« Omettre la crise de l’habitation est une irresponsabilité budgétaire » – Richard Darveau, président de l’AQMAT

C’est en termes durs que l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), par la voix de son président, Richard Darveau, juge le budget 2024-2025 présenté hier par le ministre des Finances du Québec.

Aucune somme supplémentaire pour la construction de nouvelles unités de logements sociaux et communautaires.

Pas d’exemption de taxes sur les nouvelles constructions de multilogements alors que notre éternel concurrent, l’Ontario, de même que la plupart des autres législations provinciales, viennent d’imiter le fédéral, ce qui incitera les constructeurs de maisons à s’activer ailleurs que sur notre territoire.

Aucun nouveau programme stimulant la rénovation.

Aucune mesure pour réduire le coût trop élevé des hypothèques.

Certes, le Plan québécois des infrastructures est enrichi de 150 millions sur quatre ans pour la rénovation d’habitations à loyer modique et près de 100 millions pour la rénovation de logements sociaux, mais selon tous les observateurs, il s’agit d’une goutte d’eau face à l’ampleur de la crise.

Et pourtant, un sondage SOM-Le Soleil révélait mardi que neuf Québécois sur dix souhaitaient que le gouvernement du Québec fasse du logement une priorité d’investissement importante ou très importante. La construction de nouveaux logements était considérée comme impérative et urgente aux yeux d’une majorité de répondants.

Plus scientifiquement, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime qu’il faut construire environ 150 000 logements par année d’ici 2030 au Québec pour rétablir l’abordabilité du marché immobilier résidentiel.

« Je me souviens d’avoir vanté le retour au conseil des ministres d’un portefeuille réel en habitation. Je déchante aujourd’hui, constatant que France-Élaine Duranceau n’a pas su défendre la filière habitation auprès de ses collègues et du premier ministre », constate amèrement Richard Darveau.

« Le logement représente pourtant le plus grand enjeu à la fois social, économique et financier auquel notre société est confrontée », poursuit M. Darveau qui insiste : « Quand le bâtiment va, tout va » n’est pas juste une expression. Ne pas avoir accès à la propriété, ne pas disposer d’un logement abordable ou décent, pire, ne pas avoir de toit du tout comme nous le montrent tristement les statistiques grimpantes de l’itinérance qui atteint aujourd’hui toutes les régions du Québec, c’est un drame socio-économique pour les gens touchés, c’est une perte incroyable pour les milliers d’entreprises qui fabriquent, distribuent et vendent des matériaux ainsi que pour les dizaines de milliers d’ouvriers dans la rénovation et la construction, et c’est un manque à gagner pour l’État qui se voit ainsi privé de revenus ».

Positions des partis

Le député libéral Frédéric Beauchemin, porte-parole du parti Libéral du Québec en matière de finances : « Le gouvernement Legault avait la chance de relancer la productivité et la construction résidentielle en retirant la TVQ sur les matériaux de construction et en offrant une aide financière aux municipalités qui, par exemple, auraient atteint certaines cibles d’émission de permis de construction. Or, encore une fois, il passe à côté de ces objectifs ».

 

Le député Haroun Bouazzi, porte-parole de Québec solidaire en matière d’économie : « Le plus grand déficit dans ce budget, c’est l’habitation. Face à une crise du logement aussi sévère, le milieu communautaire et l’opposition auraient voulu voir le gouvernement du Québec accélérer la cadence. »

 

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois (PQ), « se désole du manque de mesures budgétaires pour favoriser l’accès à la propriété. »

 

Positions des observateurs socio-économiques

Paul Cardinal, directeur du service économique, Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) : « Ne pas exempter la taxe représente un rendez-vous manqué pour rééquilibrer l’offre et la demande de logements. Le gouvernement n’est pas allé de l’avant, et ce, malgré le fait que toutes les provinces canadiennes, ainsi que le fédéral, ont appliqué cette mesure structurante. Malheureusement, on fait bande à part. »

L’Association de la construction du Québec (ACQ) est « consciente des conditions économiques difficiles dans lesquelles le budget 2024-2025 a été écrit, mais ne peut que constater le peu d’aide envers le secteur de la construction afin de répondre aux besoins grandissants des Québécois. De plus, le budget ne contient rien pour favoriser la construction de nouvelles unités de logement ni pour contrer les retards de paiement des donneurs d’ouvrage publics, qui représentent un coût annuel d’environ 1 G$ pour les entreprises de construction. »

L’ACQ rappelle avec à-propos que dans son budget 2022-2023, le gouvernement du Québec s’était engagé à mettre fin aux délais de paiement pour les entreprises de construction, ce qui aurait redonné près de 1 G$ annuellement aux entreprises de construction et à l’économie québécoise. « Deux ans plus tard, force est de constater que rien n’a été fait en ce sens. Or, dans les conditions économiques actuelles, le Québec aurait tout à gagner d’encadrer les délais de paiement aux entreprises de construction, afin qu’elles puissent investir ces sommes pour se moderniser et améliorer leur productivité. »

Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CcMm) : « La crise du logement frappe fort, à Montréal comme partout au Québec, en raison du déséquilibre entre l’offre et la demande d’habitation. Cette situation risque même de s’aggraver à court terme en raison de la forte baisse des mises en chantier. La Chambre a demandé au ministre de prévoir des budgets additionnels pour financer les infrastructures municipales nécessaires pour amorcer des projets majeurs de construction résidentielle, notamment pour le redéveloppement de secteurs stratégiques tels que l’hippodrome et Bridge-Bonaventure. À défaut de retrouver ces sommes dans le budget d’aujourd’hui, il faudra examiner cette question d’ici l’automne prochain ».

Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) exprime « sa déception à l’égard du budget 2024-2025 du Québec. Malheureusement, malgré les efforts et les recommandations répétées de MEQ pour stimuler la productivité et soutenir la main-d’œuvre, le budget comporte peu de mesures d’impacts pour répondre à ces défis. »

MEQ avait préconisé plusieurs mesures visant à stimuler la productivité, notamment en rehaussant le taux du crédit d’impôt C3i et en bonifiant les crédits d’impôts à la recherche et développement. L’augmentation de la productivité est cruciale pour la compétitivité de notre économie et, aujourd’hui, MEQ ne peut que souligner le manque de mesures concrètes dans le contexte économique actuel.

Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) : « Les besoins sont pourtant connus et les sommes actuellement prévues sont clairement insuffisantes pour y répondre ».

Comme le titrait justement Le Soleil : « En pleine crise, l’habitation attendra ». Le quotidien avance que « L’année 2024 ne sera vraisemblablement pas celle du logement, même si le contexte de crise, lié à la rareté et à l’explosion du coût des loyers, l’aurait bien commandé. »

Le ministre Eric Girard a donc choisi d’attendre que le taux directeur de la Banque du Canada descende plutôt que d’abolir la TVQ. Aux yeux de l’AQMAT, l’un n’empêchait pas l’autre : « Certes, l’argument-massue demeure la baisse des taux hypothécaires, mais l’exemption des deux taxes, pas seulement de la TPS, aurait selon moi convaincu nombre de promoteurs immobiliers d’amorcer la construction de multilogements locatifs au Québec. »

Tout comme les autres observateurs de l’industrie, l’AQMAT reporte ses espoirs sur le budget fédéral dévoilé le 16 avril ainsi que sur un soi-disant plan d’action en habitation promis par la ministre France-Élaine Duranceau.

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