La commission Charbonneau l’a amplement démontré : bien des entrepreneurs surfacturaient après avoir reçu des mandats de travaux publics, et les dépassements de coûts devenaient la norme plutôt que l’exception. Il semblait impossible de ne pas avoir à débourser davantage pour les fameux «extras».
Collaboration spéciale
René Vézina
Article tiré du Blogue à part , Les Affaires
On devait resserrer les pratiques, et tout indique que c’est en voie d’être fait. Mais le balancier est parti dans l’autre sens, ce qui provoque de nouveaux problèmes.
Prenez par exemple cette clause, authentique, tirée des documents accompagnant un appel d’offres lancé par une ville québécoise : «Le mandat décrit au devis n’est pas limitatif, tous travaux exigés par le représentant de la Ville devront être réalisés sans frais supplémentaires».
Autrement dit, la firme qui obtiendrait le mandat en question devrait prendre à sa charge les frais provoqués par tous les changements à la commande originale, et on sait très bien qu’il en survient régulièrement. Impossible de se faire rembourser, même si les coûts explosent en raison de travaux additionnels.
«On ne corrige pas des excès par d’autres excès», dit André Rainville, pdg de l’Association des firmes de génie-conseil du Québec, qui a révélé l’existence de pareille clause lors du récent événement Infrastructures et grands projets, organisé par le Groupe Les Affaires et tenu à Montréal le 13 septembre.
M. Rainville participait alors à un panel touchant la redéfinition du partenariat entre les donneurs d’ordres et les fournisseurs, avec, en filigrane, le rétablissement de la confiance mise à mal par le passé.
On n’a pas pu savoir de quelle ville il s’agissait, mais, de toute évidence, ce n’est pas un cas isolé. Et André Rainville de demander qui allait se risquer à soumissionner avec ce genre d’épée de Damoclès au-dessus de sa tête, en ajoutant qu’il fallait s’attendre à d’inévitables effets pervers : les firmes seront rares à postuler les mandats, et celles qui le feront prévoiront le coup en demandant très cher pour leurs services. On ne sera pas plus avancé au bout du compte.
«Pour l’instant, dit-il, le marché n’est pas très actif, les firmes sont à la recherche de contrats et les donneurs d’ordres ont l’avantage. Mais, dès qu’il se rétablira, des appels d’offres aussi sévères risquent de sécher, faute de preneurs.»
Une course contre la montre au nouveau pont Champlain
Par ailleurs, la journée a permis de faire le point sur un certain nombre de grands chantiers en marche, particulièrement dans la région de Montréal, à commencer par le plus imposant – et le plus cher, à quatre milliards de dollars -, le nouveau pont Champlain.
Les travaux avancent rondement et il le faut : le consortium international Signature sur le Saint-Laurent, dont fait partie SNC-Lavalin, s’est engagé à ce qu’il soit finalisé au plus tard le 1er décembre 2018. Le moindre retard lui vaudrait de coûteuses pénalités : 100 000 $ par jour, une amende qui passe à 400 000 $ à partir du huitième jour.
Mais pour l’instant, le calendrier est respecté. On a déjà posé au fond du fleuve Saint-Laurent 6 des 38 semelles de béton sur lesquelles s’arrimeront les piliers du pont. Elles sont produites par l’entreprise jeannoise Béton préfabriqué du Lac, à son usine de Saint-Eugène-de-Grantham, près de Drummondville, qui fournit d’autres composants pour le pont. Le mot «préfabriqué» revient d’ailleurs régulièrement dans les explications des responsables du chantier, puisqu’on a choisi d’y aller de façon modulaire, avec des pièces qui s’emboîtent comme des blocs Lego. Ce mode de construction permettrait d’économiser du temps, et c’est là un précieux avantage.
D’ici peu, on pourra voir émerger du fleuve les assises du futur pont. Cela alimentera un phénomène appelé à grossir au fur et à mesure qu’elles gagneront en visibilité : le «tourisme de construction» qui accentuera probablement les bouchons sur l’ancien pont, parce que les gens ralentiront inévitablement pour voir l’avancée des travaux. Déjà que ce n’était pas commode d’y circuler, il faudra redoubler de patience !
Développements à Laval et à Montréal
Une autre échéance approche rapidement : dans moins d’un an, le 15 septembre 2017, on inaugurera à Laval la Place Bell, un imposant complexe comprenant trois glaces et de nombreux commerces.
L’amphithéâtre central, où se produira le club-école du Canadien de Montréal, baptisé le Rocket de Laval, comptera 10 000 sièges, et il est prévu qu’on puisse en ajouter 3 000 sur le parterre pour les spectacles. L’aménagement de la Place Bell, située près de la station de métro Montmorency, devrait contribuer à la naissance d’un véritable centre-ville à Laval, un projet dans l’air depuis longtemps.
Et les chauffeurs de véhicules en tout genre qui pestent contre la multitude de cônes orange disséminés partout à Montréal seront réconfortés d’apprendre qu’au moins un des 400 chantiers en cours tire à sa fin : celui de la rue Saint-Denis, où la situation devrait revenir à la normale en novembre.
Toutefois, en 2017, ce sera au tour de la rue Laurier de subir les assauts des marteaux piqueurs, puis de la rue Saint-Hubert qu’on veut rajeunir, sans compter la pièce de résistance : la rue Sainte-Catherine Ouest, qui sera littéralement éventrée, de l’avenue Atwater à la rue De Bleury, de 2017 à 2021.
Que voulez-vous, nous a-t-on dit lors du sommet, il faut maintenant combler le déficit d’entretien qui a fini par mettre à mal les infrastructures de Montréal…