Quand les eaux usées empêchent de construire des logements

La crise du logement au Québec est exacerbée par l’état vétuste des infrastructures d’égouts et d’aqueducs dans plusieurs municipalités, contraignant ces dernières à restreindre le développement résidentiel. Cette situation crée un paradoxe où la nécessité de nouveaux logements se heurte à l’incapacité des infrastructures à soutenir une croissance urbaine adéquate.

Les infrastructures d’eau potable et d’égouts au Québec sont vieillissantes. Selon le « Portrait des infrastructures en eau des municipalités du Québec » de 2023, environ 41 008 km de chaussées surplombent des conduites d’eau, nécessitant une coordination pour leur renouvellement. La valeur de remplacement de ces chaussées est estimée à 73,5 milliards de dollars en 2023. Bien que l’augmentation des coûts de construction ait été plus modérée en 2023 qu’en 2022, les défis financiers demeurent significatifs pour les municipalités.

Impact sur le développement résidentiel

Face à ces défis, plusieurs municipalités ont dû limiter ou retarder des projets résidentiels. Les infrastructures inadéquates ne peuvent supporter une augmentation de la population sans risquer des défaillances majeures.

Par exemple, des municipalités ont dû refuser des projets de développement en raison de la capacité insuffisante de leurs systèmes d’aqueduc et d’égouts. Cette situation freine la construction de nouveaux logements, aggravant la crise actuelle.

Programmes gouvernementaux et défis financiers

Le gouvernement du Québec a mis en place des programmes tels que le Programme d’infrastructures municipales d’eau (PRIMEAU) pour aider les municipalités à financer la construction, la réfection ou l’agrandissement de leurs infrastructures d’eau potable et d’eaux usées. Cependant, malgré ces initiatives, les besoins dépassent souvent les ressources disponibles, laissant de nombreuses infrastructures dans un état précaire.

Lien avec la crise du logement

La crise du logement au Québec est multifactorielle. Selon l’Observatoire des inégalités, 3,7 % de la population du Québec vivait dans un ménage ayant des besoins impérieux en matière de logement en 2021, avec des disparités marquées chez les femmes, les personnes âgées, les immigrants et les minorités visibles.

La vétusté des infrastructures municipales contribue à cette crise en limitant la capacité des municipalités à approuver de nouveaux projets résidentiels. Ainsi, même si la demande de logements augmente, l’offre reste insuffisante en raison des contraintes infrastructurelles.

Conséquences sociales et économiques

Cette situation a des répercussions majeures sur la qualité de vie des citoyens. Les ménages à faible revenu sont particulièrement touchés, consacrant une part importante de leurs revenus au logement.

De plus, la rareté des logements abordables peut entraîner une augmentation de l’itinérance et des problèmes de santé mentale. Économiquement, les entreprises peuvent éprouver des difficultés à attirer et retenir des employés en raison du manque de logements abordables à proximité.

Perspectives d’avenir

Pour remédier à cette situation, une approche intégrée est nécessaire. Cela inclut des investissements accrus dans la modernisation des infrastructures municipales, une planification urbaine stratégique pour optimiser l’utilisation des ressources existantes et des politiques de logement favorisant la construction de logements abordables. Sans une action concertée, le Québec risque de voir sa crise du logement s’aggraver, avec des conséquences sociales et économiques de grande envergure.

Un exemple de petite municipalité : Très-Saint-Rédempteur : cette municipalité est confrontée à des restrictions de développement en raison de la zone agricole permanente qui couvre environ 70 % de son territoire, incluant le cœur du village. Dans cette zone, aucun développement domiciliaire ne peut se faire sans l’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec. Les 30 % restants, situés en zone boisée sur le mont Rigaud, sont dédiés aux développements domiciliaires.

Un exemple de grande ville : Sept-Îles : dans les années 1960 et 1970, Sept-Îles a connu une crise du logement en raison d’un boom économique lié à l’industrie ferrifère. La demande de logements dépassait l’offre, entraînant la prolifération de maisons mobiles, souvent installées sans services d’aqueduc ou d’égout adéquats. La ville a dû planifier la relocalisation de ces maisons vers des zones mieux équipées, comme le Parc Ferland, pour offrir des infrastructures appropriées.

Près du tiers des municipalités québécoises, principalement des petites agglomérations, ne sont pas équipées de systèmes collectifs de collecte des eaux usées. Pour certaines de ces municipalités, les installations individuelles pour l’évacuation et le traitement des eaux usées peuvent s’avérer une solution plus économique.

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