Le projet de loi visant à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public : offensif ou inoffensif?

Le ministre du Travail, Jean Boulet, a déposé mercredi à l’Assemblée nationale le projet de loi nº 76, Loi visant principalement à accroître la qualité de la construction et la sécurité du public. Un titre ronflant qui accouchera peut-être d’une musaraigne.

Concrètement, le texte énonce entre autres l’obligation pour les entrepreneurs de faire inspecter leurs travaux à au moins trois étapes charnières de la construction. Des inspections déterminées par un plan de surveillance du chantier. Les entrepreneurs devront aussi obtenir une attestation de conformité au Code de construction ou aux normes de construction adoptées par une municipalité.

Le projet de loi permettra aussi notamment d’imposer une formation initiale obligatoire comme condition préalable à l’obtention d’une licence d’entrepreneur et de mettre en place un régime de sanctions administratives pécuniaires.

La proposition législative s’ajoute à la réforme de la loi R-20 au sujet du décloisonnement des métiers de la construction et de la mobilité souhaitée des travailleurs. « On veut construire mieux » affirme le ministre qui soutient avec raison « qu’en améliorant la qualité de la construction au Québec, nous éviterons de nombreux drames humains tout en favorisant la durabilité de notre patrimoine bâti ».

Les associations d’entrepreneurs sont toutes tellement unanimes à saluer le projet de loi qu’il y a lieu de se demander si le gouvernement fourbit à la société assez d’outils pour atteindre les objectifs de qualité et de sécurité visés.

On sent aussi que les « contracteurs » entendent faire des représentations pour démontrer que plus d’inspections pourraient être synonymes de délais de construction plus longs et de coûts plus élevés, deux variables que tout un chacun trouve déjà inacceptables.

Réagissant à chaud, Richard Darveau, président de l’AQMAT, s’étonne de la lenteur du projet de M. Boulet qui prévoit que le premier règlement devant implémenter les nouvelles mesures ne sera présenté par la Régie du bâtiment que deux ans après la sanction de la loi.

M. Darveau n’apprécie pas non plus le flou entourant les étapes dites charnières. « Le législateur ne précise pas les catégories de bâtiments visées, ni la nature des équipements et des installations et travaux devant faire l’objet d’inspections. »

Le porte-parole de l’AQMAT se serait aussi attendu à ce que le ministre Boulet joigne l’acte à sa parole de mieux protéger les acheteurs de copropriétés divises qui ne bénéficient d’aucun plan de garantie obligatoire, lesquels demeurent à la merci des dispositions du Code civil du Québec pour les malfaçons et les pertes d’ouvrage.

En revanche, l’AQMAT salue la volonté de mieux encadrer la licence de constructeur-propriétaire tout comme la présence d’articles dans le projet de loi pour combattre le travail sans licence ou sans la licence appropriée; les amendes prévues pourraient décourager ceux qui voudraient contourner la loi.

Autre point positif, l’accès à la médiation lorsqu’un différend relatif au plan de garantie obligatoire survient entre consommateur et entrepreneur.

Enfin, la mention dans le Registre des détenteurs de licences de la RBQ de l’adhésion d’une entreprise de construction à un plan de garantie obligatoire influencera les consommateurs à l’égard des « contracteurs » qui se montrent plus responsables.

L’AQMAT poursuivra son analyse du projet de loi et prendra part aux consultations particulières d’ici la fin du mois d’octobre.

Pour sa part, l’Ordre des ingénieurs du Québec, qui demande depuis longtemps l’instauration de mécanismes obligatoires de surveillance des travaux de construction, soulève déjà trois questions dont nous partageons la pertinence :

  • il s’inquiète de la possibilité que la barre ne soit pas assez haute et que l’exécution des travaux ne fasse pas l’objet d’un contrôle suffisant de la qualité;
  • il s’indigne que, contrairement au reste du Canada, les chantiers ne soient tenus qu’à respecter le Code de construction et les règlements municipaux au lieu de devoir aussi respecter les concepts des professionnels qui les ont créés;
  • il se demande si les donneurs d’ouvrage ne seront pas tentés de se rabattre sur les normes minimales qui seront adoptées au lieu d’une surveillance plus complète et plus consciencieuse.

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