Lutter contre tout harcèlement afin d’aller plus loin que la commémoration du 6 décembre

Les mots pour dire l’assassinat de futures ingénieures survenu le 6 décembre 1989 à la Polytechnique de Montréal, et le deuil national qui a suivi l’horreur, sortent trente ans plus tard : c’était une charge féminicide. Quatorze sont décédées, dix ont été blessées, des centaines d’autres ont été traumatisées pour une seule raison, ou deux : celle d’être nées femmes et sans doute en corollaire, celle de vouloir faire leur place sur le marché du travail et dans les sphères du pouvoir.

C’est volontairement en cette journée où on commémore le tragique événement que la direction de l’AQMAT choisit de déposer auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) un ambitieux projet social intitulé « Une industrie de la quincaillerie assainie grâce à la lutte conte tout harcèlement ».

L’agression physique extrême n’est que la pointe visible d’un énorme iceberg où, lorsque l’on s’y plonge, on peut découvrir un terreau fertile à l’expression d’une foule de comportements pouvant mener à des degrés divers de mépris, de discrimination, éventuellement de violence, surtout à l’égard des femmes.

L’industrie de la construction est réputée machiste. Les statistiques le prouvent. Selon la Commission de la construction du Québec en 2018 :

  • 97,87 % des travailleurs sur les chantiers de construction sont des hommes;
  • 94 % des nouveaux diplômés sont des hommes;
  • 89,6 des entrepreneurs n’ont engagé aucune femme.

On nous raconte aussi que nombre de consommateurs et surtout de consommatrices seront plus porté (e)s à chercher un conseiller-vendeur mâle, sauf dans le département de peinture, la déco ou les plantes, ce qui montre encore une fois le caractère très « genré » de notre secteur d’activité.

Si on isole l’univers de la vente au détail en quincaillerie et matériaux, la plus récente Étude sectorielle de Détail Québec montre que notre secteur se classe 38e sur les 42 secteurs du commerce de détail. La proportion de femmes que nos magasins emploient est de 37 % alors que l’ensemble des commerce détail ont 57 % de femmes à leur emploi.

En regardant à la tête des quincailleries et centres de rénovation avec le statut de propriétaires ou de copropriétaires, le ratio hommes/femmes est estimé à 75/25 par les plus optimistes.

Quant aux bannières, une seule femme a été à la présidence. On en parle d’ailleurs dans notre deuxième article d’aujourd’hui.

Que fait et que veut faire de plus l’AQMAT?

L’AQMAT s’est contenté de jouer un rôle informatif auprès de ses membres, allant jusqu’à proposer aux entreprises de copier-coller sa propre politique en matière de harcèlement psychologique et sexuel qu’elle a adopté il y a dix ans, justement à la suite de malencontreux événements survenus au tournoi de golf.

Dorénavant, la direction croit nécessaire d’adopter un comportement plus incitatif afin de s’assurer que la communauté d’affaires mette concrètement en œuvre de bonnes pratiques en matière de prévention et de gestion du harcèlement.

Le projet déposé à la CNESST prévoit des actions de formation et de sensibilisation. « On désire intervenir au niveau de la prévention et de la gestion de cas afin de créer de réels changements de comportement mesurés par des indicateurs de progression que nous pourrons diffuser fièrement dans 24 ou 36 mois », espère Crystelle Cormier, directrice des activités d’animation et de formation à l’AQMAT.

Le projet permettra aux employeurs et aux employés du secteur de la quincaillerie d’améliorer leurs connaissances de la loi sur le harcèlement psychologique et sexuel en milieu de travail par les quatre éléments suivants :

  1. trousse développée afin de mieux outiller les employeurs dans l’élaboration de leur politique et le traitement des plaintes;
  2. visites en quincaillerie avec des dirigeants désireux de changer : proposition de plans de communication pour sensibiliser les dirigeants en matière de harcèlement;
  3. vidéos de formation immersives permettant aux employeurs et aux employés de se responsabiliser face à leur obligation en matière de harcèlement psychologique et sexuel en milieu de travail;
  4. promotion de l’excellence en matière de respect des normes du travail et plus précisément du harcèlement psychologique et sexuel via une capsule web de bonne gestion et lors du Gala Reconnaissance.

Appui de l’organisme Les elles de la construction

C’est avec enthousiasme que la directrice générale de l’organisme Les elles de la construction, Mériane Bergeron, a accordé son appui au projet.

« Votre projet rejoint directement la mission des Elles de la construction qui a pour but de promouvoir les intérêts et les droits des femmes dans le domaine de la construction en favorisant leur intégration au marché du travail. »

Mme Bergeron insiste dans sa lettre sur le fait que lorsque les femmes sont trop sous-représentées dans un secteur d’emploi, elles sont en proie de subir du harcèlement et de la résistance, des conditions difficiles très semblables à celles vécues par leurs membres, travailleuses de la construction.

« Je suis convaincue que votre initiative de sensibilisation par des outils de formation sera bénéfique pour l’industrie de la quincaillerie. Soyez donc assuré que vous pourrez compter sur notre entière collaboration », conclue, optimiste, Mme Bergeron.

L’AQMAT dépose officiellement son projet cet après-midi, assorti d’’un budget de 90 000 $, cela afin de s’adjoindre les meilleurs experts du domaine et concevoir des outils dans des conditions professionnelles. La CNESST entend évaluer les diverses propositions promptement.

 

 

 

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