Plusieurs cachent leur réalité aux clients, mais des dizaines d’usines au Québec sont présentement fermées pour cause de manque de composants chimiques. Les changements climatiques sont responsables, ou plutôt notre inaction face à ceux-ci, laquelle vient engendrer une tempête de neige violente au Texas depuis la mi-février.
Fabricants de peintures, de solvants, de colles, et par extrapolation toute l’industrie des portes et fenêtres qui utilise des adhésifs pour l’étanchéité de ses produits se trouve paralysée, du moins grandement ralentie, depuis une semaine ou plus.
Même statut de fermeture des opérations ou de ralentissement observé du côté des fabricants québécois et canadiens de moulures jointées, de portes d’armoires et de cabinets de cuisine, de comptoirs, de planchers d’ingénierie, toutes des spécialités qui, indirectement, sont impactées par la paralysie de production de monomères ou de polymères.
Si plusieurs produits chimiques sortent normalement des cheminées du Texas, c’est l’arrêt de production du monomère d’acétate de vinyle, mieux connu sous son acronyme VAM, essentiel à la fabrication de résines et de polymères, qui pose le plus grave problème pour notre industrie, ici.
Des manufacturiers célèbres, comme Dow ou Celanese, ont invoqué l’expression française de « force majeure » pour expliquer la fermeture momentanée de leurs usines. En déclarant cet « Act of God », les manufacturiers protègent leurs intérêts dans les contrats de vente.
Les températures inférieures au point de congélation empêchent leurs sites de recevoir du gaz naturel, de l’électricité, du gaz industriel, de l’eau potable et de l’eau de lutte contre les incendies et autres matières premières nécessaires à une exploitation sûre et fiable.
Il faut dire que l’État a dû prioriser l’accès aux services publics à la population afin de ne pas exacerber la crise humaine.
Les effets de la tempête ont été beaucoup plus répandus que les ouragans qui attaquent régulièrement la côte américaine du golfe chaque année, car 40 MW de production d’électricité au Texas étaient hors service au plus fort du gel, laissant des millions de maisons et d’entreprises sans chauffage ni eau courante.
Les efforts de redémarrage pétrochimique ont été lents, avec de nombreux hauts et bas, car les fournisseurs en aval attendent des matières premières. Des sources soutiennent que des chaînes de production doivent redémarrer séquentiellement.
En fait, chaque manufacturier de produits chimiques évalue l’effet des conditions météorologiques sur ses propres installations et infrastructures de production.
Les usines touchées pourraient commencer à redémarrer en quelques jours ou semaines, selon qu’elles ont pu contrôler leur « shutdown » ou non.
Autrement dit, « tout dépendra de la capacité de ces entreprises à mettre fin à leurs activités de manière relativement contrôlée et selon un protocole d’urgence défini, ou dans le chaos », est d’avis Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT.
« Parce que de tels gels profonds sont si inhabituels sur la côte américaine du Golfe, les entreprises peuvent avoir négligé certaines étapes de diligence prudence au moment de stopper les moteurs », analyse M. Darveau. Cela pourrait compliquer les opérations de redémarrage.
Les opérateurs de l’usine peuvent avoir omis de purger correctement l’eau dans une pompe, laquelle pourrait subir des dommages du gel. Les pièces de rechange peuvent ne pas être disponibles immédiatement. Un redémarrage suppose que les conduites doivent être correctement purgées, mais les tuyaux sont peut-être endommagés. Certaines entreprises pourraient décider d’en profiter pour lancer des projets de maintenance qui étaient planifiés plus tard dans l’année, ce qui pourrait prolonger davantage l’impact des pannes causées par la tempête hivernale. Sans oublier que certains redémarrages d’usines nécessiteront des inspections, lesquelles pourraient être retardées en raison du coronavirus.
« Et la cerise sur le sundae, de rappeler M. Darveau, plusieurs employés de ces usines de produits chimiques peuvent avoir besoin de prendre le temps de s’occuper de leurs maisons endommagées par la tempête de froid, et prendre soin de leurs proches passera bien avant l’usine ! »
Effet sur les prix également
L’impact de la tempête de froid n’a cependant pas gelé les prix. Au contraire. Les polymères à l’exportation ont connu une forte hausse le 3 mars, puis une seconde vague d’augmentations la semaine dernière.
Les prix de plusieurs qualités de polyéthylène atteignent des sommets de plusieurs années en raison d’un manque aigu de disponibilité du volume, d’une forte demande et de stocks limités.
L’espoir d’un retour à la production normale se fait attendre à la suite du gel profond qui a enveloppé la côte du golfe des États-Unis pendant des jours à la mi-février, détruisant une énorme partie de la capacité pétrochimique.