Je cède cette semaine mon espace de blogue au journaliste Daniel Germain qui a publié cette semaine ce récit dans Les Affaires.
Publié par Daniel Germain dans Les Affaires le 10/03/2015 à 13:03
Il y a de ces rénos qu’on entreprend sur un coup de tête, comme celles de ma salle de bain que je ne suis plus capable de voir, avec ce lavabo en forme de coquillage dont la couleur est indéfinie. «C’tu jaune? C’tu beige? C’tu crème?» On ne sait pas trop.
Ce devait être au départ une opération cosmétique, mais finalement on arrache tout, on défonce et on recommence. Il a fallu que ma blonde me montre des photos de douche italienne sur Pinterest pour que ma raison hisse un drapeau blanc et que le projet gagne de l’envergure.
Et il y a ces travaux majeurs qui murissent des années dans notre tête. Vous savez ceux qu’on repousse jusqu’au moment du dernier versement hypothécaire. L’ultime rénovation! On en rêve durant des années. «Un jour…»
Pour mon voisin, c’était un solarium. Il habite un bas de duplex, avec une jolie petite cour fleurie qui, de juin à septembre, accueille les soupers familiaux du dimanche. Il a acquis l’immeuble à la fin des années 1990, qu’il a converti en condos quelques années plus tard. Les copropriétaires du haut sont de la famille. Ça va, ça vient, comme dans une commune.
«Ce projet de solarium, avec la grande terrasse en haut, nous l’entretenons depuis que nous avons acheté le duplex», me raconte-t-il, attablé dans la nouvelle pièce vitrée de sa maison. Heureux? Amer plutôt. Les coûts des travaux ont explosé, tout comme l’échéancier. La bisbille s’est installée entre lui, l’entrepreneur et un des fournisseurs qui le menaçait encore la semaine dernière par téléphone, alors qu’il était dans un remonte-pente avec sa fille, de venir récupérer l’escalier extérieur. «J’ai passé une autre nuit blanche», dit-il, contemplant la fissure qui fait son chemin sur le nouveau plancher chauffant en céramique.
C’est une vraie histoire d’horreur dont j’ai été en partie témoin. Quand je lui ai demandé de me la détailler au bénéfice des lecteurs, il n’a pas hésité, comme s’il voulait se livrer à un exercice libératoire. Une sorte de catharsis. Mais il est aussi conscient du potentiel pédagogique de sa mésaventure: «J’ai commis plusieurs erreurs», reconnaît-il.
Il évoquait ce projet depuis quelques années déjà, et, chaque été, avec plus de détails. Le solarium, qui s’ouvre à la grandeur, allait permettre de profiter de la cour, beau temps, mauvais temps. Sur le plan figurent aussi une petite piscine à jets dans laquelle on peut nager sur place ainsi qu’une grande terrasse au deuxième, au-dessus de l’extension à la maison.
Comment un projet dérape
Il y a un an, mon voisin a fini de rêver. Il était prêt à passer à l’action. «J’avais totalement remboursé l’hypothèque.» Après des recherches sur le net, il décide de faire affaire avec un fabricant de solariums, qui coordonnera l’ensemble des travaux. Il a pris soin de recueillir des références. Toutefois, il aurait dû faire dessiner des plans par un architecte-paysagiste et demander des soumissions ensuite. Mais son erreur la plus coûteuse aura sans doute été son excès d’enthousiasme et son impatience à voir se réaliser ce projet qui, pourtant, avait attendu des années.
Plan en mains, il demande un permis à la ville. Il n’avait pas prévu la lenteur des fonctionnaires municipaux. Nous sommes au printemps et mon voisin est désormais résolu à profiter de sa piscine à l’été. On lui accorde son permis, non sans un retard de plusieurs semaines.
Un problème surgit alors: l’homme qu’il a engagé pour faire les travaux ne donne plus signe de vie. Ce dernier se manifeste finalement au bout de deux semaines pour se désister en évoquant des problèmes de santé. «Mais bonne nouvelle, dit-il du même souffle, j’ai quelqu’un qui peut faire la job à ma place.»
Alors se pointe ce type bedonnant et en sueur qui ne respire pas la santé non plus, le genre qu’on soupçonne sous la menace constante d’une crise cardiaque. «Je voulais que les travaux débutent au plus vite, je n’ai pas demandé de références. Une autre de mes erreurs», raconte mon voisin, qui s’est dit rassuré par la teneur du contrat qu’ils ont signé.
Bien que détaillé, le contrat omettait des éléments essentiels, comme l’excavation et la dalle de ciment pour accueillir la piscine. «Je croyais que c’était le fabricant de la piscine qui s’en occupait.» Et d’autres changements sont apportés au plan, mais sans modifier le contrat. «On s’entendait verbalement». Le voisin réclamait des états de compte, mais l’entrepreneur ne lui en fournissait pas. «Je lui faisais des chèques selon un calendrier déterminé entre nous, mais je n’avais pas idée de ce que je lui devais, compte tenu des imprévus et des changements apportés au plan initial».
Puis les travaux ont bloqué. L’entrepreneur avait promis de livrer début juin, mais prétextant le mauvais temps, il a pris des semaines de retard. Je doute que la météo soit en cause, de ma fenêtre, je pouvais voir son personnel se trainer les pieds, fumer des clopes, texter sur leur cellulaire. C’était gênant.
Puis arrive juin. Juillet. Août. Le voisin n’est pas prêt de se baigner. La cour est un chantier, la ruelle ressemble à un dépotoir. Le ton monte. Puis le fournisseur essaie de rogner sur la qualité des matériaux convenus, constatant sans doute que sa marge de profit est à risque.
Survient ensuite le chapitre de l’escalier, installé en… décembre. L’entrepreneur ne veut pas payer cet escalier prévu au contrat et tente de refiler la facture au client. Exaspéré et impatient d’en finir, ce dernier propose d’en payer la moitié. Sans succès. Maintenant, c’est le fabricant de l’escalier qui s’est tourné contre mon voisin pour se faire payer. C’est entre les mains des avocats.
Bien entendu, le budget a été largement défoncé, sans compter les frais du juriste. Mais il y a pire. «Je ne suis même pas convaincu de la qualité des travaux.»
Il en a rêvé durant des années. Il vit maintenant un cauchemar.
Comment éviter ce genre de capharnaüm
Qu’aurait-il dû faire pour éviter tout ça? J’ai posé la question à Andrei Uglar, président de SmartReno. Cette entreprise du Vieux-Montréal agit comme un courtier en entrepreneurs. On lui présente son projet de rénovation, et elle nous propose trois entrepreneurs qui soumissionneront pour avoir le contrat.
Il est essentiel de demander plusieurs soumissions. «Et ne pas choisir nécessairement la plus basse», affirme le président de SmartReno. Des soumissions trop basses débouchent souvent sur des imprévus et des extras.
Il faut recueillir des références. N’hésitez pas à appeler d’anciens clients pour savoir s’ils sont satisfaits. «Exigez des photos des anciens projets», conseille Andrei Uglar. A-t-il fait l’objet de plainte à la Régie du bâtiment? A-t-il sa licence? Est-il assuré? Offre-t-il une garantie pour les travaux?
Méfiez-vous aussi de ceux qui se présentent en retard au premier rendez-vous, ou malengueulés. Leur camion est-il propre? Porte-t-il le nom de l’entreprise? Ça ne fait pas foi de tout, mais ce peut être autant de signes qui témoignent du professionnalisme de l’entrepreneur.
Enfin, assurez-vous que le contrat est clair et détaillé. Et si vous apportez des changements en cours de route, inscrivez-les.
Cela vous évitera bien des dépenses. Et peut-être des nuits blanches.