Par manque de personnel, les entrepreneurs en construction doivent « jouer » avec les contrats

Près de neuf entrepreneurs sur dix sont concernés par la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction résidentielle au Québec. C’est ce que dévoile un sondage exclusif publié hier par l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). L’AQMAT est également préoccupée par cette situation qui a des incidences directes et indirectes sur les affaires de ses membres marchands et fabricants de matériaux et de quincaillerie, estime le président et chef de la direction, Richard Darveau.

La firme Léger a été mandatée par l’APCHQ afin d’effectuer un sondage auprès des constructeurs résidentiels membres et de non-membres de l’APCHQ sur la pénurie de main-d’œuvre. Les données ont été collectées du 1 er au 15 novembre 2018. Un sondage téléphonique a été réalisé auprès de 750 employeurs du secteur résidentiel, issus de listes fournies par l’APCHQ, suivant des quotas de région et de nombre d’employés : au total, 13% des répondants provenaient de la liste APCHQ et 87% de la liste AECQ.

« Nous avons beaucoup entendu parler de cet enjeu par nos membres et nous voulions avoir des données précises sur la réalité vécue sur le terrain par les entrepreneurs. Incontestablement, les résultats de notre sondage dressent un portrait inquiétant des impacts de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction », commente François Vincent, vice-président des relations gouvernementales et des relations publiques de l’APCHQ.

Source : Sondage APCHQ-Léger

Les données du sondage révèlent que pour répondre à la problématique, les entrepreneurs doivent faire des compromis importants à même leurs contrats. Au cours de la dernière année, 82 % des entreprises ont refusé des projets, 69 % ont reporté la réalisation de travaux et 66 % ont prolongé la durée des travaux.

Une situation inquiétante

L’analyse des données indique que 79 % des employeurs du secteur résidentiel ont des difficultés de recrutement. Les entrepreneurs qui réalisent des travaux assujettis à la Loi R-20 (travaux CCQ) sont affectés par la pénurie dans une proportion de 78 % et de 64 % pour ceux qui accomplissent des projets de construction non régis (travaux non CCQ). En ce qui concerne les travaux CCQ, 76 % des employeurs ont eu de la difficulté à recruter des compagnons et 66 % des apprentis. Il s’agit d’ailleurs des deux catégories d’emploi qui comptaient le plus grand nombre de postes à pourvoir par les entreprises durant la dernière année. Par ailleurs, pour la réalisation des travaux réglementés par la convention collective du secteur résidentiel, les données du sondage indiquent que les employeurs ont eu en moyenne un manque à gagner de près de deux compagnons (1,9) et de deux apprentis au cours de la dernière année.

MOYENS UTILISÉS….

Source: Sondage APCHQ-Léger

Les effets de la pénurie de main-d’œuvre sont tangibles et multiples, selon les réponses obtenues au sondage :

Source : Sondage APCHQ-Léger

« Les résultats sont éloquents : la pénurie de main-d’œuvre freine la croissance économique de l’industrie de la construction et la productivité de ses entreprises. Le secteur de la construction et de la rénovation résidentielles représente un important catalyseur économique pour toutes nos régions qu’il serait risqué d’affaiblir », souligne François Vincent.

Des incidences économiques directes

« Nous considérons que la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la construction doit être un enjeu prioritaire dans le cadre de la rentrée parlementaire. Le secteur de l’habitation représente 7 % du PIB du Québec, et il est régit, en partie, par un cadre légal distinct et complexe. En conséquence, une attention particulière et des solutions adaptées à ce secteur sont de mise. L’APCHQ est actuellement à pied d’œuvre pour recommander des solutions concrètes et applicables rapidement afin que les entreprises puissent faire face aux défis soulevés par cet enjeu. Il est impératif d’agir afin d’éviter que la pénurie ait un impact négatif à long terme sur l’économie québécoise », indique François Vincent.

Trop de corporatisme au goût du président de l’AQMAT 

« Le manque de personnel sur les chantiers se propage sur les affaires des quincailliers et de leurs fournisseurs », souligne Richard Darveau. Le président et chef de la direction de l’AQMAT croit qu’un nouveau contrat social devrait être à l’agenda politique dans le but d’extirper notre industrie d’un certain corporatisme qui pèse sur toute la chaîne de valeurs. « Au-delà des ralentissements dans la livraison qui affectent le consommateur attendant sa maison ou son condo, c’est un secret de Polichinelle que de dire à quel point la compartimentation des spécialités dans les métiers protégés de la construction coûte trop cher.»

Les résultats du sondage soulèvent déjà des pistes de solution envisageables. Parmi celles-ci, on retrouve l’ajustement du ratio de compagnons et d’apprentis de métier au chantier, l’élimination de barrières freinant la mobilité de la main-d’œuvre entre les régions et l’élargissement à plus grande échelle de la mesure permettant l’émission d’un certificat d’exemption apprenti aux enfants d’employeurs.

L’APCHQ a offert son entière collaboration au gouvernement et aux partenaires de l’industrie pour trouver et mettre en place des propositions concrètes, réalisables et porteuses d’avenir.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *