Mon cell ne dérougit pas ce matin. Ça a commencé vers 6h, avec la publication de cet article dans le Journal de Montréal .
Les journalistes veulent savoir si la direction de l’AQMAT est favorable à ce que certains observateurs qualifient de chasse aux sorcières de la part des vérificateurs de l’Agence de revenu Canada (ARC).
Le motif : obtenir auprès des centres de rénovation des listes de clients professionnels, essentiellement les « contracteurs », enrichies si possible du détail des transactions.
Le but visé : permettre de confronter les chiffres d’affaires déclarés des entrepreneurs avec leurs achats en matériaux afin de s’assurer que leurs compagnies déclarent la totalité de leurs revenus.
Si un marchand reçoit de l’ARC une demande péremptoire d’information sur des tiers, en l’occurrence leurs clients, il doit en principe collaborer sous réserve de son droit de contester devant les tribunaux.
Plusieurs têtes de bannières et marchands locaux ont choisi de fournir de gré une telle information, sans doute après avoir consulté leur avocat. D’autres, semble-t-il que ce serait le cas de RONA, aurait opté de porter l’affaire devant les tribunaux, ce qui est leur plein droit.
L’histoire nous apprendra si la bannière récalcitrante devra néanmoins se soumettre aux demandes d’accès à l’information de l’ARC. On pourra aussi peser l’impact positif ou négatif que cette prise de position aura sur les affaires et la réputation de l’entreprise.
Je ne commenterai certainement pas l’avenir, mais pour mémoire, dans la saga ayant opposé eBay Canada et les « Power Sellers », la bannière virtuelle avait été déboutée.
De façon générale, on dit que la justice a le bras long, mais disons que les pouvoirs de vérification de l’ARC ratissent, eux, plutôt largement…
Je dois cependant admettre mon étonnement de constater que les journalistes ont eu un accès libre à la liste précise des noms des marchands qui ont accepté de déposer leurs listes de clients. Où est donc rendu le secret fiscal garantissant à chaque contribuable une parfaite confidentialité?
Liés à nos clients et fournisseurs
Notre industrie a bien mauvaise presse. La Commission Charbonneau d’un bord, cette réputation d’évadés fiscaux de l’autre qui nous colle au corps. La réalité est tellement plus nuancée.
D’abord, rappelons-nous que le champ d’action de ladite instance d’enquête était circonscrit par son propre nom : la Commission sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction. En clair, ce sont les achats et travaux commandés par des ministères et le palier municipal qui étaient sous la loupe des commissaires, deux domaines où oeuvrent en mineur nos marchands, même leurs fournisseurs.
Quant à la nature réputée de donneur d’ouvrages au noir, elle affecte principalement nos clients, les consommateurs et les entrepreneurs en construction, non pas nos marchands ni leurs fournisseurs.
Sauf que quelqu’un a déjà dit que tout était dans tout ; je ne sais plus si c’est Raoul Duguay ou Einstein, peut-être les deux, ça dépend comment on prononce les mots, j’imagine !
Le concept des parties prenantes et de l’interrelation entre tout et tous s’applique. Si une frange des entreprises d’une chaîne de valeurs se soustrait à ses obligations de bon citoyen corporatif, c’est toute la chaîne qui en souffre, pas seulement les coffres du gouvernement. Là-dessus, écoutez, je vous prie, l’entrevue accordée au CQCD par Peter Simons, PDG des magasins du même nom. Un exemple du meilleur de ce que peut apporter à la société un système capitaliste joué dans les règles.
Je suis de ceux qui croient fermement que notre responsabilité à l’égard du public doit embrasser le comportement de nos fournisseurs comme celui de nos clients. C’est pourquoi j’accueille avec bonheur les démarches convergentes des ministères du Revenu et de la Commission de la construction du Québec en vue d’assainir notre industrie.
Plus il y aura de chantiers déclarés, meilleures seront les chances de développer un patrimoine bâti de qualité. Des travaux de rénovation faits dans les règles de l’art donneront de la valeur aux maisons et aux yeux des assureurs. Les chances de voir augmenter le confort et la sécurité attendus par leurs habitants seront maximisées. Les possibilités que les matériaux et les conseils soient fournis par des quincailleries et des centres de rénovation plutôt que dans des surfaces généralistes seront naturellement encouragées. La compétitivité entre entrepreneurs et entre fournisseurs de matériaux sera plus honnête si l’arbitre prend les moyens de s’assurer que les conditions d’entreprendre sont les mêmes pour tous.
Oui, tout est dans tout. L’accès aux comptes clients corporatifs est une corde bienvenue qui s’ajoute à l’ARC (!)
Qu’en est-il du combat contre le travail au noir ?
Il y a vingt ans, il était conservateur d’affirmer que 40 à 45 % des rénovations au Québec se faisaient sous la table. Aujourd’hui, à coups de campagnes de sensibilisation, d’actions menées auprès des entrepreneurs et même directement aux travailleurs qu’ils
embauchent, on parle d’un taux en dessous des 20 %.
À l’échelle du Québec, une récupération de 400 millions de dollars et plus par année fait que, au cumul, un plateau des 5 milliards est avancé comme somme récupérée chez les entrepreneurs en construction depuis 1995.
L’augmentation plus rapide des heures travaillées constitue le principal indicateur de rendement des efforts pour contrer le travail dit souterrain par la Commission de la construction du Québec (CCQ).
Le cas des toitures est particulièrement parlant. Entre 2004 et 2012, le nombre d’heures rapportées par les couvreurs a augmenté de la quantité de 26 %, passant de 2,9 à 3,6 millions d’heures alors que la vente au Québec de papier-toiture asphalté, le matériau dominant le marché, baissait, elle, de 8,4 à 8 millions de paquets métriques.
Une autre indication d’une plus grande discipline fiscale de la part des entrepreneurs réfère au nombre d’heures de travail déclaré par logement qui a doublé pendant la même période, passant de 400 à 800 heures environ, bien qu’on s’entende pour avancer que la taille des logements n’a pas foncièrement changé.
Le code de déontologie en vigueur à l’AQMAT sous-tend le respect de toute loi en vigueur par ses membres. Notre raison d’être comme association sectorielle induit par ailleurs que si des lois ou règlements publics nuisent aux intérêts de notre univers économique, nos membres s’attendent à ce que nous intervenions en leur nom.
Dans le cas qui nous occupe, l’intérêt pérenne de l’ensemble de notre communauté d’affaires et par extrapolation de toute la société commande de combattre par tous les moyens le travail au noir qui sévit dans l’industrie de la construction.
Nous encourageons les marchands à prendre les recours qu’ils estiment nécessaires, tout comme nous appuyons tout autant la direction de RONA qui semble avoir de bonnes raisons de contester et qui agit de plein droit avec les lois.
IMPORTANT : pour connaître vos droits comme commerçant face à une telle enquête ou pour toute question fiscale, l’AQMAT vous réfère à deux avocats spécialisés :
Me Maxime Chouinard : maxime.chouinard@langlois.ca ou 418 650-7086/418 241-9168
Me Benoit Therrien : Benoit.Therrien@ljt.ca ou 514 842-8486
* Un collabo était l’expression utilisée pour qualifier les Français qui agissaient comme délateurs auprès des Allemands durant la Deuxième Guerre mondiale. Mais, c’est en fait un terme que peut porter toute personne ayant collaboré avec l’ennemi de sa patrie en temps de guerre.