Le blog de Richard
Dix courts de bonne augure
Les authentiques devant l’imposture
Elle s’appelle Ève. Comme, certains le croient, la première femme, la première à avoir péché. Elle aurait pu s’appeler Sophie pour son attaque à nombre de sophismes ancrés dans les nuits de tout temps:
– celui de pretendre que c’est le plus vieux metier du monde;
– que celles qui le pratiquent aiment toutes cela;
– qu’il faut faire avec, au mieux encadrer l’activité juridiquement et punir plus fort judiciairement.
La réalisatrice du film militant L’imposture qui prend l’affiche dans le but déshabiller la prostitution pour la regarder sans artifices, sans préjugés, se nomme Ève Lamont. Elle propose un documentaire qui se veut utile, sans style, volontairement cru. C’est ce qu’en disent les critiques. J’irai le voir ce week-end.
Entre-temps, avant-hier, j’ai retenu les services de Roxanne. L’heure et trente de détente profonde m’a couté 100 $.
Roxanne est co-propriétaire d’un vrai salon de massothérapie. C’est une pro, tant pour réduire mes tensions que pour esquiver les imposteurs, ces hommes en quête d’exotisme génital moyennant paiement. Elle a un regard et une démarche droits, sains. Je lui ai raconté que la colonne vertébrale du film s’inspire de la recherche-action poursuivie par la Maison de Marthe, l’organisme que j’ai aidé, que plusieurs d’entre vous avez soutenu, en finançant mon ascension du Kilimandjaro.
C’est Roxanne qui m’a parlé de Sophie ou de sophisme, sans nécessairement employer le mot. À première vue, on croit tous que la prostitution demeurera parce qu’elle existe depuis toujours. Le plaisir et la liberté qu’éprouverait celle qui se prostitue est d’une logique fallacieuse dure à contrer car l’aveu du contraire tuerait le mythe que recherche le client et pour lequel, justement, il paie. Les deux protagonistes sont liés par la parodie mensongère qu’ils mettent en scène.
Pour convaincre le mâle sceptique, je lui suggère, la prochaine fois qu’il initie une aventure du genre, de demander à la dame, qu’il croit excitée par lui et heureuse du moment, d’indiquer qu’il ne paiera pas pour l’acte attendu. La partenaire sera tout à coup moins volontaire.
L’audace de la Maison de Marthe – et sans doute, le film aussi – nous conduit à voir la prostitution tel un fléau, vil comme l’esclavage, combattu encore aujourd’hui jusqu’à son extinction parce que barbare et partant, opposé à ce qu’une civilisation doit être pour mériter de s’appeler ainsi.
Depuis la première ligne du blog d’aujourd’hui, j’ai parlé de femmes et des femmes. Peut-être aurais-je dû traiter des hommes, car l’homme qu’il faut traiter en bout de course. C’est plus fort que moi, le dernier mot sera féminin. Il sera le symbole d’une beauté qui sait se défendre en vertu de ses épines, et grâce à qui l’avenir de la prostitution pourrait ne pas être de sa couleur: Rose*.
*En référence à Rose Dufour, anthropologue, fondatrice de la Maison de Marthe, auteur de Je vous salue Marion, Carmen, Eddy… Le point zéro de la prostitution, Éditions MiltiMondes, 2004. (Également épouse de mon beau-père)
Les impatients
La berge sud de la Méditerranée est en pleine ébullition, pour ne pas dire en feu, sans mauvais jeu de mots. Le mouvement d’émancipation perce même l’Iran. Se rendra-t-il en Corée du Nord?
Tout est si relatif.
Là-bas, on veut jeter les bases d’une certaine démocratie, on se bat pour des droits acquis chez nous depuis une génération ou plus.
Ici on se plaint contre le redoux hâtif, la prière dans les conseils municipaux, le déneigement qui tarde, la blessure récurrente à Markov.
Dans une autre vie professionnelle, à la tête du Forum francophone des affaires, j’ai bourlingué d’une mission économique à l’autre dans ce qu’on appelle les tiers marchés. Ces Maghrébins, ces Moyens-Orientaux, ces Caribéens, que je les ai trouvés patients. Mot poli. En fait, je les ai souvent trouvés fatalistes. Je n’ai jamais fait la part des responsabilités entre l’effet du soleil qui leur tape dessus et qui leur ralentit le système versus des réflexes d’anciennes colonies, syndrome aussi appelé bureaucratie. À moins que la foi si vive en des forces contre lesquelles on ne doit s’opposer soit la source la plus imputable de cette impatience cousine de l’inertie…
C’était hier. Tout bascule à vitesse grand W (pour Web).
Qui vivra verra si les nouveaux affranchis, pompés à bloc et forts de leur jeunesse nombreuse, ne provoqueront pas une foule d’autres avancements au point de rejoindre nos standards de droits et de démocratie.
Il y a bien longtemps qu’on a pris la rue ici. C’est nous qui sommes rendus les patients et eux, les impatients. Faut dire qu’elles sont tellement confortables, nos pantoufles.
P.-S.: des petits comiques ont quand même osé ce mouvement virtuel:
De la parole verte à l’acte
Briseurs de rêves
L’étapisme libéral
Dites la vérité, toute…
Les victimes de Norbourg sont dédommagées, mais l’absence de procès parce que Vincent Lacroix a plaidé coupable porte ombrage à l’information publique. Les institutions fautives, ne serait-ce que par laxisme, s’en sortent avec une sorte d’amende…
Lente heure
Le temps ne passe pas à la même vitesse pour tous et partout. Une année et un jour aux allures d’éternité sont passés depuis que sur l’île d’Hispaniola, le 12 janvier l’an dernier, en moins d’une heure, la magnitude sept sur Richter était atteinte.
Avant le séisme, tout allait déjà mal en Haïti. C’était le pays le plus pauvre des Amériques, avec une population majoritairement analphabète, où les infrastructures routières étaient en si mauvais état que le transport du riz américain par bateau est plus facile que celui du riz local, pourtant de meilleure qualité et tellement plus productif pour l’économie du pays.
Maintenant que la capitale – qui est à la fois la métropole économique – est détruite aux deux-tiers et que trois des neuf millions de population sont déplacés et pour la plupart, parqués dans des camps, rien ne va s’amieuter, comme on dit dans ma région.
Malgré tout, on s’étonne ici de la lenteur des travaux de nettoyage et de reconstruction. On trouve aussi qu’ils prennent du temps à organiser leurs services de soins. On se demande où va l’argent qu’on leur a donné.
Quels donneurs de leçons on fait, nous, avec notre CHUM aussi vrai qu’un mirage, nos urgences d’hôpital mal foutues, notre financement de grands chantiers louche…
Bye Bye
Jamais on ne saura si la direction de Radio-Canada a choisi de ramener Véronique Cloutier et Louis Morrissette à la barre de l’émission de fin d’année plus pour laver son orgueil que pour faire suer le patron de Québécor avec lequel elle en arrache au Palais de justice. Laissons-les à leur lavage en public. Moi, s’il y a une race de monde que je ne peux tolérer et à qui j’aimerais dire Bye Bye, voire Adieu, c’est celle des amateurs de collusions.
Si je le pouvais, je contribuerais au financement du Bureau de la concurrence parmi les causes que je supporte.
Après les stations-services qui s’entendaient sur les prix à la pompe, l’organisme s’attaque avec raison aux entrepreneurs en construction qui contrôlent des marchés en faisant semblant d’organiser des parties golf. Puis cette semaine, c’était au tour des experts en ventilation de voir leurs ententes secrètes mises au jour.
Une telle attitude nuit à la réputation du monde des affaires et nous porte ombrage. Elle donne raison à ceux qui croient que la conspiration sévit partout. Pire, elle confirme ce que le penseur économique Adam Smith avançait au 18e siècle:
« Ceux qui partagent le même métier se réunissent rarement, même pour se divertir, mais leur conversation se fait inévitablement au détriment du public »
Note: Adam Smith, qui a vécu dans les années 1700, est considéré comme le père de l’école classique en économie.
Je souhaite à tous mes e-lecteurs un super Noël et un Jour de l’An merveilleux. Profitons-z-en pour méditer sur notre éthique commerciale…