Dans cent jours, si on en croit les deux chefs d’État, l’éternel différend Canada-États-Unis en matière de bois d’œuvre sera relégué au passé. Une solution sera trouvée.
Vœu candide formulé par un premier ministre canadien et un président américain qui savent pourtant tous deux qu’ils n’ont pas les moyens de tenir une telle promesse : l’un parle au nom d’un partenaire asservi à l’autre, l’autre quitte bientôt son poste.
Il faut s’attrister de la difficulté qu’ont les deux voisins, pourtant liés par un accord de libre-échange depuis plus de vingt ans, à développer une vision continentale du marché. Mais il ne faut pas s’en surprendre.
Quand il s’agit de combattre le terrorisme ou le réchauffement climatique et que les planètes des valeurs prônées par les deux gouvernements sont alignées, des accords sont possibles. Les affaires commerciales, c’est moins automatique.
Il faut savoir que le lobby américain du bois d’œuvre n’est pas aussi puissant et incident sur les décisions de l’État que celui des armes à feu et de la chasse. Mais presque. Il se classe sans doute bon deuxième.
Dans ces deux pays à peu près d’égales tailles, l’écart entre les deux productions explique l’origine du problème. Les scieries américaines peuvent sortir environ 35 milliards de pieds en mesure de planche (pmp) par année, ce qui suffit à couvrir les besoins domestiques lors de petites années de mise en chantier. Lorsqu’arrivent des booms, les constructeurs de maison et les rénovateurs doivent se tourner vers les producteurs canadiens.
On leur est utile seulement quand tout le bois américain a été épuisé. Notre volume d’exportation fluctue donc en dents de scie, si vous me permettez l’image facile.
Nos scieries québécoises ont une capacité de production de l’ordre de 5,2 à 5,3 milliards de pmp ces années-ci. Environ 3 milliards s’en vont normalement vers les États-Unis et un autre milliard vers le reste du Canada, principalement l’Ontario.
Le marché des centres de rénovation du Québec est estimé à 1,2 milliard de pmp, divisé en parts à peu près égales entre 600 millions pour la rénovation et 40 000 chantiers de maisons neuves utilisant une moyenne de 15 000 pmp par construction.
Les mots « bois d’oeuvre » sont intimement liés aux affaires de tout centre de rénovation et d’au moins la moitié des 200 fabricants et distributeurs membres de l’AQMAT. Nonobstant les nouvelles technologies, qu’on le veuille ou non, c’est encore le matériau-roi. Le bois, et particulièrement celui produit au Québec, sert plus que toute autre matière à construire les charpentes de maisons, les planchers, les poutres et les lambris. Et ça ne changera pas demain.
Rappelons que la production québécoise de billes de bois transformées pour la construction et la rénovation provient d’arbres résineux qui composent l’essentiel des forêts publiques de tout le pays. Les essences de bois franc, comme l’érable, le merisier et le chêne, en sont généralement exclues, l’usage du bois franc étant généralement réservé à la confection de meubles, de planchers et d’autres ouvrages dits de finition. L’épinette, le pin et le thuya sont les principales essences transformées en bois d’œuvre au Canada.
De plus, une grande partie du papier est fabriquée à partir des copeaux et résidus de bois générés par les scieries, sans oublier la production de granules servant à certains poêles.
Le CIFQ demande au gouvernement Trudeau de négocier un régime de libre-échange complet avec les Américains, notamment parce qu’un nouveau régime forestier plus concurrentiel (basé notamment sur des enchères dans les forêts publiques) est entré en vigueur en 2013. Ottawa n’avait pas indiqué publiquement s’il soutenait la demande d’un régime de libre-échange formulée par l’industrie forestière.
En entrevue vendredi dernier avec les médias, la ministre du Commerce international disait « comprendre très bien » la position de l’industrie québécoise, mais elle ne s’était pas prononcée à savoir si son gouvernement la partageait. « Notre devoir, c’est de chercher une résolution qui sera bonne pour tout le Canada », disait Chrystia Freeland.
Le dernier accord sur le bois d’oeuvre, en vigueur de 2006 à 2015, a pris fin en octobre dernier, mais il prévoyait une année supplémentaire de libre-échange avant de pouvoir recourir aux tribunaux commerciaux. Ce qui nous conduit en octobre 2016.
Le compte-à-rebours de cent jours, lui, se termine avec la fin des classes.