Ça ne prend quand même pas un post doctorat pour comprendre que moins la barrière financière à l’entrée de l’université est haute, meilleures sont les chances qu’a un jeune – ou un moins jeune – de décider d’y suivre une formation, et de la compléter.
Et pourtant, plusieurs associations patronales appuient l’intention gouvernementale d’augmenter de manière vertigineuse les frais de scolarité. Les étudiants sont piégés. Ils sont les boucs émissaire d’un système de (sous)financement qu’ils n’ont pas choisi, qui laisse leurs universités quêteuses et désincarnées du reste de la société, notamment nous, le monde des affaires.
La Fédération des chambres de commerce du Québec, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, le Conseil du patronat et Manufacturiers et exportateurs du Québec supportent en choeur le projet sous prétexte que nos étudiants paient beaucoup moins cher que ceux du reste du pays.
Puisque ce sont des amateurs de comparaison nationale, je leur rappelle que selon Statistique Canada, le Québec traîne dans le peloton de queue des trois pires provinces en termes de taux de participation des 24 à 26 ans à l’université.
Le dernier recensement démontre aussi qu’il y a moins de diplômés au Québec qu’ailleurs au Canada: 21,6 % des Québécois ont un diplôme universitaire alors que la moyenne canadienne est à 22,6 % et que nos voisins ontariens sont à 24,7 %. Les Bostonnais, eux, frisent les 30 %.
Le Québec présente, en revanche, le plus faible taux de décrochage à l’université parmi toutes les provinces, donnée tendant à démontrer que notre système marche pour ceux et celles qui arrivent à y accéder.
En clair, on n’a pas assez d’individus qui prennent le chemin de l’université au Québec, mais ceux qui y entrent et réussissent à en sortir avec un diplôme vont générer des revenus tant pour le commerce et l’industrie que pour les coffres de l’État qui seront supérieurs de plusieurs centaines de milliers de dollars par rapport à ce que vont rapporter les non-diplômés.
En effet, le salaire moyen chez les détenteurs d’un diplôme universitaire, selon Statistique Canada en 2000, dépasse 42 000 $, alors que le revenu moyen des diplômés du collégial était d’un peu moins de 27 000 $. Au bout d’une vie, ça fait plus d’un demi-million de dollars de plus.
Idem pour le taux de chômage qui passe de 10,1 % pour les diplômés du secondaire à 4,6 % pour les gradués de l’université.
On pourrait ad nauseam poursuivre la démonstration que plus grand sera le nombre de personnes qui entre à l’université, plus nombreux seront les diplômés, et du coup, plus grandes seront les retombées pour tout le monde. Financièrement comme culturellement.
Le marché actuel est bâti sur une belle logique. On facilite ton entrée à la grande école car de toute façon, par tes impôts plus élevés, cher diplômé, tu vas nous rapporter gros.
Et pourtant, le patronat et le gouvernement proposent des augmentations de 75 % sur cinq ans des frais de scolarité. Comme si la problématique du sous-financement chronique de nos universités devait reposer uniquement sur ses utilisateurs. Et qu’il y avait feu dans la demeure. Vite, vite, on a dormi au gaz quelques décennies, mais là, faut se rattraper d’un coup!
Pourquoi ne pas avoir étendu cet objectif, louable en soi, d’amener les coûts québécois à la moyenne canadienne, sur une période de dix ans? Quel groupe de la société accepterait sans mot dire de se faire imposer de telles hausses aussi rapidement?
Nos jeunes paient en fait pour une certaine paresse des dirigeants universitaires. Ceux-ci tendent la main à l’État en quête de subventions, qui d’ailleurs leur en donne plus que toute autre province. Mais qu’en est-il de la philanthropie, du rapport entre nos universités et nos communautés d’affaires?
Pire, le concept même de l’université du Québec repose sur un financement encore plus grand de l’État au lieu d’avoir été réfléchi avec le monde des affaires, futur employeur de ces éduqués.
Un changement de culture pour la collecte de fonds en milieu universitaire est palpable depuis tout récemment; on commence à peine à provoquer l’engagement des anciens étudiants dans une relation durable avec leur ancienne école.
Au-delà de la logique mercantile proposée par le gouvernement pour régler le problème, j’en appelle à un débat de société plus profond, visant à une meilleure inclusion de l’université dans toutes les sphères de notre activité humaine, y compris pour la pérennité de nos entreprises.