Sans éclat. Aucun effort visible. Économe. Prudent. Tout ce qu’on n’attend pas de nos Olympiens cette semaine et la semaine prochaine, la performance de Jim Flaherty, ministre des Finances, l’a été, avec la présentation d’un dixième budget des plus plats.
Dois-je rappeler que le ministre n’a jamais prétendu être un athlète? Ni de vouloir jouer à la vedette.
C’est un père de famille. Un chef de ménage. Qui constate que de reporter le paiement d’une dette toujours sur les épaules de la prochaine génération n’est pas un geste solidaire ni logique.
Cette dette bouffe le tiers de notre produit intérieur brut. Elle nous alourdit. Nous écarte de tout podium, dans une optique de santé budgétaire.
L’AQMAT et ses quatre associations soeurs du reste du Canada (ABSDA, BSIA, LBMAO et WRLA) ont toujours demandé au palier fédéral et à nos gouvernements provinciaux de limiter l’augmentation des dépenses de programmes à des taux inférieurs à l’inflation. L’actuel gouvernement du Canada le comprend. Bravo!
J’applaudis donc au gel annoncé, pour deux autres années, des dépenses de fonctionnement des ministères. Un geste symbolique et nécessaire.
J’aurai l’air de paraphraser Félix Leclerc qui se plaisait à dire que les Québécois prennent plaisir à voir l’autre se casser le cou, mais disons que je ne pleurerai pas devant l’annonce de réduction des régimes de retraite et de soins de santé des fonctionnaires fédéraux, sans aucune mesure avec la situation de l’ensemble des travailleurs qu’emploient nos entreprises membres.
Je suis aussi heureux que le gouvernement comprenne que la création d’emplois durables doit passer par le secteur privé; à ceux qui espéreraient encore un État dit Providence, je dis oui, avec enthousiasme, si on parle de prestations à caractère social, mais je dis non s’il s’agit de perpétuer la vie d’entreprises boiteuses ou de patrons sans scrupule à coups de subventions. L’ensemble des employeurs ne cogne pas, la main tendue, à la porte du gouvernement. Comme aux J.O., une entreprise doit viser la victoire, mais pas au prix de bénéficier de conditions inéquitables.
Dans la même veine, l’annonce de la vente des actions que le gouvernement détient chez GM est heureuse. Comment être à la fois dans un camp et arbitre dans un marché, quel qu’il soit? Poser la question revenait à y répondre. La présence du gouvernement a accompagné GM au plus fort de la tourmente. La crise est résorbée. Laissons l’entreprise présider à sa propre destinée.
Ce qui me conduit à parler des écarts de prix inacceptables entre plusieurs biens vendus aux États-Unis par rapport à chez nous. J’encourage Ottawa à s’attaquer aux causes systémiques du phénomène qui a l’heur de faire passer nos marchands pour des voleurs.
Or, je m’inquiète quand je lis dans le discours gouvernemental de mardi dernier qu’on prévoit adopter des mesures législatives afin de sanctionner les entreprises qui imposent aux consommateurs des prix plus élevés qu’aux États-Unis pour les mêmes produits.
Il faudra veiller au grain pour s’assurer qu’on cible ici surtout les compagnies américaines et multinationales. Également, des actions de communication sont à prendre de la part du Conseil québécois du commerce de détail et son grand frère canadien pour sensilibiser le gouvernement au fait que les détaillants ne sont pas autonomes dans la fixation de ses prix de vente; les grands fournisseurs sont les maîtres du jeu. C’est à leur niveau que le gouvernement doit d’abord s’intéresser en étudiant de près les droits de douane, l’argument plus ou moins fallacieux de la petitesse relative du marché canadien ainsi que les normes de sécurité si souvent invoquées pour expliquer la disparité, alors que nos deux pays n’en forment pratiquement qu’un seul, du point de vue de la liberté de circulation des biens.
Enfin, l’État devra fourbir de dents le Bureau de la concurrence afin que les pénalités soient prises au sérieux par les entreprises délinquantes.
Le gouvernement reconnaît dans son document budgétaire que les coûts d’acceptation par les marchands canadiens des cartes de crédit comptent parmi les plus élevés au monde. Il lui reste cependant à agir pour mettre fin à ceci, comme l’ont fait plusieurs États, dont l’Australie, en imposant un plafond bas aux institutions financières, du fait que les marchands sont captifs et que prévaut une situation de duopole (mené par Visa et MasterCard).
Parlant de plafonnement, celui que le gouvernement entend imposer aux Bell et Rogers de ce monde pour discipliner les frais dit d’itinérance imposés aux consommateurs et aux entreprises, on s’en réjouit d’avance. Mon expression est peut-être mal choisie tant il y a des lustres que nous attendons que le fédéral mette le pied dans cet étrier. Je corrige mon exclamation: « on a plus que hâte de s’en réjouir! »
Le Conseil du patronat – et nous aussi – apprécie la mise sur pied du fonds appelé Apogée Canada afin d’appuyer la recherche. L’organisme espère qu’une juste part de l’enveloppe de 1,5 milliard sur dix ans allouée au fonds servira à encourager la recherche en entreprise, afin d’accroître la productivité, l’innovation et la commercialisation.
Les programmes de formation pilotés au Québec par la Commission des partenaires du marché du travail et Emploi-Québec fonctionnent plutôt bien. Donc on est heureux que des officiers du gouvernement, dans leurs commentaires suivant l’exposé du ministre et avant que soit décrétée la loi d’application de son budget, reconnaissent les qualités de notre système.
Parmi les rares nouveaux programmes d’aide annoncés, je souligne la mesure offerte aux apprentis oeuvrant dans un métier spécialisé désigné Sceau Rouge et qui aura droit à un prêt maximal de 4 000 $ pour une première formation technique. En cette ère où nos employeurs hésitent à perfectionner leur personnel, par peur de se les faire ensuite voler par la concurrence, l’approche est bonne. Car c’est l’employé qui investit en lui-même. Et cela, sous des conditions de remboursements analogues à celle d’un prêt étudiant.
De l’argent frais pour que ménages et entreprises en région passent à l’Internet haute vitesse (5 mégabits par seconde) est le bienvenu. Il reste à savoir ce que le gouvernement entend par « régions éloignées ».
On entend souvent parler de l’atteinte du déficit zéro, comme le zénith de la performance. Mais non. Ce n’est juste le premier pas vers le retour de surplus annuels qui, il faut l’exiger, soit 100 % réinvesti dans la réduction de la dette cumulée si lourde à porter par nous tous, et surtout par ceux qui nous suivront…