Quelle curieuse Fête des travailleurs que ce récent premier mai. En réalité, comment employer le mot fête alors qu’on sortait des décombres d’une usine délocalisée au Bangladesh plus de 400 innocents travailleurs à la suite d’un manquement aux normes les plus élémentaires de sécurité.
Plusieurs des multinationales qui profitent des coûts bas de la main-d’œuvre (salaires de 50 $ à 100 $ par mois) ont rapidement entrepris de verser des compensations, comme Joe Fresh, l’étiquette de vêtements de Loblaw. Le géant de l’alimentaire canadien a rappelé que ses fournisseurs ont déjà l’obligation de manufacturer des produits avec un souci de responsabilité sociale, mais a admis que leurs ententes ne couvraient pas la question de la légalité et de la sécurité des bâtiments.
Le Conseil canadien du commerce de détail a promptement annoncé l’actualisation de son guide des bonnes pratiques et la publication de matériel éducatif à l’intention de ses entreprises membres. Une vaste coalition d’associations semblables à l’échelle nord-américaine s’est créée dans le but d’établir de nouvelles normes de travail et de sécurité pour les usines au Bangladesh avec la collaboration du gouvernement local.
Mieux vaut tard que jamais. Car en face, ça s’organise. La manifestation réprimée le jour même par les forces policières montréalaises a exacerbé les sentiments anti mondialisation sauvage des Québécois les plus radicaux.
Et nous, où se situer ? Il faut courageusement choisir le camp du soutien aux usines d’ici et du coup, de leurs travailleurs.
Nos usines québécoises et canadiennes de fabrication d’articles de quincaillerie et de matériaux ne sont pas protégées. Elles doivent conjuguer avec le néolibéralisme qui conduit à la quête du plus petit coût de revient.
Le transfert des emplois et de la production constitue la pointe d’un iceberg important.
Les importations québécoises en provenance d’Asie sont passées de 6 % du total des importations en 1992 à environ 30 % en 2010. Conséquence : la fabrication de biens compte pour 15 % de l’ensemble des emplois au Québec, deux fois moins qu’avant l’ouverture tous azimuts des marchés.
Selon l’Economic Policy Institute, l’accentuation du déficit commercial des États-Unis envers la Chine entre les années 1997 et 2006 aurait empêché la création de 2,2 millions d’emplois chez nos voisins du Sud. L’Institut démontre que Walmart seule est responsable d’un manque à gagner de plus de 200 000 emplois pour l’économie américaine en raison de ses achats massifs en Chine.
Il ne s’agit pas tant de freiner les délocalisations directes, mais de comprendre que c’est l’ensemble du processus de libéralisation de l’économie et de recours aux externalisations en production qui «coûte» le plus d’emplois à notre économie.
Les États-Unis, dépeints comme les plus grands partisans du libre-échange, commencent néanmoins à instaurer des lois visant à protéger les emplois américains contre les risques de délocalisation. L’offensive d’achat local annoncé pour nos supermarchés il y a quelques jours s’inspire du fameux Buy American Act.
À quand le jour où l’AQMAT réussira à assoir à la même table tous les dirigeants de bannières pour promouvoir ENSEMBLE nos usines?
« Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé »
Lamartine