Comment respecter la Loi électorale lundi… sans payer vos employés à ne rien faire

À première vue, les obligations d’un employeur face à l’article 335 de la Lois électorale sont simples : s’assurer que les employés disposent de quatre heures consécutives pour aller voter le jour du scrutin pendant l’ouverture des bureaux de scrutin, sans tenir compte du temps normalement accordé pour les repas. Mais attention à ce diable qui se cache toujours dans les détails pour ne pas être hors-la-loi ni payer pour rien des heures à votre personnel lundi prochain, jour d’élection.

La Loi stipule que l’employeur ne peut faire aucune déduction sur le salaire de l’employé ni lui imposer aucune sanction par suite de son absence du travail durant ce congé.

L’employeur peut toutefois modifier l’horaire de travail pour permettre aux employés de voter, pour autant que ces modifications ne soient pas équivalentes à une diminution de salaire ou à une sanction.

Mais, qu’est-ce que cela signifie en pratique : est-ce qu’un employeur peut demander à un employé de compléter ses 40 heures/semaine par exemple le jeudi soir ou le samedi suivant?

Pour répondre à cette question, l’AQMAT a demandé conseil. Me Patricia Goulet de Morency Société d’avocats a ainsi trouvé dans la jurisprudence l’affaire Québec (Directeur général des élections) c. Marche d’alimentation Marcanio et fils inc., 5 juillet 1996, Cour du Québec, REJB 1996-85148, laquelle nous donne des arguments pour répondre à cette question. 

Dans cette affaire, l’employeur (un marché d’alimentation) a modifié l’horaire de travail d’une employée de façon à lui faire reprendre un total de deux heures, représentant le congé qu’il lui avait accordé pour aller voter. Il s’agit d’une employée dont les conditions de travail sont régies par une convention collective et pour qui son horaire de travail consiste en des heures et jours de travail variables et flexibles. Dans ce cas bien précis, la convention collective prévoit que l’employeur doit indiquer chaque semaine les heures de travail de la semaine suivante. Il s’agit donc réellement d’heures de travail flexibles et variables. 

Selon le juge, voici les limites que doit respecter un employeur en matière de droit de vote :

  • une période de 4 heures consécutives
  • une période devant être fixée entre 9 :30 AM et 20:00 PM
  • une période ne tenant pas compte des heures de repas
  • une période ou congé sans déduction de salaire ou sanction, c’est-à-dire : sans aucun changement à une ou à des conditions de travail, mais avec possibilité d’alternative ou solutions de rechange.

La Cour estime que le but de la loi n’est pas de donner un congé à toute personne qui travaille à l’occasion de la tenue d’une élection générale, mais bien de permettre que l’employeur puisse réorganiser les horaires de son entreprise et de ses employés afin qu’ils puissent exercer leur droit de vote, sans contrainte, déduction et/ou sanction et sans trop d’inconvénients majeurs pour l’entreprise. La Cour juge qu’il est normal pour un employeur de modifier les heures de travail de ses employés afin qu’en respectant son obligation légale, il ne soit pas dans une situation le forçant à cesser ses opérations commerciales et à fermer ainsi son commerce. Le juge conclut même en ajoutant que la période de congé pour aller voter n’est pas un cadeau de l’état à l’employé, mais bien un temps pour que l’employé puisse exercer son droit de vote sans pour sans être pénalisé dans ses conditions de travail et sans perte de rémunération.

Donc à première vue, pour des employés avec des heures de travail flexibles et variables, il semble qu’un employeur pourra prévoir un horaire différent de travail en reportant les deux heures consenties, par exemple, à une autre journée de la semaine, sans pour autant changer les conditions de travail d’un employé ou que ces modalités puissent équivaloir à une réduction de salaire ou une sanction. Notons que ceci dépend aussi des dispositions des conventions collectives qui trouveraient application et du contrat de travail de l’employé, le cas échéant.

Par contre, il semble que la situation est très différente pour un employé ayant des heures de travail fixes et constantes. Il semble qu’un marchand pourrait être sanctionné s’il exige d’un employé avec des heures fixes de travail (ex : 9 h à 17 h, 35 h/semaine) de reprendre ses heures de travail le lendemain soir, par exemple. 

Il sera également important pour l’employeur de respecter les délais nécessaires afin d’aviser l’employé d’un changement dans son horaire. Dans son jugement, la Cour du Québec indique clairement que l’employeur avait agi dans les délais normaux de fixation des horaires. Nous ne pouvons donc négliger que nos marchands devront aviser promptement leurs employés, en temps utile. 

À titre informatif, notons qu’un employeur qui refuse d’accorder cette période de quatre heures est passible d’une amende de 5 000 $ à 30 000 $.

Quant à la question du nombre d’heures à payer qu’un marchand nous a posée hier, rappelons que seules les heures faisant partie des conditions de travail de l’employé(e) doivent être payées. L’importance est les 4 heures avant la fermeture du scrutin. Il ne s’agit pas de 4 heures payées par l’employeur.

N’oublions pas que chaque situation est un cas d’espèce et que cet article de l’AQMAT ne constitue pas un avis juridique puisqu’il ne repose sur aucune analyse complète de la jurisprudence. Nous verrons à proposer au Conseil québécois du commerce de détail de demander une opinion juridique plus approfondie afin d’éclairer tous les marchands… d’ici une prochaine élection!

Enfin, sachez que le site de Élections Québec fournit plusieurs informations sur la question et aussi une ligne ouverte. Voir le site : https://www.electionsquebec.qc.ca/provinciales/fr/nous-joindre.php

 

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