L’AQMAT reproduit ici une lettre collective cosignée par plusieurs dirigeants d’associations d’entrepreneurs en construction au sujet de la lenteur de l’introduction du partage numérique des données sur les chantiers.
« La construction constitue un secteur névralgique pour le développement socio-économique du Québec. Nous vivons actuellement une grave pénurie de logement, la livraison des maisons des aînés dépasse les budgets et les échéanciers, 61% des écoles sont en mauvais état, Hydro-Québec identifie le manque de main-d’œuvre en construction comme le principal défi de la transition énergétique. Ceci sans compter que le gouvernement doit mettre en œuvre de nombreux projets structurants en transport.
En fait, d’ici 2033, les projets en infrastructures du gouvernement du Québec dépasseront les 150 milliards, et on manque indéniablement de travailleurs pour les réaliser.
Oui, la réforme annoncée par le ministre Boulet visant l’assouplissement du cadre réglementaire permettra certains gains, mais ce ne sera assurément pas assez. Comme le dit le Mouvement Desjardins dans une publication de janvier 2024 : « L’assouplissement des contraintes de main-d’œuvre n’est pas une panacée pour le secteur de la construction résidentielle et n’éliminera pas les besoins en matière de nouveaux logements. Toute mesure devra être accompagnée de gains de productivité. »
Les entreprises doivent rapidement identifier les projets numériques prometteurs et planifier leur implantation. Des activités de sensibilisation et de formation dans le domaine de la transformation numérique doivent devenir beaucoup plus disponibles. Le défi est de taille, et les dirigeants sont mal outillés pour réaliser seuls cette transformation en profondeur.
Il ne faut pas oublier que le secteur de la construction avec ses services afférents est le quatrième secteur économique en importance au Québec et qu’il joue un rôle essentiel pour soutenir d’autres secteurs économiques, tels la santé, l’éducation, le manufacturier, etc. Tout gain de productivité dans le secteur de la construction a un impact majeur sur l’ensemble de l’économie du Québec.
D’ailleurs, si l’on transpose au Québec une étude menée par Atkins et KPMG au Royaume-Uni, chaque dollar investi en numérisation de l’industrie induirait des gains moyens de 5,50 $. Un investissement de 47 millions$ du gouvernement du Québec dans la transformation numérique dans l’industrie permettrait des gains de productivité de 1% et un ajout au PIB du Québec de 260 millions$. Certaines études démontrent que la hausse de productivité pourrait aller jusqu’à 15 % dans un contexte de numérisation complète de l’industrie de la construction.
Cependant, ce sont majoritairement les grands joueurs qui ont réalisé le virage numérique nécessaire pour réaliser des projets entièrement numérisés. Conséquemment, le clivage entre les grandes et les petites entreprises du secteur s’est accru.
Sans ces dernières, les gains de productivité ne peuvent être ceux escomptés. Les ressources dont disposent les petites entreprises ne leur permettent pas d’entreprendre ce virage seules. Le gouvernement doit donc accroître son soutien dès maintenant.
C’est un choix important et stratégique pour le Québec!
Signataires :
Jean-François ARBOUR ing., président, Association de la construction du Québec
Maxime RODRIGUE, président-directeur général, Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec,
Erik KINGSBURY, président, Corporation des maîtres électriciens du Québec
Denis BEAUCHAMP, président, Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec
Eric CÔTÉ, président-directeur général, Corporation des entrepreneurs généraux du Québec
Michel BINETTE, président-directeur général, Conseil des infrastructures
Jean-François GAUTHIER, président-directeur général, Institut de gouvernance numérique
Martin LAFLEUR, directeur général, Groupe BIM du Québec
Érik POIRIER, directeur du département de génie de la construction à l’École de technologie supérieure et président du conseil d’administration du Groupe BIM du Québec