Arbitraire ou idéologique, la censure est bien la seule chose que je crois censée de censurer. Voilà ce qui habite mes pensées par ces nuits blanchies à coups de souvenirs du temps où, moi aussi, je pratiquais le journalisme affranchi.
Les attentats survenus chez Charlie Hebdo et les tortures infligées à un blogueur par les autorités saoudiennes, c’est un même combat. L’apologie religieuse est prétextée, quoiqu’il s’agisse plus d’une croisade contre la liberté de parler, même de caricaturer.
Le pape François disait hier qu’il fallait imposer des limites au droit de parole afin d’éviter qu’on insulte ou qu’on ridiculise la foi, ajoutant que les attentats contre ce périodique étaient à prévoir. Un appui au mouvement « vous l’avez cherché » qui donne des munitions aux terroristes. Sa Sainteté a même eu le culot de lancer aux médias, poing en l’air, que lui non plus ne se laisserait pas faire si on parlait contre sa maman. Déplorable analogie ou inspiration inconsciente de l’humour pratiqué le magazine satirique?
La religion est aussi invoquée par Boko Haram lors de ses massacres et de ses enlèvements au Nigeria, ou par l’État islamique depuis qu’il usurpe le pouvoir dans le nord de l’Irak et procède à des assassinats d’otages en direct. Idem pour les Talibans au Pakistan dans leur quête d’interdire aux fillettes l’école supérieure.
Pourtant, on tue aussi des journalistes sous des régimes laïques. C’est arrivé 70 fois en 2014, en Ukraine, en Corée du Nord, au Brésil, au Paraguay, aux Philippines, au Mexique et dans d’autres contrées pas parentes avec Mahomet.
Ne soyons pas dupes. Tous ces groupes désirent au fond assujettir. Ils abhorrent l’affrontement, n’acceptent pas l’affranchissement des âmes, en veulent aux éveilleurs de conscience.
Être Charlie était et demeure mon dessein.
Arthur Miller a déjà dit: « The good newspaper is a nation talking to itself » qu’on peut librement traduire par: « Un bon journal est la nation qui se parle à elle-même. »