RONA s’adresse au plus haut tribunal du pays pour éviter d’avoir à fournir une liste de ses clients commerciaux au fisc qui enquête sur l’évasion fiscale dans la construction.
La bannière en quincaillerie et matériaux de construction serait la seule dans son domaine à refuser d’aider le fisc et à contester la démarche de Revenu Canada en cour, selon ce qu’ont rapporté des médias. RONA a déjà perdu en Cour fédérale et en Cour d’appel fédérale. L’entreprise a déposé une demande d’autorisation d’appel en Cour suprême cet été.
L’AQMAT a déjà exposé sa position dans cette affaire : nous encourageons les marchands à prendre les recours qu’ils estiment nécessaires, tout comme nous appuyons tout autant la direction de RONA qui semble avoir de bonnes raisons de contester et qui agit de plein droit avec les lois.
L’AQMAT, par le biais de son président et chef de la direction, Richard Darveau, admet son étonnement de constater que les journalistes ont eu un accès libre à la liste précise des noms des marchands qui ont accepté de déposer leurs listes de clients. « Où est donc rendu le secret fiscal garantissant à chaque contribuable une parfaite confidentialité? », demande M. Darveau.
On peut d’ailleurs relire cette prise de position ICI.
Rappel des faits
Le fisc a déjà demandé à une vingtaine de quincailleries au Québec leur liste de clients. Avec cette liste, Revenu Canada veut vérifier notamment si les achats effectués par les clients commerciaux des quincailleries correspondent aux informations fournies dans leurs déclarations d’impôt. Par exemple, un entrepreneur qui a acheté pour des centaines de milliers de dollars de matériaux de construction, mais qui n’a déclaré que des miettes en revenus à risque de se faire poser des questions.
Rona conteste la demande du fisc parce que selon elle, l’objectif principal est «de lancer un message d’intimidation à l’industrie de la construction». Le fisc tente actuellement «de recueillir des preuves pour déposer des accusations de nature pénale» contre ses clients, dit-elle.
Un juge de la Cour fédérale a déterminé en octobre dernier que Revenu Canada avait le droit de réclamer à RONA une liste des particuliers et des entreprises qui ont un compte client chez lui.
Selon le jugement d’octobre, «les principes d’autodéclaration et d’autocotisation qui sont à la base de la loi de l’impôt […] nécessitent corollairement de larges pouvoirs de vérification d’enquête et d’inspection pour […] l’Agence du revenu du Canada». Revenu Canada a le «pouvoir de contraindre un contribuable à fournir tout “renseignement”», selon le juge Luc Martineau.
Et les autres bannières?
Plus de 20 quincailliers québécois, dont des magasins BMR et Patrick Morin, auraient déjà accepté de fournir la liste des particuliers et entreprises qui ont un compte client chez eux, précise le dossier de cour. Les renseignements obtenus jusqu’ici auraient permis de débusquer de nombreux mauvais payeurs fiscaux, selon les documents.
Le fisc dit avoir pu répertorier 6589 clients commerciaux de quincailleries. «De ce nombre, 1277 contribuables avaient omis de produire leur déclaration d’impôt pour au moins une année d’imposition sur la période s’échelonnant de 2008 à 2012», dit le fisc. Cela représente près de 20 % des clients commerciaux des quincailleries, d’après Revenu Canada. Un vérificateur du fisc a souligné dans une dénonciation que la construction résidentielle représente 28 % de toute l’économie clandestine au Canada.