Le Roundup: avez-vous le droit ou non de le vendre?

Radio-Canada enquête après avoir vu des herbicides de marque Roundup sur les tablettes de plusieurs quincailleries. Ce qui a conduit l’AQMAT à faire aussi ses recherches dont voici le fruit.

Le glyphosate est la molécule qu’on retrouve entre autres dans l’herbicide de marque Roundup que produisait Monsanto et qui appartient maintenant à Bayer. Il sert à réduire la propagation des mauvaises herbes dont la présence peut réduire le rendement des productions agricoles ou affecter l’esthétique des pelouses au goût de la majorité de la population occidentale.

Le journaliste Thomas Gerbet rapportait sur les ondes de Radio-Canada, le 19 juillet 2021, que l’utilisation du glyphosate, commercialisé sous la marque Roundup, est en constante augmentation. En 2019, au Québec, il s’en est vendu 1 878 525 kilos, soit deux fois plus qu’au début des années 2000 et quatre fois plus que dans les années 1990.

Lire ici son reportage paru ce matin sur le site de Radio-Canada.

L’utilisation de glyphosate est homologuée au Canada jusqu’en 2032, cependant que le Centre international de recherche sur le cancer, relevant de l’Organisation mondiale de la santé, considère le glyphosate comme un « cancérigène probable ».

D’ailleurs, un peu partout dans le monde, les pays resserrent la vis au Roundup. Quelques exemples.

L’Allemagne va plus loin que quiconque. En plus d’interdire déjà l’utilisation du glyphosate par les consommateurs et en général dans les milieux urbains, le pays a adopté une loi qui interdira à partir de 2024 son utilisation même à des fins agricoles. Principal motif invoqué: enrayer le déclin des colonies d’insectes et d’abeilles.

Idem au Mexique où à compter du 31 janvier 2024, cet herbicide sera complètement interdit.

Coup de théâtre aux États-Unis, contrée des poursuites à tout vent, la compagnie Bayer a volontairement retiré son Roundup du marché afin de s’éviter de probables représailles juridiques.

Pour des raisons obscures qui ont des relents de lobbying, le gouvernement du Canada non seulement ne considère pas le bannissement du glyphosate, il a même tenté d’en augmenter les limites légales de résidus permises dans certaines cultures, dont les légumineuses. N’eut été des protestations médiatisées, le projet aurait abouti. Ottawa a gelé son intention jusqu’à ce printemps, le temps de mener davantage d’études.

En effet, Santé Canada juge que la molécule ne présente « probablement pas de risque pour le cancer humain ». Sauf que le gouvernement fédéral se fait reprocher par des scientifiques indépendants de trop baser ses évaluations sur les données des compagnies de pesticides.

Compte tenu de la position assez relaxe d’Ottawa sur la question, il revient donc aux municipalités d’encadrer ou non l’utilisation et/ou la vente de produits pouvant contenir du glyphosate sur leurs territoires.

L’AQMAT constate qu’il n’existe pas de registre centralisé où les citoyens et les quincailleries peuvent consulter la réglementation municipale sur le sujet. À défaut, chacun doit donc s’informer auprès de sa ville et suivre toute évolution de la réglementation locale, car plus de 150 municipalités ont adopté des politiques d’interdiction ou de prudence quant aux risques des pesticides sur la santé humaine et animale et sur l’environnement, ou encore sous l’effet de la pression des milieux écologique et scientifique non affiliés aux gouvernements supérieurs.

Nous savons par exemple qu’à Laval, depuis le 13 avril 2021, l’utilisation de tout pesticide est interdite, sauf pour des activités horticoles, mais leur vente en quincaillerie n’est pas mentionnée dans le règlement. C’est notamment l’utilisation à but esthétique de pesticides sur la pelouse et sur les végétaux ornementaux à laquelle la ville a voulu s’attaquer, cela afin de protéger la santé humaine, les milieux naturels, la faune et les pollinisateurs. Préserver l’habitat du papillon est priorisé par cette administration municipale qui fait notamment partie du mouvement « Ville amie des monarques ».

Nous savons aussi que depuis le 1er janvier 2022, il est interdit sur le territoire montréalais non seulement d’utiliser des herbicides qui contiennent du glyphosate, comme les produits de marque Roundup, mais il est aussi interdit de vendre ces produits. C’est à notre connaissance la seule agglomération d’importance au Québec qui est allée aussi loin.

Le règlement montréalais vise en fait près de cent produits de pesticides. Il est de la responsabilité du marchand de s’assurer que les produits qu’ils vendent aux citoyens ne sont pas à base d’ingrédients actifs interdits à Montréal. Pour ce faire, consulter le site internet régulièrement actualisé.

La Ville effectuera des contrôles des lieux de vente afin de s’assurer que les pesticides interdits ne sont pas vendus aux citoyens. Tout non-respect du règlement sur la vente et l’utilisation des pesticides expose le marchand à des amendes. Dans le Journal de Montréal, a mairesse de Montréal, Valérie Plante, n’a pas tardé à réagir. Elle jugel «inacceptable» que des commerces continuent de vendre du glyphosate dans la métropole et prévient qu’elle ne laissera pas la situation perdurer. Lire ici l’article complet.

Un clin d’oeil à la petite municipalité d’Hudson en Montérégie s’impose, ayant été la première en Amérique du Nord à restreindre l’usage du glyphosate sur son territoire.

Il importe de souligner que 99 % du glyphosate est utilisé pour les grandes cultures, ce qui fait qu’on le retrouve peu dans les milieux urbains. Le bannissement de son utilisation par les consommateurs aura un impact mitigé sur l’environnement, sur les ventes de Bayer… et sur le chiffre d’affaires des quincailleries.

Adaptation de la formation du Collège

Un ajustement au contenu de la formation « Certification d’expert-conseil en pesticides du Collège AQMAT » a été effectué pour s’adapter à l’arrivée de cette nouvelle réglementation et gérer les impacts que celle-ci aura sur le client, le marchand et le conseiller. Commentaire de Monique Dumas-Quesnel, agronome et formatrice en vente et utilisation des pesticides pour l’AQMAT:

On doit comprendre que les pesticides interdits comportent des risques pour la santé ou ont un impact important sur l’environnement. Ils contaminent l’eau, le sol, l’air de notre milieu de vie et nuisent à nombre d’organismes utiles, voire essentiels comme les abeilles et autres insectes utiles qui ne sont pas visés, mais tout de même atteints suite aux applications.

Rappelez-vous que les pesticides «à faible impact» demeurent autorisés et qu’ils contribuent à régler la plupart des problèmes courants, surtout s’ils sont combinés à d’autres moyens de lutte non chimiques.

D’ailleurs, les pesticides doivent être utilisés en dernier recours seulement, lorsque les autres moyens d’intervention de fonctionnent pas. Pour les problèmes plus importants, il sera toujours possible de faire appel à des spécialistes. »

Au-delà de la légalité de l’affaire, chaque quincaillerie qui vend des pesticides peut s’attendre à devoir répondre à des questions de citoyens beaucoup plus soucieux de l’environnement que par le passé.

La direction de l’AQMAT ne saurait trop insister auprès de ses membres pour les inciter à être proactifs en matière de produits et de conseils pour les pelouses, les jardins et les potagers de leurs clients.

Isabelle Champagne, directrice du Collège AQMAT, est formelle : « Un commerçant qui a du leadership auprès de sa clientèle aura intérêt à développer une approche que je qualifierais d’amicale envers la planète, ce qui sous-entend de proposer aux clients non pas le maximum de produits, mais au contraire, le minimum. Ses ventes à court terme seront affectées, mais la relation de confiance avec la population fera que le commerce sortira gagnant dans la durée ».

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