
Alors qu’on entre incessamment en campagne électorale à l’échelle fédérale et que le tango des tarifs semble bouffer tout l’espace média, il convient pour l’AQMAT de bien saisir ce dont ses membres ont le plus besoin en termes d’aide gouvernementale afin d’envoyer aux autorités des messages forts et clairs. Pour cette raison, l’activité « Pause-café » de mars, tenue en direct sur les médias sociaux hier matin avec 27 personnes en ligne, avait pour thème : « Nos entreprises crient à l’aide, mais laquelle? »
Sur le plan financier et plus spécifiquement fiscal, la conversation s’est amorcée sur le saupoudrage d’argent auquel les deux niveaux de gouvernement se sont adonnés durant la COVID. L’animateur, Richard Darveau, a osé cette question à voix haute : « Toutes les entreprises doivent-elles être aidées face aux tarifs ou devrions-nous tirer des leçons et demander aux gouvernements de moins aider les entreprises ultra-riches et les canards boiteux ? L’assistance semble avoir acquiescé, suivant une sagesse indéniable : les subventions, ce ne sont pas réellement les États qui les donnent, mais nous, les contribuables.
Eric Leclair de la compagnie « La règle de Bedford », les experts des bâtons pour brasser la peinture, prône plus pour un crédit d’impôt.
Dominic Larouche de la quincaillerie Lauremat sur la Côte-Nord nous a rappelé une certitude : si les gouvernements aident les consommateurs à ce qu’il leur en reste un peu plus dans les poches, ça va tous nous relancer. Et cette approche est plus ciblée que de subventionner toutes les entreprises.
Éric Deslongchamps du RONA du même nom dans les Laurentides, voit d’un bon œil la renaissance d’une réduction du fardeau fiscal pour le client, ce qui nous aidera tous. Il croit que favoriser des produits canadiens semble complexe à implémenter, mais nécessaire et opportuniste dans le contexte géopolitique actuel.
Le premier message à nos décideurs que le président de l’AQMAT entend porter : les PME auront besoin d’un coup de main financier, mais appliquez des critères pour éviter tout gaspillage des fonds publics. Cependant, ce qui aiderait plus directement notre industrie, ce serait un crédit d’impôt pour les consommateurs afin de les inciter à procéder à des travaux, donc à des achats pour leur résidence. Une condition importante : la simplicité. Plusieurs programmes par le passé ont eu un effet mitigé en raison de la paperasse trop lourde ou des délais trop longs avant de bénéficier d’un crédit d’impôt, d’une subvention ou toute autre mesure.
Samuel Nadeau, cadre pour les centres de rénovation Couture TIMBER MART, a ajouté avec à-propos l’importance de soutenir la construction et la rénovation des « plex », trop souvent laissés à l’écart des propositions d’aide gouvernementale. Il existe environ un quart de million de Québécois qui possèdent des duplex, triplex, etc. et il y a aussi des milliers d’entrepreneurs spécialisés dans ce type d’habitation. Ces deux clientèles doivent être supportées par des programmes alors qu’on parle tant de densifier nos centres-villes et nos noyaux villageois.
Le deuxième message que le porte-parole de l’AQMAT s’engage à exprimer aux gouvernements portera sur la nécessité de mettre sur pied des mesures pour favoriser la construction et la rénovation des multi logements dans le cœur des municipalités pour ainsi concourir à combattre l’étalement, à réduire les GES et surtout, à loger plus de citoyens de manière décente.
La conversation s’est naturellement poursuivie sur la plus grande difficulté à faire aboutir les chantiers, essentiellement à cause de la bureaucratie entourant l’émission des permis, le non-respect des conditions de paiement par les donneurs d’ouvrage et plus important encore, l’absence de clauses d’ajustement après signature.
Les participants sont tombés d’accord sur le fait que les tarifs qui vont et viennent ainsi que la plus grande volatilité des prix des matériaux sont deux facteurs hors du contrôle des parties prenantes à un dossier. Du coup, celles-ci doivent convenir de clauses permettant de rouvrir une entente sur la base d’indices inflationnistes définis et acceptés mutuellement.
Diversifier à l’intérieur du Canada, et plus encore
L’attrait du territoire canadien est redécouvert, en particulier pour y vendre des produits locaux. Mais personne n’est berné : on parle de 40 millions de personnes seulement, soit 2 % de la population mondiale. Le carré de sable planétaire est donc bien plus grand…
Les participants reconnaissent que la taille, la proximité et la richesse du marché américain ont favorisé notre addiction à son égard. M. Larouche ajoute avec raison l’argument environnemental pour justifier qu’il serait contre-indiqué d’exporter plus loin que les États-Unis d’un point de vue écologique, sans oublier l’obligation d’être de plus en plus agile, ce qui ne milite pas en faveur de marchés situés au bout du monde.
L’échange a conduit la formulation d’une question existentialiste : peut-on encore compter sur les USA pour écouler nos productions et pour s’approvisionner?
Tony Lévesque de OSBLOCK, sans dire que la compagnie a lancé la serviette concernant le marché états-unien, il lorgne sur des contrées aussi lointaines et peu évidentes que l’Afrique où le boom démographique se poursuit.
Le même intervenant a par ailleurs ramené dans la discussion sur le manque de main-d’œuvre qui frappe tout autant les États-Unis que nous ici, d’autant que les plafonds sur l’immigration pourraient priver encore plus nos industries de leurs travailleurs en construction.
Innovation et productivité
Un participant en discussion privée pour préserver son anonymat a osé cette attaque frontale sur les marchands et leurs groupements d’achat : « L’innovation, c’est bien beau sur papier, mais dans les faits, les quincailliers achètent un prix avant tout. L’AQMAT devrait les éduquer! »
M. Darveau a dénoncé une culture plus transactionnelle que relationnelle, laquelle empêche nos créateurs à se déployer à leur plein potentiel.
À ce propos, le projet de se doter d’un code de bonnes pratiques engageant les fournisseurs, les groupements et les marchands représente une idée porteuse qui sera défendue tout au long du plan stratégique 2025-2027 afin que les quincailleries et leurs effectifs soient définitivement positionnés comme des lieux où la qualité des produits et des conseils représente un facteur de démarcation fort par rapport aux détaillants généralistes et aux plateformes de vente en ligne.
Denis Perron de Adfast a pris la balle au bond, soulignant que leur présence à l’étranger, comme au Mexique et éventuellement aux États-Unis, permettent d’augmenter les cadences et de contrer les mesures protectionnistes. Quant à leurs installations de type 4.0, que les membres sont cordialement invités à visiter, elles permettent de concurrencer même les pays asiatiques au niveau des prix.
Jean-Philippe Gagnon, ingénieur en processus de fabrication et propriétaire de CleanCo qui fabrique au Texas, rappelle que le retour sur investissement en automatisation et robotisation est « obvious », pour reprendre son terme.
Pour la diplomatie, contre la bagarre ouverte
Sur une toute autre question, celle des mesures judiciaires à la portée de nos autorités eu égard au non-respect de l’accord de libre-échange et de nos frontières, les participants à la « Pause-café » semblent majoritairement en faveur du « soft power », c’est-à-dire de l’exercice de la diplomatie. On semble croire que de s’embarquer dans des poursuites et des plaintes contre une administration comme celle de Trump serait une vis sans fin, épuisante et non productive.
Promotion des produits locaux
L’animateur, également fondateur de « Bien fait ici » (BFI), a aussi été placé sur la sellette avec cette question : « J’aimerais qu’on m’explique pourquoi « Bien fait ici » se repose maintenant sur les bannières pour assurer son déploiement? ».
M. Darveau a corrigé. Les bannières, depuis le jour un qui remonte à octobre 2018, sont supposées faire la promotion du logo sur leurs sites web, dans leurs publicités, dans leurs circulaires, dans leurs magasins, mais jusqu’au retour d’un Trump aux visées plus impérialistes, aucune n’avait jugé nécessaire de mousser les produits canadiens.
« Un paradigme vient de changer l’histoire : des clients en quincaillerie se mettent à poser des questions sur l’origine des produits, un peu comme ils le font depuis bien plus longtemps à l’épicerie », a affirmé le PDG de Bien fait ici, ajoutant : « Ceci vient de provoquer tout un mouvement qui n’épargne aucun groupement d’achat, et cela fait grandement notre affaire! »
Cela étant précisé, l’équipe de BFI demeure dans le siège du pilote avec une mission de surveillance à deux niveaux :
- le logo doit être strictement associé aux produits dûment accrédités;
- les manufacturiers participants doivent veiller au grain et nous aviser quand ils ont des raisons de croire que certains produits se prétendent à tort « Made in Canada », « et nous interviendrons », a promis M. Darveau.
Le mot de la fin a été laissé au président d’un grand manufacturier qui a préféré l’anonymat et dont les mots portent l’ampleur du drame que notre industrie vit :
« On est dans un « turmoil » actuellement avec l’administration Trump et un début d’année chaotique. On fait face à des meures draconiennes en ce moment pour éviter le pire. »
Prochaine pause-café : Les participants sont invités à ne pas manquer notre prochain rendez-vous!