La volatilité géopolitique oblige à plusieurs scénarios de front

L’avenir économique est pour le moins incertain, notamment sur les plans des politiques commerciales avec les États-Unis et des plateaux d’immigration pour la main-d’œuvre. Devant cette double incertitude, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) sent le besoin de nous partager non pas un scénario de projection, mais trois, tous plausibles selon l’évolution de la situation.

Une grande incertitude entoure l’avenir des tarifs douaniers sur les exportations canadiennes vers les États-Unis. Ces tarifs pourraient atteindre 25 % sur tous les produits, avec la probabilité de représailles de la part du Canada. Ces mesures pourraient avoir un impact majeur sur l’économie canadienne dès 2025 :

  • incertitude en matière d’investissement;
  • affaiblissement du dollar canadien;
  • diminution des recettes d’exportation;
  • pertes d’emplois;
  • hausse de l’inflation;
  • risque accru de récession.

Le scénario de croissance moyenne de la SCHL suppose que le gouvernement des États-Unis imposera des tarifs douaniers de 25 % sur 10 % des produits canadiens et que le Canada ripostera. Dans cette éventualité, les effets négatifs sur l’économie pourraient être atténués par une augmentation des dépenses du gouvernement américain et par la hausse de la demande d’importations qui en résulterait aux États-Unis.

La réduction des cibles d’immigration pour 2025-2027 aura également une incidence sur l’économie. Le ralentissement de la croissance démographique pourrait en effet mener à une baisse de l’activité économique.

Compte tenu de ces facteurs, la SCHL prévoit une croissance économique modeste en 2025, suivie d’un redressement en 2026 et en 2027. Après avoir diminué en 2023 et en 2024, le PIB par habitant devrait augmenter durant la période de prévision.

La SCHL prévoit que les dépenses de consommation par habitant s’accroîtront durant l’horizon prévisionnel, soutenues par une baisse des coûts d’emprunt. Cependant, plusieurs facteurs ralentiront leur croissance, notamment :

  • la perte de pouvoir d’achat due à l’inflation passée dans un contexte où le rattrapage des revenus n’est que graduel;
  • la hausse des taux de chômage en 2025;
  • les taux d’intérêt accrus au moment du renouvellement de prêts hypothécaires en 2025 et en 2026.

Le rythme de l’augmentation des dépenses de consommation globales ralentira en raison de la croissance démographique réduite, ce qui fera diminuer la demande économique. Le besoin de main-d’œuvre s’en trouvera amoindri et la croissance de l’emploi se repliera, surtout en 2025. L’agence prévoit donc que le taux de chômage augmentera jusqu’au milieu de 2025. L’amélioration de l’économie et le ralentissement de la croissance démographique se traduiront par une baisse des taux de chômage en 2026 et en 2027. Les dépenses publiques vont sans doute ralentir également en raison de la diminution du taux de croissance de la population.

Selon les prévisions de la SCHL, l’investissement des entreprises canadiennes devrait se redresser durant la période de prévision, après deux années de faible activité. Soutenue par la baisse des taux d’intérêt, cette reprise sera toutefois restreinte par d’autres facteurs : les tarifs douaniers, la hausse des pressions salariales dues à la croissance limitée de la population et la prudence des prêteurs, qui resserreront les conditions de prêt.

Pour contrôler l’inflation et soutenir l’économie dans l’éventualité de nouveaux tarifs douaniers, la banque centrale devrait réduire davantage les taux en 2025. Les prêts hypothécaires à taux fixe, liés aux rendements des obligations, reflètent déjà une grande partie de ces changements et diminueront quelque peu. Les taux variables, liés au taux directeur, devraient diminuer davantage que les taux fixes, ce qui attirera les acheteurs d’habitations.

Dans l’ensemble, ces perspectives économiques auront des effets contrastés sur le marché de l’habitation. Le ralentissement de la croissance démographique et les défis économiques limiteront l’activité sur ce marché. En revanche, certains ménages verront leur pouvoir d’achat s’améliorer, ce qui stimulera le marché de l’habitation à court terme.

Amélioration de l’abordabilité

Malgré les vents économiques contraires décrits ci-dessus, la SCHL que l’activité augmentera sur le marché de l’habitation au Canada. La baisse des taux hypothécaires et les changements apportés aux règles hypothécaires en 2024 devraient libérer la demande refoulée chez les acheteurs pour qui les prix étaient trop élevés. Certains pourraient toutefois se retrouver avec des termes de prêt plus longs, des frais d’intérêt accrus sur la durée du prêt et une mise de fonds plus élevée qu’auparavant, car les prix continueront d’augmenter.

Les économistes de l’agence pensent que le regain de la demande profitera davantage au marché de la revente qu’au marché du neuf, car les acheteurs ayant des contraintes financières y trouveront plus de choix. En outre, le temps nécessaire à la réalisation des projets de construction pourrait limiter la capacité des promoteurs à répondre rapidement à la demande.

Les millénariaux, dont beaucoup sont des accédants à la propriété, sont le moteur de la demande de logements en ce moment. Avec le recul du télétravail, il est supposé que ce groupe privilégiera la proximité des emplois, ce qui amplifiera la reprise des ventes dans les grands marchés urbains.

L’organisme s’attend également à ce qu’une partie des acheteurs déjà propriétaires reviennent sur le marché. Certains voudront profiter de la baisse des taux hypothécaires pour trouver une habitation d’un cran supérieur à leur logement actuel. D’autres auront acheté une propriété résidentielle pendant la pandémie et ont un prêt hypothécaire qui doit être renouvelé en 2025, 2026 ou 2027. Ces facteurs pourraient les amener à réévaluer leurs besoins et à changer de logement, ce qui stimulera les ventes.

La reprise de l’activité sur le marché de l’habitation sera inégale. Elle sera plus lente sur le marché des appartements en copropriété que dans les autres segments, surtout dans les régions où ce marché dépend des investisseurs. Les investisseurs qui ont acheté des unités sur plan pour les louer sont de plus en plus nombreux à les vendre, car les coûts augmentent plus vite que les revenus de location. Selon nos prévisions, la hausse des inscriptions se poursuivra, vu le nombre record d’achèvements d’appartements en copropriété attendu en 2025 et l’affaiblissement des marchés locatifs.

La croissance des prix s’accélérera en 2025, grâce au regain de la demande de maisons avec entrée privée. La hausse des prix devrait ensuite ralentir en 2026 et en 2027.

Nous prévoyons qu’en 2027, une grande partie de la demande refoulée aura été satisfaite. Les paiements hypothécaires et les prix augmenteront, mais l’amélioration du marché du travail et la croissance du revenu rendront l’achat d’une habitation plus accessible que pendant la période de 2022 à 2024. Ces facteurs soutiendront le redressement des ventes.

La reprise de la croissance des prix et des ventes sera concentrée dans les régions les plus abordables

Sur le marché de l’habitation du Québec, l’activité a commencé à se redresser au début de 2024. Les ventes devraient y atteindre des sommets historiques. On s’attend à ce que la hausse des prix y dépasse la moyenne nationale dans la première moitié de la période de prévision.

Les marchés locatifs continueront de se rééquilibrer

Depuis 2024, l’offre de logements locatifs a augmenté plus rapidement que la demande, mais l’abordabilité a continué de poser problème. Selon nos prévisions, la baisse de l’immigration et le nombre accru d’accédants à la propriété feront encore diminuer la demande sur le marché locatif de 2025 à 2027. L’offre continuera de prendre de l’expansion grâce à l’achèvement de logements locatifs, de sorte que le taux d’inoccupation augmentera et la croissance des loyers ralentira.

Cependant, il faudra plus de temps pour que l’abordabilité des logements locatifs s’améliore. Les loyers de certaines unités inoccupées seront ramenés au niveau du marché, et la croissance des revenus des locataires mettra du temps à rattraper les hausses précédentes des loyers du marché. En outre, quand des locataires qui en ont les moyens déménageront dans des logements neufs d’un prix supérieur, des logements plus abordables se libéreront graduellement pour d’autres locataires (PDF).

Autres scénarios

Étant donné le degré élevé d’incertitude économique, la SCHL expose deux autres scénarios.

  1. Scénario de faible croissance
  • Par rapport au scénario de croissance moyenne, le gouvernement des États-Unis impose des tarifs plus élevés sur les exportations canadiennes, ce qui entraîne des pertes d’emplois et une récession en 2025.
  • Les politiques d’immigration des États-Unis se resserrent, ce qui rend le Canada plus attrayant pour les immigrants et amène une immigration plus élevée que prévu.
  • La hausse des tarifs douaniers fait croître l’inflation temporairement, mais la banque centrale abaisse le taux directeur pour soutenir l’économie. L’incertitude financière se traduit par des coûts d’emprunt hypothécaire légèrement plus élevés que dans le scénario de croissance moyenne.

Incidence sur le logement :

  • La récession retarderait la reprise de l’activité sur le marché de l’habitation, ce qui ferait augmenter la demande refoulée.
  • La construction résidentielle diminuerait en raison de l’affaiblissement de la demande et des problèmes d’approvisionnement.
  • Un rebond de l’économie à la fin de 2026 et une accélération de la croissance démographique stimuleraient les ventes de logements.
  • Les marchés locatifs resteraient serrés, ce qui limiterait l’amélioration de l’abordabilité des logements locatifs.
  1. Scénario de forte croissance
  • Dans ce scénario, les États-Unis imposent des tarifs moins élevés et de plus courte durée, et les dépenses du gouvernement américain stimulent les exportations canadiennes.
  • Les cibles d’immigration établies récemment sont atteintes au Canada.
  • L’augmentation des revenus et de la confiance des consommateurs fait croître les dépenses. Les coûts d’emprunt diminuent davantage et facilitent l’achat d’une habitation.

Incidence sur le logement :

  • La construction résidentielle augmenterait grâce à l’amélioration des conditions de financement et du contexte commercial.
  • L’accélération de la croissance de l’emploi et des revenus, conjuguée à la baisse des taux hypothécaires, faciliterait l’achat d’une habitation.
  • La hausse de la demande ferait croître les prix des habitations plus rapidement.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *