Le CCCD lance cette campagne au moment où les commerçants en ligne et les services de messagerie établis aux États-Unis exercent des pressions pour augmenter le seuil de minimis, en dessous duquel les envois par service de messagerie ou par la poste vers le Canada sont exempts de taxes de vente et de droits de douane.
Plus précisément, le lobbyisme des messagers et des commerçants en ligne américains fait pression sur le gouvernement canadien pour faire passer le seuil de 20 $ à 200 $.
Ainsi, tout article coûtant moins de 200 $ pourrait être expédié au Canada sans taxes de vente fédérale et provinciales et sans droits de douane.
« Pendant ce temps, les commerçants au Canada (ayant pignon sur rue ou en ligne) seraient obligés de percevoir les taxes de vente sur les mêmes articles ou des articles concurrentiels vendus au Canada et de payer des droits de douane sur les biens importés. Si l’on tient compte seulement des taxes de vente, les commerçants américains auraient un avantage fiscal par rapport aux commerçants canadiens allant de 5 % en Alberta jusqu’à 15 % dans la région de l’Atlantique », prévoit le CCCD.
La moyenne de l’avantage en matière de prix dont profiteraient les commerçants en ligne américains serait de 12,3 %, ajoute le Conseil.
De graves conséquences dit le CCCD
- Si le seuil de minimis atteignait un niveau équivalant à 200 $, on assisterait à une forte augmentation des achats transfrontaliers, ce qui aurait des conséquences négatives évidentes pour les détaillants canadiens et leurs employés. Même une augmentation en apparence légère pourrait avoir des répercussions importantes, particulièrement parce qu’avec l’augmentation du seuil, les commerçants en ligne américains pourraient commencer à offrir les frais d’envoi gratuits vers le Canada, ce que nombre d’entre eux offrent déjà à leurs clients aux États-Unis.
- Les investissements réalisés par les détaillants canadiens établissant des offres en ligne pourraient être menacés, ce qui aurait aussi des répercussions sur certains emplois très bien payés dans les secteurs des TI, de la logistique et de la distribution, par exemple.
- L’affectation interne des capitaux pourrait devenir un enjeu pour les entreprises américaines et internationales qui exercent leurs activités au Canada, car il serait alors plus difficile de convaincre les sièges sociaux de la nécessité d’investir dans les offres en ligne canadiennes, voire dans les magasins traditionnels, puisque les consommateurs pourraient tout aussi bien être servis en ligne, par d’autres pays que le Canada.
- Les droits de douane et les taxes non perçus par les gouvernements fédéral et provinciaux seraient substantiels.
Problème qui perdure
De son côté, le Conseil québécois du commerce de détail travaille depuis longtemps sur la problématique.
À la sortie du budget en mars dernier, le CQCD rappelait que: «Les achats en ligne effectués à l’extérieur du Canada sont responsables d’une importante érosion fiscale. Le CQCD s’explique mal que le gouvernement québécois n’ait pas cherché à récupérer un important manque à gagner – 177 millions $ selon les nouveaux chiffres dévoilés par Revenu Québec – en lien avec le commerce en ligne transfrontalier. S’assurer que les détaillants opérant au Québec puissent profiter d’un environnement concurrentiel uniforme devrait être une priorité pour le gouvernement. Le CQCD continuera à faire valoir l’importance de récupérer cette somme, et de faire en sorte que les détaillants au Québec puissent se battre à armes égales avec leurs concurrents d’ici et d’ailleurs. »
Plus tôt en 2014, le CQCD indiquait que le gouvernement du Québec doit s’attaquer rapidement au commerce en ligne transfrontalier.
«En 2013, les Québécois ont acheté des produits via le commerce de détail transfrontalier sur Internet pour plus d’un milliard de dollars. Une grande partie des achats effectués en ligne à l’étranger entre au pays sans que les taxes de vente ne soient perçues. Les pertes fiscales associées à ce phénomène sont estimées à 95 millions de dollars au Québec. À court terme, les avantages dont profitent les consommateurs sont très alléchants, mais à moyen et long terme, ce sont des pertes importantes pour tous les contribuables qui en résultent. Cela est très sérieux, car l’impact négatif se fera sentir sur les emplois, le marché immobilier et les professionnels qui gravitent autour du commerce de détail», avait expliqué Léopold Turgeon, président directeur général du CQCD.
Ce dernier souhaitait à l’époque que le prochain gouvernement du Québec priorise l’enjeu des taxes non perçues et faire preuve d’équité envers une industrie qui embauche près d’un demi-million de travailleurs, soit 12 % du total des emplois québécois (ce qui représente 6 % du PIB et constitue la porte d’entrée de 1 $ sur 3 $ dans l’économie).
«Plus globalement, les réalités du commerce en ligne, tant domestique que transfrontalier, devaient être analysées dans leur ensemble. Il ne s’agit pas seulement de collecter des taxes justes et disponibles, mais il faut surtout que le gouvernement priorise le commerce de détail pour contribuer à son développement, et ce, au bénéfice de l’ensemble de l’économie québécoise», avait prévenu M. Turgeon.