« Le commerce de détail québécois se trouve à un carrefour très important de son histoire : l’arrivée de grands joueurs internationaux, la percée fulgurante des ventes en ligne et des contenus numériques, les hésitations des détaillants à rayonner grâce aux nouvelles technologies et l’épineuse question de la main-d’œuvre constituent des défis de taille. »
La table venait d’être mise par le pdg du Conseil québécois du commerce de détail.
En tournée dans les régions ces semaines-ci, Léopold Turgeon n’hésite pas à qualifier le commerce en ligne de véritable saignée commerciale pour les détaillants qui ont pignon sur rue, avec des murs en brique et en béton, et du personnel en chair et en os.
Quand on sait que plus de 50 % des commerces québécois sont absents d’Internet, il y a un sérieux coup de barre à donner dans ce domaine.
Pire, même le commerce en ligne lui-même nous échappe. Quarante pour cent des transactions virtuelles s’opèrent hors nos frontières. « C’est un milliard de dollars par année qui sort du Québec et qui échappe à l’économie québécoise», estime M. Turgeon, qui croit que les entreprises locales doivent miser justement sur le fait d’être près physiquement des clients d’ici pour offrir un service après-vente qu’on retrouve peu avec des entreprises étrangères.
Bien vrai qu’un dollar sur trois dans l’économie québécoise passe par le commerce de détail et que 12 % des emplois au Québec sont dans le commerce de détail, ce qui équivaut à 442 000 emplois. Mais c’est écrit dans le cyberespace que les choses n’en resteront pas ainsi.
Le commerce en ligne n’est plus une option. C’est une obligation. La barre des achats québécois en ligne a maintenant franchi les 100 milliards. Et la croissance se poursuit.
Faire côtoyer ventes virtuelles et ventes réelles est plus facile à dire qu’à réaliser avec succès. Une vraie réingénierie du modèle d’affaire du commerce doit s’implémenter. Sans parler du virage marketing à négocier pour que la clientèle accepte qu’un « vrai » magasin lui propose de l’Internet. Ce sont généralement deux mondes, presque opposés, qu’il faut faire cohabiter.
Costco semble avoir opté pour l’approche gagnante: sauf exceptions, ce qu’on retrouve sur www.costco.ca n’est pas sur les rayons de Costco sans point ca. Sa boutique en ligne se positionne donc comme un magasin parallèle. Elle profite de la réputation de l’entreprise originale en termes de qualité de marchandise et de fluidité du service après vente, notamment pour les retours, sans déranger le personnel et la logistique des vrais magasins, à la routine si parfaitement huilée.
Et si l’AQMAT, avec le concours de ses 225 manufacturiers et 700 magasins membres, créait la plus grande quincaillerie en ligne? Si on planchait sur un modèle collaboratif où tous les profits sur la vente des produits de manufacturiers membres vont aux marchands membres, comme le veut notre statut sans but lucratif, sans pour autant embêter ni les uns ni les autres avec le fastidieux et la complexité des commandes, des paiements, des livraisons, et tout le tralala?
La question mérite d’être posée. Mieux, vu l’enjeu, fouillons cet ample chantier jusqu’à aboutir sur un verdict de non-faisabilité ou bien, sur un formidable projet fédérateur autorisant notre industrie à profiter de la puissance de l’Internet, -plutôt que de le subir.