Les marchands et leurs groupements d’achat ont tiré des leçons de la pandémie. La plupart ont vu à diversifier leurs routes de distribution maritime vers Montréal, même Halifax. Certains en ont profité pour augmenter leur part en produits fabriqués au Canada, sinon aux États-Unis, où le prix payé possiblement plus cher peut valoir la tranquillité d’esprit apportée par cette décision.
Les marchands et leurs groupements sont aussi devenus un peu paranos face aux délais et plusieurs tentent de réunir les conditions logistiques pour entreposer de plus grandes quantités et plus d’avance qu’à l’époque du « juste à temps ». Il y a eu nombre d’investissements en centres de distribution.
N’empêche, les entreprises qui assemblent au Québec ou ailleurs dans le pays sont encore nombreuses à faire venir de l’Extrême-Orient des pièces et autres composants. Les plus avant-gardistes ont investi en automatisation pour arriver à juguler leur prix de revient face à l’offre chinoise et à gagner ainsi en agilité, une qualité recherchée.
Le saisonnier de Noël, qui représente un pic important pour nos magasins, est déjà tout commandé. Les livraisons sont en effet un peu retardées en raison des voies de contournement. La plupart de la marchandise est rendue en entrepôt en terre canadienne, en chemin vers les centres de distribution en juillet, puis vers les marchands en août. Autrement dit, on peut rassurer la population à l’effet que les quincailleries auront toute la déco qu’il faut pour célébrer Noël comme il se doit.
Il est intéressant de noter que selon le marchand ou le dirigeant de bannières à qui je pose la question, le pourcentage des articles de quincailleries qui proviennent de pays asiatiques varie de 30 à 70 %…
Le fait que le prix des conteneurs maritimes soit égal, voire plus bas qu’il l’était avant la pandémie indique à quel point le commerce mondial est plus ralenti.
Les commodités peu transformées, comme le sont le bois, le gypse, la laine isolante, l’acier, le béton, sont généralement d’origine québécoise, canadienne, du moins nord-américaine. Leur prix demeure abordable et non touché par le conflit portuaire en Colombie-Britannique.
Notre industrie, après deux années folles, fait donc face à deux défis simultanément: l’arrêt des activités dans les ports de l’Ouest et les récoltes de bois anéanties par les feux de forêt.
La rareté du bois va possiblement faire augmenter son prix, surtout si l’activité de rénovation et de construction aux États-Unis continue au même rythme. Et encore plus si les trois niveaux de gouvernement d’ici mettent l’épaule à la roue pour relancer les chantiers du locatif abordable. On est d’accord pour provoquer le marché afin de rééquilibrer l’offre en logement pour les concitoyens, mais on prie pour un bon planning, une coordination entre les donneurs d’ouvrages, afin qu’on ne subisse pas des prix en montagnes russes comme en 2021-2022.
Plus généralement, les chiffres d’affaires du premier semestre dans nos quincailleries sont relativement comparables à ceux de la même période l’an passé, peut-être 5 % de moins, mais la situation varie d’un centre de rénovation à l’autre, même au sein d’une même bannière.
Sauf que les marges brutes se sont réduites en raison de l’inflation et du prix du loyer de l’argent qui touchent l’approvisionnement des marchands. Quant à la marge nette, elle est théoriquement aussi affectée par l’augmentation qu’ont connu les salaires des employés en quincailleries depuis les trois dernières années, mais la situation se gère en ajustant le nombre d’employés et leurs heures à la demande sur le terrain.
Le pouvoir d’achat des consommateurs n’est pas tant érodé face à l’inflation générale – et celle du panier d’épicerie en particulier – du fait que les salaires ont augmenté, cela en raison du déséquilibre entre le nombre de candidatures et la quantité de postes à pourvoir. N’empêche, la tendance n’est pas à la consommation forte ni à l’endettement chez les ménages canadiens.
Cela dit, notre industrie souhaite un règlement le plus rapide possible de ce conflit de travail entre les deux parties, car tout plein de conteneurs engorgent les terminaux à Vancouver et à Prince Rupert, en plus d’un nombre encore plus grand qui est sur des cargos et attend la fin de la grève pour décharger aux deux ports.
Ironiquement, ce que les administrations portuaires du grand Vancouver se font reprocher par la partie syndicale là-bas est exactement ce que l’ensemble de nos entreprises sont pourtant tenues de faire pour demeurer compétitives : d’une part, implanter l’automatisation du plus grand nombre de tâches répétitives et sans grande valeur pour l’humain qui les accomplit. D’autre part, dénicher des sous-traitants au Québec ou ailleurs au pays, à l’expertise pointue, aptes à accomplir certaines opérations avec plus d’efficience que de lointaines shop d’Asie.
Il faut espérer une entente négociée sans une intervention du gouvernement canadien forçant un retour au travail des 7400 débardeurs, ce serait le meilleur scénario pour préserver une paix sociale durable.