Plutôt que de se mettre en boule jusqu’à la mi-avril, plusieurs des 200 manufacturiers membres de l’AQMAT pensent déjà à l’après COVID-19.
« Je ne peux me prononcer sur l’économie en général, je lis comme vous les pronostics de ralentissement. Mais sincèrement, je pense que quand ça va repartir, ça va repartir en grand! », lance Richard Darveau.
Selon la FCEI, au Canada, après un recul de 10 points au début du mois, l’indice de la confiance des entreprises a encore perdu 19 points, passant de 60,5 en février à 30,8. Mais c’est au Québec que la chute est la plus prononcée.
« En ce moment, il est vrai qu’on survit tous. On retient notre souffle. Mais compte tenu de la saisonnalité relative de l’industrie de la construction et de son petit frère devenu de plus en plus grand qu’est la rénovation, le printemps tardif pourrait s’avérer explosif », croit le porte-parole de l’AQMAT.
Deux ou trois faits militent en faveur d’un alignement positif des planètes.
D’abord, les bricoleurs et jardiniers amateurs, tenus à l’activité réduite, voudront se mettre à l’action.
Ensuite, les entrepreneurs en construction auront des carnets de commandes bien garnis en raison des semaines perdues.
L’échéance du bail du 1er juillet où déménage 30 % de la population va créer une compression des travaux et donc, des commandes afin de finir les condos et le locatif entamés en mars et laissés en chantier.
Enfin, à lui seul, le gouvernement ainsi que plusieurs administrations municipales ont déjà annoncé leur intention de précipiter nombre de travaux d’infrastructures. Ceux-là n’amèneront pas toujours d’achalandage dans les centres de rénovation, mais feront cependant tourner les machines dans les usines de matériaux.
En effet, le Plan québécois des infrastructures, déposé dans le cadre du dernier budget du gouvernement du Québec, atteint un sommet historique de 130,5 milliards de dollars pour les dix prochaines années.
Soulignons que le Conseil des Infrastructures profite de la présente pause pour élargir la discussion avec un à-propos optimiste qui réchauffe nos cœurs et nos calculatrices en cette période particulière.
L’organisme commente la mise à l’arrêt des chantiers de construction au Québec pour une période d’au minimum trois semaines. L’organisme est d’avis qu’il est possible de mettre en place un environnement de travail sécuritaire dans le secteur de la construction et sa chaîne d’approvisionnement de sorte à ce que le Gouvernement du Québec puisse stimuler l’économie et l’emploi en misant sur l’accélération des grands chantiers d’infrastructures du Québec, tant ceux à l’étude que ceux déjà en mode de planification et de réalisation.
Il note que les chantiers en Ontario et dans l’État de New York demeurent ouverts puisque le secteur de la construction y a été jugé comme un « service essentiel ».
La construction à Hong Kong ou Singapour se poursuit également où un chantier ne sera arrêté que lorsqu’un cas de COVID-19 y serait rapporté.
En Australie, les entreprises minières telles que BHP en profitent pour recruter pour assurer que les sites continuent à opérer efficacement stimulant l’emploi dans le pays.
Le Conseil des Infrastructures croit que le Québec se prive potentiellement d’idées innovantes et de solutions clés en main du secteur privé pouvant contribuer à accélérer la réalisation de nouvelles infrastructures.
Ainsi, à l’automne 2019, le gouvernement de l’Ontario a annoncé la mise en place d’un cadre de propositions spontanées en matière d’infrastructure permettant de recevoir et évaluer les propositions du secteur privé.
En Asie, plusieurs plans de relance se sont appuyés sur des investissements massifs dans les infrastructures à la sortie de la crise financière de 2008-2009.
Selon la Banque Mondiale, les autorités chinoises avaient alors annoncé des investissements, notamment en infrastructure, totalisant 580 milliards de dollars américains dans des infrastructures transformationnelles, de modernisation ou de réduction de l’empreinte carbone (8 000 km de rails pour trains à haute vitesse, hubs aéroportuaires tels l’aéroport Daxing à Beijing, systèmes de transport en commun, centrales d’énergie photovoltaïques etc.). Ces projets ont directement permis la création de près 55 millions d’emplois et favorisé une sortie de crise rapide de la deuxième économie mondiale.
Au cours des prochaines semaines, plusieurs gouvernements en Asie, dont ceux de Singapour (accélération du projet de métro Cross Island Line parmi d’autres travaux publics), de Thaïlande (accélération du Thailand High Speed Rail en PPP), d’Indonésie et de Chine annonceront les détails de leurs nouveaux programmes de relance respectifs reposant sur d’importants investissements dans les infrastructures.
Le Conseil des Infrastructures est d’avis qu’il est impératif que nos gouvernements travaillent de concert avec le secteur privé pour accélérer les projets d’infrastructure, dans le respect des mesures de précaution pour les travailleurs, et ce, dès la reprise des activités.
Le Québec reste sur pause pour trois semaines, soit, mais il faut se préparer pour une grande reprise tant dans le résidentiel que dans les grands projets d’infrastructures, soutient le président et chef de la direction de l’AQMAT.
Chaque manufacture doit défendre son caractère « essentiel »
Si certaines directions ont été promptes à fermer leurs installations, comme on descend en Floride ce fameux rideau de fer le temps que passe l’ouragan, pensons ici à MurDesign, à Duchesne et Fils, etc., d’autres ont pu passer en mode télé-travail, notamment les 7000 employés de Harris qui détient ACCEO Solutions travaillent tous de leurs cuisines et de leurs salons. Certains manufacturiers ont réussi à être considérés comme essentiels. Voici quelques cas parmi d’autres qui montrent la pluralité des situations :
- Tafisa à Lac-Mégantic : après deux jours de discussions avec Québec, l’entreprise maintient une de ses deux lignes de production de panneaux de particules et deux de ses cinq lignes de laminage pour répondre à des besoins créés par la pandémie dans les secteurs hospitalier et de l’alimentation;
- American Biltrite à Sherbrooke ne pourra fabriquer des tapis résidentiels, mais garde 20 de ses 250 employés pour produire des composants de respirateurs artificiels;
- Chez Finitec, sur la rive-sud de Québec, la décision a été prise de fermer temporairement, basée sur leurs principes fondamentaux de protéger la santé et la sécurité de la communauté. Son président Marc Rioux, insiste toutefois sur l’importance, après cette crise historique, de travailler à tisser plus serré un écosystème d’entrepreneurs qui fabriquent ici et partagent des valeurs;
- Du côté de Moulure Alexandria, étant en Ontario, où les règles sur les essentiels sont interprétées autrement, on n’a pas eu à stopper l’approvisionnement des centres de rénovation du Québec et d’ailleurs;
- Cobra Anchors à Montréal a réussi à obtenir les approbations et exemptions des différents paliers de gouvernement afin de continuer ses opérations autant au Québec qu’en Pennsylvanie.
Entre-temps, que le décret s’applique
La direction de l’AQMAT a reçu trois plaintes de membres qui lui ont fait part de leur mécontentement, du moins de leur inquiétude, quant aux moyens pris par le gouvernement pour faire observer le décret en vigueur.
Une fois qu’on a convenu que seuls certains secteurs bien définis étaient essentiels, il importe que les moyens soient pris pour que tous observent la consigne.
L’AQMAT encourage ses membres à dénoncer toute délinquance à la loi en appelant la police locale lorsqu’une entreprise, un concurrent sans doute (!), semble opérer contrairement au décret.
Les seules entreprises aptes à ouvrir doivent pouvoir démontrer aux policiers qu’ils détiennent des preuves tangibles que le maintien de leurs opérations répond à des services identifiés comme essentiels.