L’industrie de la quincaillerie face aux tarifs et contre-tarifs douaniers : de l’inquiétude à l’adaptation forcée

Depuis hier matin, l’administration américaine a imposé des tarifs douaniers de 25 % sur la plupart des produits manufacturés canadiens. Une annonce qui frappe de plein fouet l’industrie de la quincaillerie, déjà confrontée à un ralentissement économique et à une crise du logement persistante.

En entrevue hier soir avec l’animateur Simon Philibert de l’émission « À vos affaires » sur les ondes de LCN/TVA, Richard Darveau a admis que bien que les tarifs et les contre-tarifs ne se reflètent pas encore sur les prix de vente, le consommateur semble psychologiquement atteint. Il a soutenu que seul un crédit à la rénovation peut le sortir de sa torpeur. Il a souligné que le moment est critique alors que le printemps, normalement le pic de l’année pour les quincailleries, va bientôt se pointer le nez.

Cliquez ici pour voir l’entrevue (à partir de la 13e minute). 

Un choc psychologique avant l’impact réel

« Pour l’instant, la réaction serait donc surtout psychologique. La clientèle est dubitative devant tant d’incertitude, tel un chevreuil devant les phares d’une voiture la nuit », a imagé M. Darveau en entrevue pour expliquer que les centres de rénovation sont anormalement désertés.

Les gestionnaires des quincailleries, incapables de prédire si la guerre commerciale perdurera, ne savent pas s’ils doivent embaucher le même nombre d’employés saisonniers. Ou moins. Ou plus.

Car tous les jeux sont sur la table.

Il se peut que les trois niveaux de gouvernement utilisent la construction comme fer de lance économique, du moins pour éviter la récession, en donnant le feu vert à tout plein de projets institutionnels présentement sur la glace.

Mais il se peut aussi qu’on entre en léthargie à cause d’un taux de chômage qui deviendrait inquiétant, et que la confiance tant des entreprises que des consommateurs tarde à être regagnée.

Le porte-parole de l’AQMAT, de concert avec les associations d’entrepreneurs en construction, se désole de voir les statistiques des mises en chantier, certes meilleures qu’il y a un, mais pas du tout à la hauteur pour pallier la pénurie de logements.

Nos manufacturiers ne sont pas moins anxieux, plusieurs ont de bonnes raisons de croire que plusieurs de leurs clients américains vont bouder leurs produits en raison des surtaxes.

Nos importateurs sont également mal à l’aise face à un surcroît de protectionnisme partout sur la planète.

Si les différents paliers de gouvernement ne réagissent pas rapidement, cette paralysie risque de durer. Lorsque l’effet des tarifs se répercutera sur les prix de détail, la situation pourrait devenir critique. D’autant plus qu’un autre nuage plane à l’horizon : les négociations des conventions collectives dans la construction, qui devraient aboutir à une augmentation salariale de 12 % dès la première année; on le saura dans quelques jours, semble-t-il que des accords de principe sont sur la table. 

Des mesures temporaires sont nécessaires

Face à cette tempête, des solutions doivent être mises en place sans tarder. À court terme, un crédit fiscal à la rénovation pourrait inciter les consommateurs à combattre leur torpeur.

Une dose nationaliste de bon escient consisterait à conditionner l’aide gouvernementale à l’utilisation de matériaux accrédités « Bien fait ici », garantissant ainsi un soutien direct aux fabricants locaux tout en assurant que les codes et normes de construction soient satisfaits, notamment sur le plan écoénergétique.

À ce sujet, il convient de rappeler que la quincaillerie jouit d’un atout: on peut trouver des produits québécois ou canadiens dans tous les départements; ailleurs, dans l’alimentation, la mode ou en pharmacie, l’importation est incontournable.

Un volet du subside gouvernemental devrait concerner les propriétaires de petits plex (duplex, triplex, etc.) afin qu’ils modernisent ce parc immobilier pris entre l’encadrement du prix des loyers et des bâtiments en mal d’amour plus que toute autre catégorie.

En parallèle, les promoteurs immobiliers doivent bénéficier de procédures accélérées pour lancer leurs projets. À l’image des allées réservées aux autobus, une voie rapide pour l’attribution des permis de rénover et de construire s’impose afin que la crise du logement ne s’aggrave pas inutilement sous le poids des lourdeurs administratives.

Et enfin, les concepteurs de projets institutionnels et leurs partenaires entrepreneurs sont anxieux dans l’attente qu’un feu vert soit donné à des centaines d’ouvrages en attente : écoles, établissements de santé, etc.

D’autres politiques plus structurantes

Au-delà des urgences, il y a lieu d’implémenter des politiques touchant des fondamentaux d’un bon capitalisme, dont des accompagnements et plus d’argent pour :

  • aider à la diversification des marchés à l’import et à l’export;
  • augmenter la productivité et la compétitivité;
  • dénicher des sous-traitants plus près;
  • convenir de co-entreprises ou d’alliances stratégiques avec une contrepartie américaine. 

Un avenir incertain, mais pas sans solutions

« Si la classe aisée saura toujours s’adapter, croit Richard Darveau, c’est la classe moyenne, qui représente 80 % des consommateurs, qui risque d’être la plus affectée. Devant la hausse du coût de la vie et les incertitudes économiques, la baisse des taux d’intérêt ne fait pas le poids et un sentiment d’inquiétude grandit. »

Darveau conclut : « La menace d’un voisin capable, sinon de nous envahir, du moins de nous étouffer économiquement, nous force à agir. Sans panique – car mauvaise conseillère – mais à agir. Et préférablement tous ensemble. Solidairement. »

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