–> Le 7 avril surviendra l’élection qui fera passer pratiquement tous les sondeurs comme des incompétents et tous les médias qui les diffusent comme des mal intentionnés.
Les jugements sont trop sévères. Les sondeurs travaillent scientifiquement. Les médias relatent assez fidèlement les faits. Le bât blesse ailleurs.
On sonde le pouls de 1000 électeurs disséminés dans toutes les circonscriptions sur leur parti de prédilection et leur chef préféré.
Lundi, on ne votera en réalité ni sur l’un, ni sur l’autre. Nous serons limités à voter pour notre député local.
Peu importe que tel parti remporte 45 % des voix ou que 1000 personnes aimeraient majoritairement que ce soit tel candidat qui devienne premier ministre, les taux de popularité des partis n’ont aucun impact sur l’attribution des 125 sièges et le choix du premier ministre ne relèvera ni des électeurs, ni du pourcentage des voix que son parti aura récoltées.
C’est ainsi que notre mode électoral est (mal) fait.
Exemple farfelu que permet le système actuel: la CAQ obtient 45 % du vote, le plus haut taux de tous les partis en lice, mais malheureusement pour lui, termine deuxième ou troisième dans 120 circonscriptions avec pour effet que de n’avoir que cinq députés.
Deuxième fantaisie théoriquement possible: trois électeurs sur quatre n’accordent pas leur vote à un parti qui, néanmoins, finit premier dans un assez grand nombre de circonscriptions pour former un gouvernement minoritaire, et on se retrouve avec un premier ministre qu’à peine 25 % de la population voulait.
Il y a pire scénario encore, sans doute le plus probable: j’aime le candidat d’un parti et je vote pour lui, mais je hais le chef. Si je suis un peu marginal et en même temps malchanceux, mon préféré local n’est pas élu, mais plusieurs de ses collègues passent dans les autres comtés, si bien que le premier ministre devient celui que je n’aimais pas du tout.
Ils me font rire les gens qui prétendent voter stratégiquement. L’idée aurait du poids si les calculs comportaient une forme de pondération proportionnelle, accordant une valeur politique aux taux de vote remporté respectivement par chaque parti. Sauf qu’il n’en est rien.
Le citoyen qui, par exemple, veut contrer le retour du Parti Libéral en votant Parti Québécois, bien que sans conviction, enverra des pourcentages de voix au PQ alors que le système s’en fout royalement de ces taux.
Je le répète: les électeurs n’ont que le pouvoir de décider lequel des candidats locaux deviendra député.
Et de toute façon, voter « stratégique », c’est inciter une personne à se prononcer à l’encontre de ses convictions réelles, ce que je trouve moralement discutable.
Quand pourrons-nous tenir compte des taux de vote à l’échelle provinciale, ce qui est le premier barème utilisé par les sondeurs et les médias pour prendre le pouls de l’électorat avant le jour J?
Quand pourrons-nous cocher une deuxième case sur le bulletin de vote de manière à pouvoir décider directement qui nous voulons comme premier ministre?
Et je formule un troisième questionnement à voix haute: tant qu’à dépenser 90 millions $, pourquoi ne pas ne profiter, comme tant d’États le font, pour inscrire deux ou trois questions de consultation populaire, histoire d’asseoir des décisions à venir du prochain gouvernement sur des bases solides. Il y a toujours un bon nombre de sujets à propos desquels tous les partis sont d’accord.
Outre d’être un affreux gaspillage dans son format actuel, le mode électoral québécois ou canadien fausse la donne et trahit la démocratie.