Moyen de justifier une fin

Selon l’Institut Fraser, un bureau d’études socio-économiques, le gouvernement du Québec aurait récemment donné aux prêteurs sur gages de quoi se réjouir.

On sait que le gouvernement, sous la pression tant des associations commerciales telles l’AQMAT que les organismes de protection du consommateur, est intervenu juridiquement avec des mesures prévenant le surendettement des ménages et l’impact d’éventuelles hausses des taux d’intérêt hypothécaire. Dans la foulée, le gouvernement du Canada entend aussi rendre un peu moins accessible le crédit immobilier afin de réduire le nombre de faillites et de reprises de maisons. Nos gouvernements sont craintifs devant la catastrophe survenue chez nos voisins américains, et nous leur en sommes gré.

Parmi les dispositions légales figurent notamment l’augmentation du paiement mensuel minimum du solde du compte d’une carte de crédit, de nouvelles exigences d’information et l’octroi aux tribunaux du pouvoir de modifier les conditions des contrats de crédit au nom des consommateurs.

On se rappelle à quel point la coalition patronale, sous l’égide du CQCD, déploie de l’énergie pour inciter nos gouvernements à empêcher VISA et MasterCard de faire la pluie et le beau temps.

Or, selon l’Institut Fraser, l’action gouvernementale québécoise aura de nombreuses conséquences imprévues. « Les coûts de la conformité seront notamment répercutés sur les consommateurs sous forme de hausses de taux d’intérêt et de frais. Par ailleurs, comme il s’agit d’une loi provinciale, certains émetteurs de cartes de crédit pourraient choisir d’éviter le Québec, surtout si la province représente un faible chiffre d’affaires. Il en résulterait alors un marché québécois peu concurrentiel par rapport au reste du Canada. De plus, la disposition selon laquelle les consommateurs peuvent s’adresser à un tribunal pour faire modifier les conditions d’un prêt en raison d’un événement qui échappe à leur contrôle les encouragera à s’endetter davantage et non à réduire leur dette. »

Je ne sais pas pour vous, mais j’ai peine à suivre l’argumentaire des auteurs de l’étude.Visa et MasterCard ont déjà toute latitude pour hausser à leur guise les taux d’intérêt et les frais afférents. Ils savent déjà que le Canada est une fédération et partant, que les lois provinciales ont préséance. Quant à l’accès au tribunal, l’approche gouvernementale est bien timide par rapport aux droits accordés au public américain ou à bien des citoyens d’Europe ou d’Australie en la matière.

Toujours selon l’Institut Fraser, l’aspect le plus triste du projet de loi est son incidence potentielle sur les consommateurs à solvabilité relativement faible. « Des règlements tels que l’augmentation du paiement mensuel minimum du solde du compte d’une carte de crédit ne changeront pas leurs habitudes, puisqu’ils peuvent se tourner vers d’autres types de crédit. Par exemple, certains consommateurs pourraient utiliser davantage leur marge de crédit ou effectuer leur paiement minimum à l’aide d’une autre carte de crédit. Pour la plupart des consommateurs, l’augmentation du paiement minimum sera un désagrément plus qu’autre chose. Toutefois, la situation pourrait être différente dans le cas des consommateurs à faible solvabilité, qui pourraient se tourner vers des sources de crédit plus onéreuses pour effectuer leur paiement minimum. »

Voilà. L’épouvantail des prêteurs sur gages et des prêteurs usuraires est sorti du sac.

En 2009, le gouvernement des États-Unis a promulgué la Credit Card Accountability, Responsibility and Disclosure Act (CARD Act). Cette loi impose des restrictions aux taux d’intérêt et autres frais appliqués (délais minimums avant que les compagnies de cartes de crédit puissent hausser les taux d’intérêt applicables aux soldes existants, etc.). La nouvelle loi américaine permet aux consommateurs qui ont un bon dossier de crédit et qui ne paient pas leur solde au complet chaque mois de profiter notamment des hausses de taux d’intérêt reportées.

Pour un, je souhaite que le Canada possède un jour son équivalent de la CARD Act afin de plafonner les taux d’intérêt sur les cartes de crédit, de maintenir la tarification à l’acte des cartes de débit, nonobstant le montant de la transaction et d’un nivellement des coûts chargés aux marchands peu importe la couleur dorée ou platine de la carte utilisée par le client.

Officiellement, l’Institut Fraser est un groupe de recherche néoconservateur canadien spécialisé dans l’économie, la société et l’éducation fondé en 1974. Il garde secrets ses contributeurs, mais avoue publiquement son désir d’abolir tout salaire minimum, toute loi restreignant l’usage du tabac. Il milite en faveur d’un affaiblissement des syndicats et des filets sociaux. Bref, il est en faveur d’un marché capitaliste non régulé.

Si vous souhaitez faire un don à l’Institut Fraser, vous pouvez procéder sur leur site… par VISA et MasterCard!

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *