Dans quels mondes vivons-nous? Oui, oui, j’ai utilisé le pluriel parce qu’il y en a deux.
Celui où une compagnie de train auto-régule ses normes de sécurité avec les dommages directs et collatéraux qu’on calcule en pertes humaines, financières, matérielles et environnementales.
Et celui où on nous traque, on nous harcèle presque, avec des demandes et des procédures d’une rare complexité pour qui n’y est pas familier.
Les exemples pleuvent dans ma tête.
– Les rapports d’équité salariale. Qui les a rempli sans se dire à quel point les informations demandées sont du brassage de papier? Ne vous méprenez pas: je suis 100 % en faveur de la loi. Mais c’est son côté rétroactif qui pose problème. Obliger les entrepreneurs à remonter jusqu’en 1996 pour déclarer combien gagnaient les hommes et les femmes à temps plein et à temps partiel, ouf! Sans parler des exigences d’accès de Clic Secur Plus et d’un protocole qui oblige à recommencer le processus à la moindre erreur.
– Les rapports à Éco Entreprises Québec. La loi sur la qualité de l’environnement oblige toute entreprise à déclarer les quantités de matières qui se retrouveront dans les centres de tri, en plus de payer 100 % des coûts municipaux de traitement. Ici aussi, les tarifs sont basés sur les activités des années passées. Il faut voir la longueur et la complexité des documents d’aide aux déclarations et de guides pour comprendre à quel point il y a eu une tonne de comités et de fonctionnaires pour en arriver à dessiner un cheval avec une bosse et cinq pattes!
– Les preuves de conformités exigées par la CSST. Toute entreprise est maintenant tenue de savoir si ses sous-traitants sont conformes ou non aux yeux de la Loi sur la santé et sécurité au travail. Soyons clairs: on est pour une sécurité optimale sur les chantiers, dans les usines et partout. Mais faire porter le poids d’une entreprise délinquante sur une autre, obliger cette dernière à remplir une demande d’attestation de conformité, c’est faire jouer le rôle de l’État par les entrepreneurs.
– L’application au pied de la lettre de la Loi sur les heures et les jours d’ouverture des commerces. On sait que la Loi citée prescrit les heures d’ouverture et de fermeture selon les jours de la semaine. Et on est d’accord avec la stricte application de ces normes, incluant la possibilité offerte spécifiquement aux quincailleries et aux centres de rénovation d’ouvrir aux « contracteurs » plus tôt, via une porte dédiée. Or, quand un consommateur se glisse entre deux entrepreneurs pour acheter une boîte de clous ou pour accompagner son professionnel, sa présence place le commerce dans l’illégalité. Sur papier, cela est vrai. En pratique, pourrait-on demander aux inspecteurs de respirer par le nez profondément avant d’appliquer la loi et d’envoyer des amendes salées?
– Les coresponsabilités exigées par les lois de protection du consommateur ou de la santé publique. Les marchands doivent maintenant trouver le moyen de savoir si les produits proposés par leurs manufacturiers ou distributeurs sont correctement étiquetés et si leurs modes d’emploi sont suffisamment clairs pour ne pas entrainer de problème de santé ou de sécurité. On doit donc devenir ergonomes, infirmières, quasiment pompier pour commercer aujourd’hui!
Je pourrais poursuivre longtemps la litanie des obligations de paperasse motivées au départ par des buts vertueux, mais qui ont dérivé et sont devenues harassantes.
Le monde est bipolaire: nos camions se tapent la pesée obligatoire alors que les trains américains passent sous tout radar.