Le projet de loi 51, Loi modernisant l’industrie de la construction, a été déposée – avec courage, soulignons-le – par le ministre du Travail Jean Boulet le premier février. L’AQMAT prend actuellement les dispositions pour être entendue en consultation particulière par le parti au pouvoir et les oppositions ainsi qu’en commission parlementaire.
« Nous adopterons comme posture la défense de la productivité à tout prix », avoue le président de l’AQMAT, Richard Darveau.
« Un chantier qui prend du temps à aboutir, ça nuit aux ventes des centres de rénovation, ça nuit à la production de matériaux dans nos usines et ça nuit à la société dans son ensemble, mais ne soyons pas candides, ça ne nuit pas nécessairement aux constructeurs ni à leurs employés qui facturent plus d’heures plus longtemps ».
Nous reproduisons au bas de cet article les réactions à chaud de quatre des associations d’entrepreneurs qui nous donnent tout de même confiance quant à leur volonté de contribuer à des chantiers respectant plus les enveloppes de temps et d’argents alloués.
Notre propos focalisera sur la nécessité pour le législateur de garder en vue le portrait global (« the global picture », comme on dit en anglais), lequel s’avère plus important que la somme des parties.
L’une des causes du manque de logements, bien avant l’immigration, c’est le caractère kafkaïen de la répartition des tâches entre les ouvriers de la construction qui interdit pratiquement tout « overlap » et tout déplacement dans une autre région. Cette ultra compartimentation laisse des trous béants entre les horaires des corps de métier, ce qui ralentit l’avancement des travaux.
La première cuvée du projet de loi est encourageante. On peut en prendre connaissance ici.
M. Darveau profite d’ailleurs de l’occasion pour féliciter le ministre Boulet d’avoir admis publiquement que son projet législatif est perfectible.
Sans aller jusqu’à adopter la posture de la victime, ni de l’otage, notre travail consistera donc à convaincre la classe politique de ne pas plier devant les pressions qui viseront à édulcorer la portée du projet de loi alors que selon nous, au contraire, il faut oser le durcir sur plusieurs volets.
Le statu quo des chantiers trop lents pèse sur les contribuables (dans le cas des projets publics) et sur les consommateurs et les entreprises (dans le cas des projets résidentiels ou commerciaux).
Le problème prend sa source dans la nature des licences mêmes, lesquelles découlent de formations en silo, tellement moins polyvalentes par exemple que celles qu’on connait en Allemagne.
« Nous choisirons des exemples comparatifs plus près de nous et parlerons de cette Ontario », assure M. Darveau, « car cette province fait souvent office de miroir dans lequel le Québec aime se regarder ».
Réactions de quatre associations d’entrepreneurs
L’Association de la construction du Québec (ACQ) accueille favorablement le dépôt du projet de loi et salue l’engagement du gouvernement à promouvoir l’innovation et la compétitivité au sein de l’industrie, dans l’objectif clair d’augmenter la productivité. Elle souligne particulièrement les mesures ciblées sur la mobilité de la main-d’œuvre et la polyvalence dans l’exercice des métiers.
La Corporation des entrepreneurs généraux du Québec (CEGQ) souligne pour sa part que le projet de loi cible les bons enjeux, mais déplore qu’il ne fournisse pas les véritables moyens pour faire évoluer les pratiques et favoriser une plus grande productivité.
« Depuis plusieurs mois, le ministre du Travail nous a mobilisés à l’idée de créer un grand chantier pour la modernisation de notre industrie. Force est de constater que l’ambition était grande, mais que les moyens sont plutôt modestes pour y arriver. Pour atteindre des résultats concrets, il est crucial d’adopter des approches audacieuses et des moyens substantiels, ce qui semble faire défaut dans le projet de loi actuel », affirme d’emblée Eric Côté, président-directeur général de la CEGQ.
L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) a exprimé sa déception à l’égard du projet de loi no 51.
« Nous sommes préoccupés quant à l’impact pour les entrepreneurs du secteur résidentiel qui doivent composer avec un contexte difficile alors que sévit une crise chronique de l’habitation. Nous nous attendions à des mesures plus importantes touchant la productivité, facilitant la flexibilité, favorisant les compétences, permettant un réel accès à l’industrie, une simplification des façons de faire, mais au lieu de cela, la complexité persiste, semble même exacerbée », souligne Maxime Rodrigue, président-directeur général de l’APCHQ.
L’Association salue néanmoins certaines mesures visant à faciliter l’accès à l’industrie pour les groupes sous-représentés, le projet de loi faisant notamment référence à une procédure de reconnaissance de la formation et de la diplomation hors du Québec.
Bien que le projet de loi ne réponde pas entièrement aux besoins du secteur génie civil et voirie, celui-ci comporte néanmoins des avancées selon l’Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ). La polyvalence sur les chantiers et les mesures pour faciliter la mobilité des travailleurs sont, selon l’Association, des demandes récurrentes des entrepreneurs et qui sont maintenant prises en considération dans le projet de loi. L’ACRGTQ considère aussi que les mesures favorisant une plus grande diversité sur les chantiers représentent également un pas dans la bonne direction.
L’ACRGTQ souligne par ailleurs l’approche innovante du ministre du Travail qui propose la création d’un comité paritaire porté sur les relations de travail. Il s’agit là d’un nouveau lieu de concertation où les acteurs de l’industrie de la construction pourront identifier des consensus.