L’AQMAT demande à être entendue sur les changements projetés à la Loi 101

Puisqu’une douzaine d’articles du projet de loi numéro 96 portant sur le français comme langue officielle et commune du Québec touche de plein fouet les entreprises membres de l’AQMAT, des démarches ont déjà été prises par la direction de l’association pour être entendue lors des consultations prévues à l’automne.

« On sait que plusieurs changements vont interpeller les entreprises qui emploient entre 25 et 49 personnes, ce qui compose le cœur du membership de l’AQMAT », souligne Richard Darveau, président et chef de la direction. « Il nous faut donc s’assurer que la cause, certainement noble, ne soit pas servie au prix d’une bureaucratie handicapante pour les PME », ajoute le porte-parole de l’AQMAT.

Afin de parler de manière légitime, l’AQMAT entend consulter par sondage l’ensemble de ses membres, en plus de tenir des groupes témoin avec des marchands du grand Montréal afin de mieux circonscrire leur réalité, sans doute différente de celle du Québec en général.

« Que ce soit l’affichage extérieur ou en magasin, la langue de travail, le service client, le bilinguisme à l’embauche, autant de volets du projet législatif qui méritent que nos commerçants et nos usines fassent valoir leur point de vue afin de participer à l’épanouissement de la société sans trop alourdir l’administration dans les entreprises », lance Isabelle Champagne, directrice communications et marketing de l’AQMAT.

À noter que les voix s’élèvent pour que les activités en ligne des entreprises accordent également une place prépondérante ou unique au français.

Le projet déposé par le ministre Simon Barette-Jolin prévoit que les démarches menant à une certification de conformité pour les plus petits

Cliquez ici pour parcourir le projet de loi dans son intégralité. employeurs ciblés par la réforme soient simplifiées. Des mesures sont également envisagées afin de favoriser l’apprentissage du français au sein des entreprises.

Le cas des analphabètes fonctionnels

Selon un rapport de la Fondation pour l’alphabétisation, 46,7% des adultes québécois sont considérés analphabètes fonctionnels et n’ont pas les compétences linguistiques en 2020 pour s’adapter aux changements rapides du marché du travail. L’apport des services de francisation pour les entreprises est bien, mais il est important d’offrir également un appui aux travailleurs qui sont analphabètes dans ces offres de services.

Réactions patronales

« On est inquiets de voir le fardeau administratif et réglementaire augmenter », admet François Vincent, vice-président Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

« L’Office québécois de la langue française va accompagner et c’est bien. Mais pour les PME de 25 à 49 employés, qui ont moins de ressources, ça sous-entend encore de remplir de nombreux formulaires. Et ce, même pour un garage ou un resto au Lac-Saint-Jean qui opère déjà en français. »

Selon un sondage interne mené par la FCEI, 56 % des PME québécoises s’opposent au fait d’assujettir à la francisation les PME de 25 à 49 employés. Il y a certes une transition de trois ans, mais la paperasse va être obligatoire. Or, la situation actuelle de la COVID fait en sorte que les PME sont fragiles.

Les Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) ont des craintes similaires. « Comme on est en pandémie, on aimerait que ce soit le plus simple possible », signale aussi Véronique Proulx, PDG de MEQ.

Il convient toutefois de souligner que le gouvernement a eu la sagesse d’accorder un délai de trois ans aux entreprises pour satisfaire aux exigences du projet de loi tel que formulé avant amendements éventuels. Du coup, invoquer la pandémie, selon l’AQMAT, est un non-lieu.

« Le projet de loi crée de fait un environnement où les entreprises, plutôt que de concentrer leurs efforts pour généraliser l’utilisation du français, devront multiplier des démarches administratives pour justifier l’exigence de la maîtrise de l’anglais à l’embauche. L’État ne doit pas imposer un carcan rigide au secteur privé concernant les compétences linguistiques requises selon les postes de travail », a dit le président et chef de direction  de La Chambre de commerce du Montréal métropolitain , Michel Leblanc.

« Nous souscrivons à l’objectif de s’assurer que les échanges au sein d’une entreprise, et entre une entreprise et ses clients au Québec, se fassent primordialement en français. Cependant, il existe une variété de raisons légitimes faisant en sorte que l’anglais doit être utilisé dans certaines circonstances. Il faudra éviter de créer un monde du travail kafkaïen où tous pourront s’improviser agents de contrôle linguistique. ».  

Telles que rédigées, les restrictions imposées aux entreprises quant à la connaissance d’autres langues limitent les possibilités d’embauches, de croissance et de développement, croit Karl Blackburn, le président du Conseil du patronat du Québec. « Elles paraissent difficilement compatibles avec la réalité économique du Québec. Notre économie est fortement axée sur l’exportation de nos produits et de notre savoir-faire dans un monde de plus en plus ouvert. Nos frontières ne doivent pas nous servir de remparts, mais plutôt de tremplins pour propulser nos entreprises vers de nouveaux marchés. »

Le CPQ accueille favorablement la période d’ajustement de trois ans pour les entreprises de 25 à 49 employés qui seraient désormais assujetties à la Charte. Toutefois, comme exprimées dans un sondage du CPQ auprès des employeurs en janvier dernier, ces entreprises s’étaient montrées en faveur d’une plus grande valorisation de la langue française au travail pourvu que cela n’entraîne pas une lourdeur administrative. À ce chapitre, le CPQ souhaite que les mesures imposées aux employeurs ne viennent pas nuire aux efforts de relance économique.

Par ailleurs, le CPQ questionne le nouveau processus de plaintes contre des commerçants et des employeurs, lequel ne relèverait plus exclusivement de l’OQLF, mais bien des tribunaux civils et de la CNESST. La judiciarisation des plaintes pourrait rendre plus difficiles la gestion et la correction des irritants.

« Les limitations suggérées par l’actuel projet de loi pourraient aussi isoler les Québécois non francophones, lesquels auraient davantage de difficultés à trouver un emploi, faute de connaissance suffisante du français. Le Québec se priverait de l’intégration au travail pour ces nouveaux arrivants. Pour les nombreux secteurs aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre, la loi proposée pose de sérieux défis », souligne Karl Blackburn.

Le CPQ salue la mise en place éventuelle d’un guichet unique afin d’harmoniser les services d’accueil et de francisation. « Bien que les trois quarts des immigrants économiques maîtrisent déjà le français, Francisation Québec offrira de meilleures possibilités aux nouveaux arrivants d’apprendre la langue et de mieux s’intégrer au marché du travail et à la société québécoise. »

De son côté, le Conseil québécois du commerce de détail soutient que les détaillants ne se rebiffent pas devant les énoncés du projet de loi 96. Mais encore faut-il qu’ils puissent attirer des travailleurs francophones, en cette ère de pénurie de main-d’œuvre. « Le commerçant qui donne un service au centre-ville de Montréal ou dans [l’Ouest-de-l’Île] a de la difficulté à recruter, note son directeur général Jean-Guy Côté. Ce n’est pas un manque de volonté. Il y aura toujours des détaillants récalcitrants, mais la plupart comprennent que c’est un trait distinctif de Montréal, son côté francophone, pour les touristes. »

La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) appuie les objectifs du projet de Loi sur la langue officielle et commune du Québec.

« Nous appuyons notamment l’intention du projet de loi visant à assujettir les entreprises de 25 employés et plus aux obligations de certification prévue à la Charte de la langue française. Il faudra cependant appuyer convenablement les petites entreprises nouvellement assujetties. Les démarches de certification, dont la création d’un comité de francisation, ne doivent pas devenir un fardeau bureaucratique », a ajouté Charles Milliard,  le président-directeur-général de la FCCQ, Charles Milliard.

« Nous serons également vigilants quant aux nouvelles obligations d’affichage de poste, l’exigence du bilinguisme demeurant nécessaire dans certains postes. La maîtrise d’une deuxième langue, notamment l’anglais, demeure une force économique importante pour la société québécoise. La promotion du français dans le monde des affaires doit se réaliser en complément au développement commercial et non au détriment de celui-ci », a souligné M. Milliard.

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