Vendredi dernier, avec huit membres et quatre employés de l’AQMAT, on a procédé en quelque sorte à une synthèse des consultations de type « focus group » tenues dans le cadre de l’élaboration du plan stratégique 2025-2027 de l’association.
La sagesse de deux anciens présidents du conseil, de trois membres honoraires et d’un ambassadeur de l’AQMAT, jumelée à l’engagement de deux des commanditaires de ces activités, permet, selon les propres mots de Crystelle Cormier, cheffe de la direction, de « cristalliser nos intentions dans le sens décrit dans les dictionnaires : faire que quelque chose qui était diffus, inorganisé, imprécis devienne fort, cohérent, précis. »
Un marché qui change à vitesse grand V
Les échanges ont d’abord porté sur le marché qui est appelé à changer rapidement et auquel les quincailleries et les fabricants qui les approvisionnent devront s’adapter.
Parmi les changements à appréhender : les types de logement, en raison de la densification urbaine imposée et des tailles des ménages, donc plus de multiplex. Plus de produits abordables aussi afin de pouvoir soutenir les gens qui ont moins de pouvoir d’achat. Il y également la résistance des matériaux à améliorer pour mieux contrer divers cataclysmes. Il y a des techniques de construction à modifier pour mieux faire face aux inondations. Les assurances vont par ailleurs dicter la marche à suivre.
Face à cela, nos participants ont soufflé le chaud et le froid : certains considèrent nos acteurs trop campés dans leurs habitudes pour avoir l’agilité nécessaire afin d’actualiser leur offre de produits et services; d’autres sont confiants et prennent à témoin le fait que marchands, fabricants, distributeurs et bannières ont tous réussi à se réorganiser durant la pandémie.
Il a été mentionné la crainte que la tendance lourde à la préfabrication hors-chantier et à la construction modulaire ne glisse sous les pieds des centres de rénovation en tant que nouveaux marchés. Les cours à bois pourraient être court-circuitées en raison d’offres directes adressées aux consommateurs.
Les quincailleries de plus petite taille sont perçues comme plus vulnérables en raison de leur incapacité à se spécialiser, en d’autres mots, condamnées à remplir le rôle de magasin général d’où on sort avec des factures aux montants peu élevés.
Leur planche de salut pourrait être de s’allier, voire de fusionner avec d’autres magasins pour créer un pool financier et logistique mieux apte à développer des employés et des gammes de niche. À méditer…
Hors du contrôle des membres de l’AQMAT, la pénurie de main-d’œuvre dans la construction afin de relever le défi du déficit en logement tracasse nos participants. La capacité de payer des consommateurs aussi. On se sent pris au piège : on ne peut offrir les salaires que nos employés demandent tout en constatant leur difficulté à joindre les deux bouts.
Toute cette discussion est venue confirmer, aux yeux de Richard Darveau, président de l’AQMAT, la place cruciale de l’information jugée rigoureuse que l’association fournit à ses membres via son infolettre et son magazine.
Des ressources humaines en mal d’engagement et d’expérience
La seconde partie de la rencontre a logiquement mis l’accent sur les employés, plus particulièrement sur la difficulté, exprimée tant de la part des marchands que des fabricants, de compter sur du personnel fiable, connaissant et impliqué.
Plusieurs des participants sont affectés par la lourdeur que représente la gestion des exigences des employés au niveau des horaires, surtout les soirs et les week-ends, les demandes de congés, de promotions rapides, de titres, etc.
Les participants sont unanimes à souhaiter que l’AQMAT les aide à briser la perception que c’est trop dur de travailler en quincaillerie, que ce n’est pas payant, qu’on n’y fait pas carrière. Dans une telle optique, ils accueillent avec enthousiasme de poursuivre chaque année une semaine thématique de la quincaillerie axée sur la possibilité d’y trouver des emplois gratifiants dans des environnements qualifiés d’utiles et de stables.
Tous ont appuyé le projet de courtiser les jeunes retraités. Un projet audacieux a même été lancé séance tenante en marge d’une campagne de publicité mettant en vedette des employés heureux d’un certain âge : une caravane visitant des résidences de personnes âgées encore autonomes et autres lieux fréquentés par cette clientèle afin d’en convaincre d’être actifs dans leur quincaillerie locale. Comment? En les conduisant dans des centres de rénovation partenaires de l’opération, le tout prenant la forme d’une grande tournée de « portes ouvertes ».
En parallèle, les efforts de M. Darveau devront être poursuivis auprès du ministre des Finances et de la présidente du Conseil du Trésor afin d’améliorer la fiscalité des travailleurs âgés et de leurs employeurs pour que les deux parties jouissent de conditions gagnant-gagnant.
Quant aux jeunes, dont la présence est également nécessaire pour injecter du sang neuf dans notre marché, le projet de Diplôme d’études professionnelles (DEP) en matériaux a reçu l’appui des participants. On parle ici d’une formation de 900 heures échelonnée sur deux ans et ponctuée de stages. L’objectif serait de former des commis experts, capables de bien conseiller les clients sur l’utilisation et la mise en œuvre du bois et des autres matériaux, répondant ainsi aux exigences particulières du secteur de la quincaillerie. Mme Cormier a précisé qu’il s’agit d’un projet à long terme pour obtenir les appuis du ministère de l’Éducation, mais qui vaut la chandelle…
Les participants à la table ronde ont tous acquiescé devant le fait que trouver des développeurs de marché auprès des professionnels de l’habitation n’était pas chose facile, ce à quoi Mme Cormier a promis de considérer un volet « ventes aux pros » dans le certificat offert aux conseillers-vendeurs par le Collège AQMAT.
Une formation en achat serait également bienvenue tout comme l’idée d’un certificat pour gestionnaires de magasin, deux projets soutenus tout autant par les autres tables rondes.
Deux autres pistes à explorer afin de pallier le manque de main-d’œuvre : l’automatisation des tâches répétitives sans valeur ajoutée et l’immigration. Pour le premier point, l’AQMAT pourrait inventorier une série de gestes en magasin qui pourraient profiter d’un apport technologique. Le second point devra patienter étant donné que toute la question de l’immigration est présentement sur la glace tant à Québec, à Ottawa qu’à Washington.
Autres projets soumis par l’AQMAT
Accompagnements : Le service d’accompagnement en vente et acquisition de magasins et d’usines ainsi que celui de soutien à la relève ont été présentés aux participants qui, pour la plupart, les méconnaissaient, d’où l’obligation pour l’équipe de l’AQMAT de mieux les mettre en marché.
Tableau de bord : Le projet baptisé Périscope, lequel se veut un tableau de bord prédictif pour aider à la prise de décision surtout en matière d’achats et de main-d’œuvre, a reçu l’appréciation des participants dans la mesure où on ne s’éparpille pas. Exit donc l’idée initiale d’y regrouper une foule de données à la faveur de quelques champs spécifiques touchant directement les ventes et les salaires.
Assurances : l’AQMAT ne profite pas assez de la force ou du poids de ses membres pour réellement offrir des prestations mutualisées, donc moins chères et plus personnalisées. C’est notamment le cas en matière d’assurances collectives et de prévention des accidents de travail. Promesse est donc faite de réviser les ententes de partenariats de l’AQMAT.
Vols et fraudes : Idem, le partage d’information et de dénonciation pour juguler ce double fléau est de mise. Une solution peu coûteuse : un groupe privé sur Facebook. La piste sera investiguée.
Salon d’achats/Meet the Buyer: organiser en parallèle des salons des bannières notre propre événement est jugé contre-productif. Mettre sur pied des rencontres entre acheteurs de bannières et fournisseurs aussi.
En revanche, un événement où les fournisseurs, connus ou nouveaux dans le marché, exposent et « pitchent » leurs innovations, voire leurs prototypes, trouverait le bonheur des marchands et des acheteurs des groupements. La permanence va donc plancher sur un nouveau concept. Parmi les idées lancées spontanément :
- enrichir le « salon » de quelques conférences bien ciblées sur les tendances du marché et les préoccupations de notre industrie;
- faire voter les visiteurs sur leurs présentations et leurs produits préférés;
- puisqu’il n’y aurait pas de vente sur place, ouvrir les portes de l’événement aux entrepreneurs, aux architectes, etc.;
- créer des espaces intimes où des négociations peuvent s’amorcer entre intéressés;
- mettre sur un piédestal les produits accrédités « Bien fait ici »
- présenter aussi des technologies révolutionnaires aptes à modifier la gestion des magasins ou des usines.
Code de bonnes pratiques : dernier, mais non le moindre des sujets au menu de cette ultime table ronde, l’inexorable code volontaire qui, de congrès en congrès, et plus encore depuis les travaux faits en la matière par nos homologues du secteur de l’épicerie.
« C’est sorti comme un cri du cœur », témoigne Richard Darveau. Tous veulent que les groupements et les fournisseurs modifient leur comportement afin d’adopter une posture de partenaire plutôt qu’une approche purement transactionnelle, souvent amendée par de nombreux gestes unilatéraux.
L’objectif de la démarche de médiation serait d’adopter des politiques contractuelles cadres où, par exemple, il est stipulé qu’aucun changement à une entente ne peut survenir si les deux parties ne sont pas consultées et d’accord.
Blaguant plus ou moins, M. Darveau a lancé : « Une chance qu’il s’agit d’un plan triennal, car on aura vraiment besoin de ces trois années pour arriver à un accord ».
Condition préalable : obtenir l’appui du gouvernement du Québec afin d’officialiser toute la démarche et compter sur des ressources pour mener des études et des enquêtes conférant une base scientifique au projet de code de bonnes pratiques.
De cette discussion des plus animées ont découlé deux idées audacieuses :
- adopter un Prix de détail suggéré du manufacturier (PDSM) comme c’est le cas notamment en automobile et stipulant qu’aucun magasin ne peut proposer un produit au détail en bas de ce PDSM;
- créer un système centralisé des codes-barres de tous les produits de l’industrie afin de cesser les duplicata des demandes des bannières.
La rencontre s’est conclue dans la joie et la satisfaction devant la qualité des échanges en petits groupes confidentiels comme cette table ronde. Ce à quoi la cheffe de la direction a promis d’en créer régulièrement à partir de 2025, elle-même constatant à quel point de tels environnements sont propices à l’avancement des dossiers délicats parce qu’ils sont plus conviviaux, favorisent la communication authentique et en boni, créent des occasions de réseautage. On peut donc s’attendre à ce que le plan 2025-2027 intègre des réunions en petits groupes avec la participation des ambassadeurs régionaux de l’AQMAT.
Il a aussi été mentionné que la concertation autour de certains enjeux communs avec des représentants d’autres associations patronales du secteur de l’habitation éviterait de réfléchir en silo.