À propos de cet été meurtrier et de tout ce bois brûlé

Dans l’édition d’hier du quotidien La Tribune, un ingénieur forestier partageait son point de vue sur l’année 2023 catastrophique en raison des feux qui aura laissé des cicatrices non seulement sur la forêt québécoise, mais aussi sur l’économie des semaines et mois à venir. On lui laisse la parole.

Les feux de forêts défrayent les manchettes car ils ont lourdement affecté le patrimoine forestier au cours de la saison estivale 2023. Le directeur général de la SOPFEU, Éric Rousseau, faisait récemment le bilan des feux déclarant que l’année 2023 sera celle de tous les records: « La superficie brûlée est plus élevée que la somme des vingt dernières années de ce qui s’est brûlé au Québec ». La ministre des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF), Maïté Blanchette Vézina, reconnaissait alors qu’il faut améliorer la prévention et mieux aménager nos forêts, déclarant: « La saison 2023 aura laissé des cicatrices sur la forêt québécoise, on va tirer les leçons qui s’imposent et on va revoir nos pratiques d’aménagement ».

Mais à l’heure actuelle, certains secteurs incendiés présentent les caractéristiques permettant la récupération des bois brulés. Le feu 353 qui a ravagé environ 16 700 hectares de forêt cet été au nord du réservoir Pipmuacan est notamment un exemple éloquent. Rappelons qu’à la suite d’un incendie forestier, la période pour récupérer le bois est d’environ huit mois, au maximum un an et passé ce délai, le bois risque de ne plus avoir de valeur pour l’industrie forestière, en raison des dommages causés par un insecte, le longicorne.

À la suite d’une décision du MRNF à l’effet qu’aucune récolte de bois brûlé ne sera autorisée dans le feu 353 affectant un volume de bois commercial brut d’environ 460 000 m3, des intervenants forestier, tels Groupe Boisaco et l’Alliance forêt boréale ont décrié cette position: « S’il n’est pas possible de récolter ce qui est encore récupérable, cela devient une catastrophe pour nos communauté », affirme le président d’AFB et préfet de la MRC Domaine-du-Roy, M. Yanick Baillargeon.

Qu’en est-il du respect du développement durable?

Cette décision de ne pas récolter ce bois brûlé m’apparaît comme un non-sens au niveau du développement durable, me référant à l’aspect social concernant les communautés forestières, à l’environnement en lien avec la mise en valeur de la biodiversité ou encore des changements climatiques.

Alors que l’ONU souligne sans relâche que les concentrations de gaz à effet de serre ont battu des records en 2022, rappelons que lors de sa dégradation, le bois relâche du CO2 dans l’atmosphère, alors qu’il aurait pu être stocké dans divers matériaux. En effet, un m3 de bois séquestre une tonne d’équivalent CO2, le calcul des possibilités de stockage de carbone par la récupération de 350 000 m3 de bois parle de lui-même. Et que dire de l’aspect économique. Dans le cas du feu 353, sur les 16 700 hectares incendiés, 20 % environ de la superficie, soit 3500 hectares, sont récupérables. Cet aménagement se traduit par la récupération d’un volume d’environ 350 000 m3 de bois, une source de revenus directs et indirects substantielle et nécessaire pour le gouvernement et les communautés forestières.

Le premier ministre du Québec mentionnait récemment que l’on doive investir massivement dans cette foresterie en transition. De nombreuses voix d’experts s’élèvent pour affirmer que l’aménagement forestier est incontournable pour favoriser la résilience des forêts, tout en générant des retombées économiques indispensables pour les communautés forestières. Bien que la ministre Blanchette Vézina propose la réalisation, à l’hiver 2024, d’une démarche intitulée « Tables de réflexion sur l’avenir de la forêt » permettant d’élaborer une vision d’avenir partagée entre les divers intervenants et d’identifier des solutions d’adaptation, notamment aux changements climatiques pour assurer la pérennité du secteur forestier, les décisions gouvernementales actuelles doivent être conséquentes.

Gaston Déry, ingénieur forestier, C.M., C.Q.
Conseiller stratégique, développement durable et mise en valeur de la biodiversité

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