Conclusion étonnante d’une étude publiée la semaine dernière dans la revue américaine Science, réputée sérieuse : la pollution de l’air dans nos villes tirerait une bonne partie de sa source dans les produits d’entretien, de rénovation et de décoration.
L’étude démontre que les produits libérant des COV représentent désormais la moitié des émissions liées aux combustibles fossiles dans les grandes cités des pays industrialisés, alors que la pollution de l’air urbain était naguère dominée par les COV issus de la combustion des carburants fossiles.
Des produits de consommation courante comme les cosmétiques, les produits de revêtement, les encres d’imprimantes, les colles et les peintures, les agents nettoyants ou encore les pesticides — tous issus, en partie du moins, de la transformation des hydrocarbures fossiles, sont pointés du doigt par les chercheurs. Ces produits peuvent en effet émettre des composés organiques volatils (COV), très nocifs pour la santé, qui s’échappent dans l’atmosphère.
Ce report de responsabilités « pourrait fausser les prédictions sur la qualité de l’air urbain et remettre en cause les politiques de contrôle des émissions polluantes […]. Des secteurs entiers de l’industrie, non soumis jusqu’ici à de stricts contrôles des émissions polluantes, devront recevoir une attention ciblée des instances de réglementation», assure dans Science Alastair Lewis, de l’Université d’York (Royaume-Uni), qui n’a pas participé à l’étude.
Cibler l’air intérieur
« Ce qui m’interpelle dans cette étude, c’est l’importance du lien entre l’air intérieur et l’air extérieur, commente Damien Cuny, écotoxicologue à l’Université de Lille. Mais surtout, elle montre la contribution importante des produits de consommation courante dans la pollution de l’air extérieur. Cela va notablement compliquer la tâche de la réglementation. »
La surveillance devra désormais cibler davantage la qualité de l’air intérieur. Pour autant, on remplace souvent une pollution par une autre. D’où un vrai casse-tête, pour les industriels comme pour les politiques chargés de contrôler la qualité de l’environnement.
L’air intérieur et l’air extérieur sont des vases communicants, révèle cette étude. Mais en complément de l’action publique, la population peut elle-même participer à la réduction des émissions domestiques.
« Comme marchands, lorsque possible, offrons des produits moins nocifs aux clients qui sauront vous en être reconnaissants », affirme Richard Darveau. Du même souffle, le président et chef de la direction de l’AQMAT incite à régler le problème en amont, c’est-à-dire en produisant des articles et des matériaux de plus en plus sains : « Si la communication est bien faite pour supporter un prix de vente souvent plus élevé pour offrir un produit répondant à des exigences de santé ou environnementales plus strictes, le consommateur procédera à l’achat ».