Encore une victoire morale pour nos producteurs de bois de sciage

Un panel de l’ALENA vient de trancher à l’effet que le préjudice allégué par le gouvernement américain était sans fondement : leur industrie de bois de sciage n’est pas désavantagée du fait que la nôtre profiterait de subventions contraires aux principes d’un libre marché. Victoire morale puisque les ventes de nos scieries ont écopé pendant des mois, et c’est ce que souhaitait en réalité obtenir nos voisins.

Le panel binational a statué que plusieurs critères utilisés par la Commission du commerce international des États-Unis étaient incomplets pour juger en 2017 que le bois d’œuvre résineux canadien avait causé un préjudice à l’industrie forestière américaine.

Il est demandé à la Commission du commerce des États-Unis de fournir de nouvelles preuves et des données supplémentaires pour notamment prouver que l’industrie forestière américaine a été affectée directement par le bois canadien.

La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland s’est réjouie de cette prise de position par ce panel d’arbitrage. « Cette décision appuie ce que le Canada affirme depuis le début : les droits imposés par les États-Unis sur le bois d’œuvre canadien sont injustes et injustifiés. La décision du groupe spécial constitue un pas important dans la bonne direction en vue de l’élimination de ces droits sur les exportations canadiennes et du remboursement des sommes perçues », a-t-elle mentionné par communiqué, jeudi.

Denis Lebel, président-directeur général du Conseil de l’industrie forestière du Québec

Satisfait, mais non surpris par la décision de l’Accord de libre-échange américain (ALENA), le président-directeur général du CIFQ, Denis Lebel considère qu’elle confirme que le comportement des industriels canadiens et québécois ne cause pas de préjudice aux industriels américains. Il s’agit d’une grande victoire pour l’ensemble de l’industrie canadienne du sciage, qui affirme depuis longtemps que ses pratiques sont conformes aux obligations du commerce international.

« Les industriels que je représente exportent une partie de leur production aux États-Unis dans un esprit de concurrence loyale », précise M. Lebel. « Ils ne profitent d’aucune subvention et ne procèdent à aucune forme de dumping ».

Monsieur Lebel poursuit en espérant que les autorités américaines et leur industrie comprendront que l’histoire se répète et qu’une solution négociée au conflit actuel serait avantageuse pour toutes les parties, et ce, le plus rapidement possible.

Pour sa part, l’association patronale Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) applaudit la décision du Groupe spécial composé en vertu du chapitre 19 de l’Accord de libre-échange nord‑américain (ALENA) stipulant que l’industrie américaine du bois d’œuvre n’a pas souffert de l’importation de bois canadien.

Véronique Proulx, présidente-directrice générale, Manufacturiers & Exportateurs du Québec

« C’est une véritable victoire pour les producteurs canadiens de bois d’œuvre et pour les manufacturiers impliqués dans la chaine d’approvisionnement », explique Véronique Proulx, PDG de MEQ.

La décision illustre l’importance des mécanismes de règlements de différents, comme le Chapitre 19, et MEQ se réjouit qu’ils aient été maintenus dans l’Accord Canada- États-Unis -Mexique (ACEUM).

« Au nom des manufacturiers, MEQ a insisté pour démontrer aux négociateurs qu’il fallait préserver ce chapitre dans l’ACEUM. MEQ a été également au cœur du développement d’un mécanisme de règlement des différends dans l’Accord économique et commercial global (AECG) avec l’Europe. Je rappelle que tous les pays doivent maintenant ratifier l’AECG afin que les entreprises québécoises continuent à bénéficier de la protection de ces mécanismes », explique Véronique Proulx, PDG de MEQ.

Rappelons qu’au Québec, ce sont près de 60 000 emplois qui sont touchés par le conflit du bois d’œuvre, selon le ministère de l’Économie de de l’Innovation.

Les scieries québécoises continuent d’écoper

Les scieries québécoises, canadiennes également, continuent d’absorber des tarifs douaniers américains de plus de 20 %.

« Présentement, les prix ne sont pas à des bas historiques, mais ce ne sont pas des prix qui permettent à nos entreprises de générer des profits », a soutenu à La Presse Michel Vincent, économiste du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ).

Les coûts de production sont plus élevés au Québec qu’ailleurs en Amérique du Nord, en raison entre autres de la nature du bois, qui est plus petit que dans les autres régions. « Notre panier de produits a moins de valeur que dans les régions qui ont du plus gros bois », souligne M. Vincent.

Pour sa part, Julie Paquet, directrice des communications d’Eacom, insiste sur l’enjeu de compétitivité de l’entreprise qui exploite deux scieries, à Val-d’Or et à Matagami, et une usine de deuxième transformation, aussi à Val-d’Or. « On travaille sur nos coûts pour être plus efficace. On est en discussion avec le gouvernement au sujet du régime forestier et du coût de la fibre. On doit aussi absorber les tarifs à la frontière. »

« Ça n’aide pas la cause des compagnies canadiennes qui exportent du bois aux États-Unis. Déjà que les prix sont faibles, les compagnies voient 20 % de la valeur qui est coupée », renchérit Michel Vincent au sujet des tarifs américains, toujours cité par La Presse.

À cet égard, le processus en est à l’étape de la révision administrative. Le nouveau taux devrait être connu en mars ou en avril prochain.

L’Union des municipalités du Québec exhorte les chefs des partis politiques fédéraux à expliquer ce qu’ils entendent faire dans ce dossier et à annoncer le soutien qu’ils entendent offrir aux entreprises touchées par le conflit commercial.

Du côté du géant Résolu, on souhaite aussi des modifications au régime forestier, entré en vigueur en 2013. Aux yeux de l’industrie, il a contribué à une augmentation du coût de la fibre de 20 à 30 % selon les régions. Une des raisons est la mise en place d’un système d’allocation du bois au moyen de mises aux enchères.

Selon le CIFQ, la chute des prix du bois d’œuvre depuis un an s’explique surtout par l’augmentation de l’offre puisque la demande est restée stable au cours de la période. « Il y a beaucoup de remises en production d’usines de sciage dans l’ouest des États-Unis et de projets de nouvelles scieries dans le sud-est. Ç’a beaucoup rajouté d’offre. On a un surplus de bois dans le marché et les prix s’effondrent », dit M. Vincent.

Le Québec compte environ 200 scieries fonctionnant à longueur d’année et étant capables de produire au moins 5000 mètres cubes de bois.

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