Depuis lundi soir, la politique canadienne a apparemment connu un grand changement. Quand j’écris apparemment, je réfère à l’image. La différence – ou le différend? – Québec-Canada demeure inchangé au fond.
À preuve, mathématiquement, nous avons encore voté à l’opposé du reste du pays.
– 77 % des sièges de députés au Québec sont devenus NPD alors que ce parti n’a gagné que 14 % des circonscriptions ailleurs au Canada.
– 8 % des comtés québécois sont détenus par des conservateurs, une performance en baisse, eux qui voient leur proportion grimper à 52 % dans les autres provinces.
Politiquement, le Québec a voté à gauche pendant que le reste du Canada se massait majoritairement à droite. En effet, si on exclut le parti libéral situé au centre de l’échiquier, les élus québécois du NPD et du Bloc représentent 91 % des comtés d’ici alors que les élus conservateurs occupent 60 % des circonscriptions ailleurs.
Philosophiquement, les positions se sont cristallisées. Tous partis confondus, les élus québécois s’opposent unanimement à la plupart des intentions avouées du parti Conservateur, telles le durcissement de la justice à l’égard des jeunes contrevenants, l’abolition du registre des armes ou du financement des partis politiques, sans oublier notre opposition à une commission coast-to-coast des valeurs mobilières et aux avantages accordées à l’industrie des énergies fossiles au détriment de nouveaux carburants plus propres.
En revanche, nos représentants au Fédéral appuieront des projets vertueux comme la baisse des impôts des entreprises créatrices d’emploi et le retour accéléré à l’équilibre des finances publiques. Mais pas à n’importe quel prix. L’écart des valeurs du Québec avec celles du reste du pays refera sans doute surface lors de « l’examen stratégique et structurel » promis par le PM pour trouver les 11 milliards $ à couper en trois ans.
Certains éditorialistes ont accusé les Québécois de voter en moutons. Mes fréquents déplacements dans l’ensemble canadien – incidemment, j’écris ce blogue à partir de Victoria, BC – me font revivre cette incompréhension du fait qu’au Québec, les droits collectifs prennent le dessus sur les droits individuels si chers au reste de l’Amérique du Nord. Notre société est tissée plus serrée, solidaire, donc plus syndiquée*; on y trouve des impôts plus élevés en raison de programmes sociaux plus généreux, etc.
Bref, on vote en nation, pas en moutons. Si bien que le Québec, depuis la dernière élection, se retrouve ni plus ni moins séparé qu’il l’était, malgré les couleurs changeantes de la carte électorale.
* 40 % de nos entreprises sont syndiquées alors que le taux est de 28 % dans les autres provinces.