Au moment où on organisait la troisième édition du Gala Reconnaissance AQMAT dans le Vieux-Québec, à l’autre bout du pays, à Calgary plus précisément, nos collègues de la Western Retail Lumber Association (WRLA), tenait la première édition de son fameux Salon des Prairies, depuis toujours exposé à Saskatoon et à ses vents glacials.
Or, le président du conseil d’administration de notre association soeur a eu l’heur de réchauffer l’atmosphère en lançant un plaidoyer en faveur d’une seule association nationale unifiée, reconnaissant les différences régionales.
Plus précisément, ce Rob Hauser a proposé de jeter les bases d’une seule association en lieu et place des cinq actuelles que sont, par ordre géographique d’est en ouest, ABSDA, AQMAT, LBMA, WRLA et BSIA.
L’argument en faveur d’un regroupement des cinq associations est économique et ergonomique. Semble-t-il qu’on se chevauche, qu’on se dédouble, d’où une génération de coûts et d’efforts pouvant être rationalisés.
Notre monde associatif débarque avec de bien gros sabots dans l’arène politique. De folles réunions en perspective à ramener sur le tapis Charlottetown, le Lac Meech, etc., avec forcément, à la clé, deux compréhensions, toutes deux légitimes, du sens à donner au mot « national ».
Le débat a déjà eu lieu au sein d’à peu près toutes les fédérations de sport versus leur grand frère fédérateur. Aussi au niveau du Conseil canadien du commerce de détail par rapport à son pendant local, le Conseil québécois du commerce de détail. Idem pour le secteur des municipalités, du patronat, des chambres de commerce, etc.
L’intention est louable à tout coup. La réalité, ou plutôt les réalités, rattrapent vite la théorie cependant.
Quelles sont-elles ces réalités? C’est d’accepter que nous ayons beaucoup plus que des « différences régionales » entre nous tous. Donnons quelques exemples sur ce qui nous sépare, voire nous oppose.
L’orientation de nos cinq magazines est diamétralement opposée. La nôtre est résolument journalistique, son contenu est fait maison à 100 % et nous contrôlons toute la sollicitation publicitaire. Résultat: Quart de Rond offre un contenu exclusif d’une couverture à l’autre et génère des surplus nets de l’ordre de 200 000 $, lesquels nous permettent de compter sur du personnel à pied d’oeuvre pour offrir une pléiade de 50 produits et services aux membres.
Les quatre autres publications sont gérées à l’extérieur, sans ligne éditoriale, offrant du coup peu de contenu original et générant très peu de bénéfices.
L’AQMAT tient un congrès annuel où sont confrontées des positions à défendre face au gouvernement du Québec, très rarement à l’égard du palier fédéral. Aucune des quatre autres associations ne tient pareilles assises. Et de toute façon, les sujets qu’on aborde (heures d’ouverture, crédits d’impôts, formations certifiées) ont peu à voir avec l’actualité des autres provinces.
Nos compères organisent des sessions de formation sur l’estimation des projets de rénovation et autres cours techniques. Des milliers de marchands les suivent. Ces cours ne sont pas exportables chez nous, un peu en raison de la langue, beaucoup plus à cause des contenus; nos normes de construction étant différentes à bien des égards.
Les quatre tiennent ou souhaitent tenir un salon sur leur territoire. L’AQMAT a décidé il y a deux décennies de laisser les bannières occuper ce champ d’action. Ces expositions occupent 50 % à 75 % du temps disponible de leurs employés. Ce n’est pas notre cas.
Les études de benchmarking que conduisent nos collègues du ROC (Rest of Canada) s’en tiennent à des données somme toute génériques: les salaires et les avantages sociaux. Notre GPS ratisse cent fois plus large, mille fois plus profond, compilant et comparant les finances et l’administration des marchands sous 300 types de croisements de données.
L’AQMAT publie semestriellement un Catalogue des Nouveautés qui rejoint les marchands de tout le Canada et dans les deux langues. Nous avions d’abord proposé à nos collègues de co-éditer cette publication. Devant leur manque d’intérêts, nous avons procédé seuls et réussissons fort bien l’opération qui s’avère, après trois ans, à la fois utile aux fournisseurs comme média, agréable pour les marchands lecteurs et rentable pour nous.
Nos memberships diffèrent aussi totalement en nombre et en qualité. Pour notre part, nous avons choisi d’accueillir sur un pied d’égalité fournisseurs et marchands. Pas eux. Nous acceptons les magasins corporatifs comme les Home Depot ou les Patrick Morin. Pas eux. Nous acceptons les boutiques spécialisées, comme en peinture. Pas eux. Nous soumettons l’adhésion à l’AQMAT à un code de déontologie fort différent des critères qui prévalent chez eux.
Notre gala est organisé dans les règles de l’art et du coup, il attire entre 70 et 80 candidatures par édition, près de 200 membres participent au vote pour élire les finalistes et 500 personnes viennent assister au dévoilement des lauréats. Aucune des quatre associations n’organise semblable processus démocratique, préférant laisser à une entreprise privée (Hardlines), le soin d’organiser un concours canadien qui reçoit moins de 20 candidatures et dont le processus de sélection est relativement opaque.
Non, franchement, les seuls dénominateurs communs parmi ce quintette sont les mots quincaillerie et centre de rénovation.
Du reste, l’AQMAT se considère déjà comme une association nationale, au sens où le Québec est reconnu comme l’une des deux nations fondatrices du pays. Statut qui ne nous empêche nullement de prôner pour des relations étroites avec nos pairs, notamment pour échanger sur les bonnes pratiques dans la gestion de nos organismes.
Incidemment, je milite depuis mon arrivée en poste pour qu’une conférence nationale annuelle soit cooptée par les cinq associations, avec même une portée continentale, voire internationale.
En vérité, entre vous et moi, la haute-direction de WRLA n’a pas vraiment lancé de ballon d’essai. Je la soupçonne plutôt de préparer le terrain pour une proposition d’acquisition de sa voisine, BSIA, qui, disons-le en mots doux, ne domine pas le marché de la Colombie-Britannique de manière aussi évidente que WRLA trône sur les provinces des Prairies.
J’ajoute que même son autre voisin, celui à l’est, l’Ontario, autrefois le centre de l’univers (!), doit être dans la mire de la même élite expansionniste, pour ne pas dire impérialiste, qui fomente entre les murs de WRLA. Avouons, en effet, que nos collègues de LBMAO ont été fragilisés depuis l’abandon forcé de leur salon, leur vache à lait financière…
La Western Retail Lumber Association pourrait peut-être un jour mieux porter son nom qu’on ne le pense, à savoir ne plus être confinée aux plats pays que forment le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta.
Ah, Jules César, sort de ce corps!
Mais avant que l’AQMAT se fasse réduire au rang de chapitre régional par la WRLA, il va neiger longtemps. Éternellement même!