 ans, on faisait 20 à 30 % des ventes avec une clientèle européenne et française. Et là, sur les 2-3 dernières années, c’est monté à plus de 50 %, voire 60 % avec une clientèle européenne et plus particulièrement française, confirme un agent de Via Capitale.
L’AQMAT et nombre d’observateurs réclament que la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières soit amendée afin que les municipalités désireuses de protéger le patrimoine bâti pour les familles de leurs citoyens puissent imposer une taxe aux acheteurs étrangers sur les achats immobiliers résidentiels.
Aussi est-il permis d’espérer que la Banque du Canada relève son taux directeur, décision reportée depuis sept ans. Le 0,5 % actuel n’a plus sa raison d’être devant une économie raffermie et un prix relevé du pétrole brut.
La prochaine décision de la Banque du Canada à ce sujet est prévue pour le 12 juillet. On va l’espérer.