Hier, le Bureau de la concurrence (Bureau) a donné le feu vert à l’acquisition proposée de RONA par Lowe’s (appelées les Parties), annoncée le 3 février 2016. De son jugement, l’esprit et la lettre de la Loi sur la concurrence ne sont pas contredits. De plus, aux Communes, ce matin tôt, le Fédéral donnait suite à la recommandation du Bureau de la concurrence
L’opinion du Commissaire de la concurrence corrobore la position que l’AQMAT a toujours défendue sur la place publique et dans ses interventions privées, comme le rappelle Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT : « Le marché canadien (et Québécois) est composé de suffisamment de joueurs différents où aucune des bannières ne possède plus de 20 % des parts. On est donc loin d’une situation de consolidation, encore moins de monopole, contrairement à ce que peuvent vivre des secteurs comme les médias ».
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Démarche du Bureau
Au cours de son examen, le Bureau a interrogé de nombreux participants de l’industrie, notamment plusieurs détaillants de produits de rénovation domiciliaire (des magasins détenus par une société-mère et des marchands indépendants), des groupements d’achat et des distributeurs; a revu et analysé de nombreux documents d’affaires et des renseignements fournis par les Parties et des tiers; et analysé des données de ventes journalières en magasin.
Toile de fond
Au Canada, Lowe’s et RONA sont des détaillants de produits de rénovation domiciliaire. Lowe’s a fait son entrée au Canada en 2007. Au moment où l’acquisition proposée fut annoncée, Lowe’s exploitait 42 magasins détenus par la société en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario. Un 43e magasin, à Cornwall, ON, a depuis été ouvert.
Pour sa part, RONA, en date de février, exploitait un réseau de 496 magasins composé de 236 magasins détenus par la société et de 260 magasins appartenant à des propriétaires indépendants à travers le pays. La présence pancanadienne de RONA est plus accentuée au Québec où elle y exploitait 238 magasins au moment de l’annonce de la transaction proposée. « Quelques magasins se sont détachés du réseau depuis, indique M. Darveau, mais la quasi-totalité des affiliés est actuellement motivée par la volonté de donner, comme on dit, la chance au coureur ». « Il faut dire que quitter une bannière n’est jamais une décision qu’on peut prendre à la légère. Les impacts sont à la fois financiers et marketing », précise le porte-parole de l’AQMAT.
RONA mène aussi des activités de distribution de gros qui alimentent en produits son propre réseau de magasins, y compris les magasins RONA exploités par des marchands indépendants, ainsi que d’autres clients de ses activités de distribution.
Justement parce que Lowe’s n’est pas encore présente dans l’approvisionnement de marchands indépendants, le Bureau a vérifié si l’acquisition proposée ne soulèverait pas des inquiétudes justifiées de la part de ces derniers.
À ce sujet, on se souvient de l’intervention récente de l’ex pdg Robert Dutton qui soutenait que l’écosystème de RONA allait être détruit. Or, l’AQMAT a déjà investigué les tablettes des différentes bannières pour constater que l’offre en produits canadiens (et québécois) n’est pas significativement plus importante dans les RONA que dans tout autre magasin.
Le Bureau est arrivé au même constat. Il en est ressorti de son examen que les clients des activités de distribution de RONA et ceux d’autres services soutenant leurs activités de commercialisation au détail peuvent avoir accès raisonnablement facilement à plusieurs regroupements d’achats, à des distributeurs concurrents ainsi qu’à des bannières concurrentes dans le commerce de détail de produits de rénovation domiciliaire.
Analyse
Le Bureau a circonscrit plusieurs marchés locaux où Lowe’s et RONA se livrent directement concurrence en raison de la proximité de leurs magasins respectifs. Le Bureau a analysé diverses variantes de marchés géographiques locaux en y incluant ou excluant, selon le cas, des magasins de concurrents, dont ceux des Parties, d’autres grandes surfaces et des magasins spécialisés, afin d’évaluer les incidences de la transaction sur la concurrence selon divers scénarios en matière de marchés géographiques pertinents.
Les Parties se livrent concurrence dans la vente d’une multitude d’articles répartis dans plusieurs catégories de produits dont le bois d’œuvre et les matériaux de construction, la peinture, les appareils d’éclairage, et les produits électriques et de plomberie. Plusieurs consommateurs vont n’acheter que des articles d’une même catégorie de produits alors que d’autres consommateurs ont des projets de rénovation plus élaborés qui requièrent l’achat de produits associés à diverses catégories de produits, par exemple, des produits de peinture, des luminaires et des produits de plomberie. Les participants dans le marché nous ont indiqué qu’au-delà de la simple comparaison de prix, des consommateurs appréciaient pouvoir se procurer à un même endroit des articles parmi les nombreuses catégories de produits offertes par les magasins de rénovation domiciliaire alors que les magasins spécialisés dans la vente d’une seule catégorie de produits offraient peut‑être un niveau de service plus élevé à leurs clients.
Ainsi, les analyses que le Bureau a menées ont tour à tour inclus et exclus les magasins spécialisés en tant que concurrents directs des magasins de rénovation domiciliaire afin d’évaluer les incidences concurrentielles de la transaction selon les divers profils de consommateurs.
Chacune des définitions de marché étudiées par le Bureau l’a amené à conclure qu’il subsistait, dans chacun des marchés locaux, suffisamment de concurrents efficaces notamment les détaillants d’envergure nationale Home Depot, Home Hardware et Canadian Tire, ce qui fait en sorte que l’acquisition proposée n’aura vraisemblablement pour effet d’empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence dans aucun marché. Une connaissance plus fine du marché aurait pu permettre au Bureau de lister aussi d’autres enseignes nationales comme TimberMart, Castle.
Enfin, le Bureau a également examiné dans quelle mesure l’acquisition proposée pourrait empêcher une éventuelle concurrence entre les Parties, eu égard à l’expansion éventuelle des activités commerciales de Lowe’s au Canada. Le Bureau en est venu à la conclusion que cette expansion éventuelle ne satisfaisait pas aux critères de délai, probabilité et suffisance énoncés dans les Lignes directrices pour l’application de la loi en matière de fusions. De toute manière, l’examen a en outre révélé qu’il subsistera une concurrence vigoureuse provenant de Home Depot, Canadian Tire et d’entreprises régionales bien implantées exploitant des grandes surfaces dans tous les marchés locaux supplémentaires où une nouvelle concurrence entre Lowe’s et RONA aurait pu vraisemblablement voir le jour.
En effet, le Bureau a bien fait son boulot en prenant connaissance des parts solides occupées dans les marchés par des joueurs comme Patrick Morin ou Canac, ou l’équivalent Kent dans les Maritimes.
Perspective
En raison de la subsistance d’un certain nombre de concurrents efficaces dans chaque marché local, le Bureau en est arrivé à la conclusion que l’acquisition proposée n’aura vraisemblablement pas pour effet d’empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence dans la vente de produits de rénovation domiciliaire dans quelque marché local que ce soit au Canada.
« La page est enfin tournée, conclut M. Darveau qui, comme l’ensemble des 1000 membres de l’AQMAT, autant quincailliers que fournisseurs, a maintenant hâte d’en savoir plus long sur les intentions de la direction de Lowe’s Canada par rapport notamment à l’éventuelle conversion des Réno Dépôt et à la relation que la multinationale entend développer avec ses affiliés ».