Quincaillerie Richelieu et RONA sont au nombre des entreprises québécoises assujetties à la Loi québécoise sur les sociétés par actions et du coup, concernés par les amendements proposés par le groupe de travail mis sur pied par le ministre Marceau en réaction à deux épisodes marquants dans la récente histoire de notre Québec Inc:
– en 2010, Alimentation Couche-Tard ne peut acquérir Casey’s parce que cette entreprise est protégée par les lois de l’État où est son siège. Cela se passe aux États-Unis, patrie réputée du monde capitalisme libre;
– à l’inverse, à l’été 2012, il s’en faut pour peu que RONA soit achetée par Lowe’s. D’un point de vue légal, rien n’empêchait ou ne compliquait la transaction.
L’idée de base qui est recherchée par l’intervention projetée du Québec s’inspire en ligne droite de ce que pratique le minuscule Delaware, où six entreprises américaines cotées à la bourse sont incorporées: on veut des dispositions qui favorisent la prise en compte des intérêts exhaustifs de l’entreprise convoitée, et pas seulement les avantages que des actionnaires opportunistes pourraient retirer de la transaction.
Voilà une intention qui ennoblit notre système économique devenu trop sauvage au jugement d’un certain nombre d’observateurs. Elle mérite d’exister sous une forme législative ou réglementaire pour ne pas demeurer poésie.
Là est le défi.
Toute mesure qui aurait pour effet de décourager un acheteur me semble à proscrire. Sans une telle éventualité, comment motiver le management d’une société à la bourse de faire mieux? Comment ne pas nuire à la valeur de ses actions si les éventuels mouvements sur le parquet sont conditionnés à des normes protégeant plus l’une des parties (la proie) que l’autre.
En contrepartie, laisser le nouvel acquéreur libre, une fois la prise de contrôle complétée, représente une source réelle de menace pour la pérennité de l’entreprise qui a changé de mains. Dans un tel scénario, maximiser la plus value à court terme des actionnaires, certainement le principal objectif d’une Offre publique d’achat (OPA), pourrait être sous-jacent à d’autres engagements, notamment en regard de la revente à court terme ou du maintien des opérations pendant un certain temps en terre conquise.
Matière à réflexion…
Quoi qu’il en soit, il est courageux de réfléchir sur la question. Les travaux du groupe de travail ont mis au jour les politiques américaines souvent plus protectrices qu’on pourrait le croire. Le Québec n’est donc pas seul à vouloir adopter un nouveau pas. Ce qui m’amène d’ailleurs à conclure que l’étape charnière consistera à convaincre les autres Canadiens de discuter et d’implanter des mesures à l’échelle de tout le pays. Sinon, tout amendement à une loi strictement québécoise en la matière n’aura comme unique effet pervers, que d’isoler nos entreprises locales de l’arène des échanges d’ampleur continentale.