Les quincailliers accusés du prix élevé des matériaux : ne tirez pas sur les messagers

Un mouvement se dessine sur les ondes et les médias sociaux où des consommateurs et des chroniqueurs soutiennent que les quincailliers s’en mettent plein les poches au détriment de l’intérêt public. D’où une pression indue sur les employés en magasin forcés d’expliquer pourquoi les prix sont si élevés.

Il est vrai que les augmentations subites du 2 x 4 en quelques mois et d’une foule d’autres matériaux semblent obliger les quincailleries et leurs employés à justifier l’injustifiable.

Comme l’an passé, les clients et les médias observent les amoncellements de bois dans les cours des scieries et concluent à des amalgames faciles, du genre : « Ils produisent, mais ne livrent pas pour créer une rareté artificielle et ainsi faire augmenter les prix ».

En capitalisme moderne, on appelle cela jouer à la Saoudienne, une référence aux pays producteurs de pétrole souvent accusés de fermer les robinets des pipelines malgré la demande pour jouer à leur guise avec les prix.

Après moult vérifications, la direction de l’AQMAT, n’a aucune raison de croire qu’un tel phénomène se produit ici avec le bois d’œuvre et les autres matériaux de construction.

On parle souvent de l’offre et la demande pour déterminer les prix de vente au détail. Or, dans notre marché, la demande est essentiellement américaine. Le marché de la construction aux États-Unis est « dans le tapis » et les semaines à venir, avec le printemps qui pointe alors que le déconfinement se généralise, montrent une recrudescence des besoins en maisons dans tous les États américains. Le Canada et a fortiori le Québec ne représentent même pas 10 % du marché continental. Une telle suractivité chez nos voisins a pour effet que les 2 x 4 et autres planches, feuilles et poutres fabriquées ici, en Ontario ou en Colombie-Britannique trouvent preneur bien avant que le bois soit produit, donc livré…

Notons au passage que les gouvernements, eux, en raison des taxes, vont s’enrichir lorsque les prix à la consommation sont élevés.

Il semble se produire plus de bois qu’avant, en tout cas les inventaires dans les centres de rénovation sont en meilleur état qu’au début de la pandémie. Toutes les scieries consultées produisent au maximum de leurs possibilités réglementaires d’approvisionnement et de leurs capacités opérationnelles en termes d’employés et de machinerie.

Par ailleurs, l’une des autres causes du problème de rareté du bois origine sur la côte ouest canadienne où on observe la conjonction de trois facteurs :

  • les lois protégeant la récolte du bois en forêt ont été resserrées;
  • les incendies ont réduit le potentiel d’arbres;
  • les insectes, dont le dendoctrone du pin, ont fait des ravages.

Zoom sur le marché du Québec

Plusieurs marchands ont été plus prévoyants et ont acheté d’avance de plus grandes quantités, voire ont révisé à la hausse leurs entrepôts physiques de stockage, d’autres projettent la construction de plus de centres de distribution. Bref, le marché du détail semble vouloir et pouvoir s’ajuster à une demande accrue de la part des propriétaires résidentiels autant que des projets institutionnels.

Le manque de logements et le constat d’un parc immobilier vieillissant ne peuvent être évacués de l’équation. On continue d’assister à des mois records autant en rénovation qu’en construction, surtout du côté du multilogements. Ceci crée une pression sur les prix.

Nos quincailleries et centres de rénovation sont pratiquement tous en état dit d’allocation. Cela signifie que les fournisseurs, tous matériaux confondus, doivent saupoudrer leurs livraisons et choisir d’alimenter un peu moins tous leurs clients pour éviter d’en perdre. Exemple fourni ce matin par un marchand membre : « Tu as besoin de cinq vans de chauffe-eau, le fournisseur te dit je vais pouvoir t’en envoyer trois. Faut que tu fasses avec. »

En fait, l’inflation est partout en ce moment ainsi que la pression des employés en faveur de meilleurs salaires et avantages sociaux. Les quincailliers interviewés ce matin par l’AQMAT confirment avoir dû verser, depuis les trois dernières années, des augmentations de salaire assorties de bénéfices marginaux sans nulle comparaison historique.

Il y a plus de production qu’à pareille date l’an passé. Mais c’est la variable transports qui est devenue la bête noire de notre industrie et de toutes les autres, cela pour deux raisons : le prix des conteneurs qui a été multiplié par cinq, voire dix. D’autre part, la saturation du transport par camion et rail où les véhicules en manque de chauffeurs font le maximum, mais peinent à la tâche.

Comme marchand, on se retrouve à la dernière ligne de la chaîne d’approvisionnement, avant que tout aboutisse chez le consommateur. Un marchand nous donnait même cette image : « On se retrouve en fait plus dans la position de spectateur que dans celle du régulateur du marché. Et pourtant, c’est à notre niveau que le consommateur fait part de son insatisfaction. » Ce quincaillier en profite pour lever son chapeau à tous ses employés qui prennent le temps d’expliquer ce phénomène au comptoir matériaux !

Il convient aussi de rappeler deux caractéristiques propres au Québec, dont les suivantes :

  • les règles du gel/dégel font qu’on ne peut transporter autant de marchandise l’hiver que l’été, ce qui déséquilibre l’approvisionnement plus que dans les contrées où les saisons sont moins marquées ;
  • le fameux 1erjuillet qui touche entre 10 et 30 % de toute la population du Québec, selon les régions, entraîne des échéanciers fous en matière d’accessibilité aux matériaux et aux ouvriers en même temps.

Explication simplifiée des prix élevés à vos clients

Bref, il faut dire aux clients que reporter leurs travaux ne semble pas une solution, car tous les indicateurs du marché indiquent que les prix vont demeurer élevés ; aucune baisse notable n’est à l’horizon.

Les prix prépandémiques reviendront-ils ?

Est-ce que les prix plus élevés vont durer longtemps ou tout le temps ?

« La question est insoluble », défend M. Darveau. « Je suis porté à croire que ce sera une autre des nouvelles réalités avec lesquelles il faut aujourd’hui composer, mais d’autres observateurs de l’industrie croient que le jeu va se calmer. »

Cliquer ici pour lire l’entrevue accordée au Journal de Montréal par Alexandre Lefebvre, chef de la direction du Groupe BMR.

Cliquer ici pour entendre Richard Darveau participer à chaud à une ligne ouverte animée ce midi par Nathalie Normandeau sur les ondes du FM 98,5.

Cliquer ici pour entendre Daniel Lampron en entrevu avec Bernard Drainville cet après-midi sur toujours sur les ondes du FM 98,5.

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