Des inspecteurs de bâtiments mettent le gouvernement en demeure

La Corporation des inspecteurs, vérificateurs en qualité de la propriété (CIVQP) vient de déposer une mise en demeure envers le gouvernement du Québec concernant sa Loi 16, adoptée en décembre 2019 avec comme but de mieux encadrer les inspections en bâtiment lors de ventes et d’achats immobiliers résidentiels. Résumé de la contre-attaque des inspecteurs: au lieu de protéger les acheteurs, cette législation augmentera les coûts d’achat.

En vertu de la nouvelle législation, le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) a produit la Norme de pratique en inspection résidentielle, laquelle doit protéger le consommateur. Selon la CIVQP, la loi oblige désormais l’exécution de simples inspections visuelles sans vérification systématique. « Non seulement elle ne protège pas les acheteurs et vendeurs, mais elle les expose à de multiples complications et à des dépenses faramineuses », juge Mario Roy, président-directeur général de la CIVQP. « Le gouvernement du Québec a échoué à procurer une pleine protection du consommateur en matière d’inspection », ajoute Me Jean-François Bertrand, du cabinet du même nom.

Coûts et délais d’experts pour les acheteurs

Par exemple, selon le principe de renvoi aux experts, tout inspecteur est maintenant obligé de se limiter à une inspection sommaire d’un bâtiment. Devant tout signe apparent d’un vice caché, il ne pourra plus déterminer si la résidence en est affectée. Il devra alors obligatoirement renvoyer l’acheteur à un expert. Le processus d’inspection s’en retrouvera complexifié et retardé.

« Pas moins de 33 spécialisations et expertises sont comprises dans une résidence type : fondation, toiture, fenêtres, étanchéité, structures, etc., indique Mario Roy. À un tarif moyen de 1500 $ par consultation, il pourrait donc en coûter jusqu’à 49 500 $ à un acheteur pour recourir à autant d’experts techniques. Sans compter la quasi-impossibilité d’obtenir d’eux une inspection à l’intérieur du très court délai de quatre jours appliqué lors de l’achat d’une résidence. »

Inspections incomplètes et insatisfaisantes

La Norme oblige aussi l’exécution d’une inspection sans faire fonctionner, démonter, déplacer, enlever, ouvrir ou découvrir quoi que ce soit, sans grimper, sans échelle et sans équipements technologiques. Ainsi, devant l’obligation de n’inspecter les murs et le toit du bâtiment qu’au sol, sans pouvoir grimper pour y voir de plus près, les inspections directes des greniers deviendront aussi interdites. Il en va de même pour la vérification des mécanismes d’ouverture et de fermeture des portes et fenêtres. De plus, la Norme interdit l’inspection de composantes comme les clôtures, cabanons et autres, pourtant comprises dans l’acquisition d’une propriété.

Dans la forme actuelle de la Norme, il est désormais interdit aux inspecteurs de recourir aux outils suivants, pourtant essentiels : caméra infrarouge (qualité de l’isolation), hygromètre scanner (infiltrations d’eau), endoscope (moisissures dans les conduits de ventilation) et anémomètre (débit d’air aux grilles de ventilation et de chauffage).

La Norme n’oblige pas la présence du vendeur ni de l’acheteur, laissant toute la latitude à l’inspecteur pour exécuter des inspections bâclées. « On ouvre aussi la porte à de possibles collusions entre inspecteurs et courtiers, aux dépens du consommateur. »

De plus, on maintient en poste tous les inspecteurs actuels, sans validation des compétences. Chacun recevra automatiquement le Certificat d’inspecteur, sans vérification des connaissances en propriété résidentielle.

Chaque inspecteur devra aussi détenir une assurance professionnelle. Elle sera toutefois valide seulement pendant son temps de pratique. Dès qu’il cessera celle-ci, ses inspections antérieures seront caduques, ce qui supprimera tout recours rétroactif.

Solutions concrètes proposées

Comme professionnel, l’inspecteur résidentiel devrait être sous l’obligation de résultat et imputable de la vérification systématique. Il devrait fournir toutes les données nécessaires aux consommateurs, ce qui est maintenant interdit.

La CIVQP propose des solutions qui encadreraient le travail des inspecteurs tout en protégeant tant l’acheteur que le vendeur :

  • la Norme implantée devrait instaurer une liste standardisée obligatoire d’actes à poser pour garantir le résultat d’une vérification systématique au lieu de préciser ce que l’inspecteur ne doit pas faire afin d’éviter les poursuites;
  • ladite liste devrait être écrite en vue de la production d’un certificat de conformité, avec la standardisation d’actes à poser;
  • ce document serait publié par un organisme indépendant, éliminant toute collusion possible.

Un tel système de vérification systématique avec garantie de résultat, en toute transparence et respectant les lois en vigueur a été implanté par la CIVQP. Elle permet à l’acheteur et au vendeur de connaître dans les détails les vices pouvant affecter la propriété. Le groupe a d’ailleurs dévoilé en mai 2019 un modèle de vérification exhaustive en 250 points. « En imposant des normes de conduite aux inspecteurs par la réalisation d’une vérification systématique de toute la propriété́ – pas uniquement du bâtiment – avec tout l’équipement technologique approprié et nécessaire, on protégerait le consommateur, et l’objectif législatif serait atteint. »

« Québec devrait exiger un examen d’acquisition de connaissances minimum de niveau d’un technologue en architecture (ou équivalent), pour quiconque désirerait le Certificat d’inspecteur résidentiel exigé par la Loi 16. Ainsi, plusieurs entrepreneurs en construction, gérants de chantier, chargés de projets, technologues, architectes, ingénieurs ou autres qualifiés du domaine résidentiel pourraient devenir inspecteurs. Le gouvernement concrétiserait ainsi sa volonté de régulariser ce secteur et, du coup, sécuriserait toutes les parties concernées. »

 

Le monde fourmille d’associations qui se prétendent toutes plus représentatives des inspecteurs en bâtiment, dont:

  • AIBQ: environ 105 inspecteurs agréés, 240 inscpeteurs en bâtiment et plus de 80 inspecteurs candidats;
  • InterNACHI Québec: environ 200 inspecteurs;
  • ACIBI/CAHPI National: environ une douzaine sur le territoire québécois
  • CIVQP: 19 inspecteurs en bâtiment

 

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