Aquadis, plus qu’un robinet qui fuit : un cas de responsabilité des quincailleries dans la qualité des produits vendus

On se souvient de ces fameux robinets de salle de bain de marque Aquadis fabriqués en Chine, vendus entre 2006 et 2010 pratiquement dans toutes les chaînes de quincaillerie. Ils présentaient un défaut de fabrication pouvant causer une fuite d’eau sous le robinet, donc un risque de dégât d’eau important.  Les produits ne sont plus disponibles et aucun rappel n’est possible puisque l’affaire, au départ bénigne, a pris une tournure délicate devant les tribunaux.

Déjà, fin septembre, on comptait plus de 1000 réclamations représentant une valeur autour de 23 millions de dollars, au dire de la firme Raymond Chabot, tuteur en quelque sorte des affaires de la société Aquadis en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers et les compagnies.

Il convient de rappeler que Aquadis International Inc. s’était placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies justement en réponse à une cascade de recours subrogatoires exercés par les assureurs de consommateurs ayant subi des dommages découlant de ce fameux modèle de robinet défectueux distribué au Québec.

Cet importateur avait déposé un plan d’arrangement, conforme à l’esprit de la Loi visant à éviter la faillite à une entreprise en difficulté, en vertu duquel les créanciers paieraient pour les dommages au pro rata de leur responsabilité alléguée en échange de quittances. 

Le pouvoir accordé au « contrôleur » Raymond Chabot dans le cas présent est non seulement justifié par des impératifs commerciaux ou pratiques, mais il se défend également d’un point de vue juridique, selon ce qu’a tranché la Cour d’appel du Québec. Notons qu’il s’agit, de l’avis même de la Cour, d’un premier précédent en jurisprudence canadienne sur la question.

Remontons l’histoire de ce robinet défectueux devenu saga judiciaire

C’est en juin 2015 qu’Aquadis, un importateur et distributeur de produits de salles de bains, entame des procédures légales de restructuration afin de suspendre les procédures intentées contre elle en raison de son rôle dans la chaîne d’approvisionnement de robinets affectés de défauts de fabrication. Aquadis est à l’époque visée par de nombreux recours d’assureurs qui, subrogés dans les droits de leurs assurés ayant subis des dommages causés par des robinets défectueux, tentent d’obtenir compensation de sa part.

En novembre 2016, la Cour supérieure du Québec rend une ordonnance autorisant un contrôleur pour superviser la restructuration d’Aquadis, en l’occurrence Raymond Chabot, lequel peut conclure des transactions et au besoin, entreprendre au nom des créanciers, principalement des assureurs, des procédures judiciaires contre toute personne ayant revendu ou installé les robinets défectueux. Personne à l’époque ne s’est objecté. Il faut dire que l’affaire est restée sous les radars.

Trois ans passent avant que ledit Contrôleur dépose un plan d’arrangement prévoyant notamment le mise en place d’un fonds regroupant les sommes récupérées par l’entremise des procédures qu’il intente. Ce qui nous intéresse ici, c’est que le plan prévoit que le Contrôleur pourra poursuivre les détaillants ayant vendu les robinets défectueux au nom des créanciers d’Aquadis. La Cour supérieure approuvera le plan supporté par les assureurs créanciers, ce malgré la contestation de détaillants.

C’est dans ce contexte qu’au printemps, nos détaillants se sont adressés, en vain, à la Cour d’appel.

La Cour a confirmé qu’un Contrôleur a le pouvoir d’agir dans le respect des objectifs de la Loi, c’est-à-dire le droit de poursuivre des tiers au nom des créanciers du fait que ces derniers, ont voté à l’unanimité en faveur du plan d’arrangement présenté, lequel incluait ce pouvoir du Contrôleur d’intenter des poursuites en leur nom.

L’AQMAT est d’avis que le statut de « partie prenante » des détaillants est douteux dans la mesure où les marchands ne se sont jamais identifiés comme des créanciers dans l’affaire. Du coup, on peut se demander comment ils peuvent être concernés par les procédures de restructuration d’Aquadis alors qu’ils avaient décidé de ne pas déposer de preuve de réclamation.

La Cour a jugé que les détaillants possédaient une connaissance suffisante des intentions d’Aquadis et du plan d’arrangement du Contrôleur, ayant reçu des mises en demeure de la part de ce dernier.

En date du 8 octobre, la division commerciale de la Cour Supérieure du Québec annonçait que le jugement du 4 juillet entrait en force puisque la Cour d’appel, le 21 mai, avait rejeté l’opposition des détaillants.

Cette reconnaissance par la Cour d’appel qu’un contrôleur peut exercer les droits des créanciers en vue de maximiser le patrimoine en vertu de la LACC est susceptible d’avoir une importance significative dans la pratique de l’insolvabilité. Dénouement qu’on voyait venir depuis le jugement de la Cour suprême du Canada du financement des litiges dans un contexte d’insolvabilité, dans l’affaire Bluberi.

Richard Darveau commente : « Je dis souvent aux quincailliers de s’intéresser plus à la qualité de la marchandise qu’ils proposent aux clients et de vérifier le sérieux des fabricants. Avec un cas comme celui-ci qui nous « pète tous dans la face », je leur recommande de remonter leur garde d’un cran quand il s’agit d’un importateur ».

Aquadis International Inc. a été fondée en 1993. L’entreprise importait et distribuait des équipements et des fournitures de plomberie et de chauffage, y compris des robinets. Aquadis a racheté les robinets d’un distributeur chinois, Gearex, qui les a, à son tour, acquis auprès d’un fabricant chinois, Jing Yudh Industrial Co. (JYIC). Les robinets achetés ont été revendus par Aquadis à diverses quincailleries du Québec, qui les ont, à leur tour, revendus aux consommateurs et aux entrepreneurs.

Que dire aux clients inquiétés?
L’AQMAT conseille aux quincailliers de dire à leurs clients la vérité : remplacez votre robinet rapidement afin de diminuer les risques de dommages, cela hélas sans aucune possibilité d’indemnisation ou de remboursement en raison de la situation de faillite technique du fabricant.

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