La vérificatrice générale juge que les licences d’entrepreneur ne rassurent pas assez

Les réactions au rapport de la vérificatrice générale du Québec donnent à penser qu’il y a place, beaucoup de place à l’amélioration à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) qui, légalement parlant, doit prendre les moyens pour que tout entrepreneur obtienne une licence moyennant la démonstration non seulement de ses connaissances, mais aussi de sa probité et de sa solvabilité.

Ce que dénonce en premier Guylaine Leclerc, c’est le manque de rigueur des examens d’obtention pour une licence d’entrepreneur : les candidats connaîtraient d’avance plusieurs des questions qui sont pratiquement les mêmes depuis 2008.

Le trop peu d’inspections in situ est aussi soulevé comme un problème par la vérificatrice. Il semble qu’en trois ans, seulement 7 % des quelque 20 000 entrepreneurs généraux et 12 % des quelque 13 000 entrepreneurs spécialisés aient reçu la visite de la RBQ sur un de leurs chantiers.

Parmi les autres failles soulevées dans le rapport, il y a les montants des cautionnements ne protègeraient pas adéquatement les consommateurs lésés pour les dédommager en totalité. Mme Leclerc juge aussi trop court le temps nécessaire pour déceler un vice de construction.

Enfin, la vérificatrice générale est d’avis qu’il y a nonchalance quant à la vérification des antécédents des entrepreneurs candidats pour une licence, laxisme au moment des renouvellements lorsqu’un entrepreneur présente un nombre élevé de non-conformités et insuffisance de moyens pour contrer le travail effectué sans licence.

Bref, la stratégie et les moyens de mise en œuvre sont jugés insuffisants par la vérificatrice pour qu’une licence soit le gage qu’on attend d’un tel instrument, révèle son rapport déposé avant-hier à l’Assemblée nationale.

Interviewé par La Presse+, Marc-André Harnois, directeur général de l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC) s’avoue consterné. Voici sa réaction à chaud :

« Quand on voit de l’intérieur ce que la RBQ est supposée vérifier pour l’octroi des licences, qu’elle a même conclu des ententes avec différents organismes du gouvernement pour avoir accès aux informations et que dans l’essentiel des cas, le VG vient dire que la RBQ ne fait pas la vérification… Voyons donc ! Ça n’a pas de bon sens de travailler comme ça. »

Marc-André Harnois, directeur général de ACQC

La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) accueille les recommandations avec philosophie. Sa direction dit apprécier « ce regard externe sur ses pratiques d’affaires qui lui confirme qu’elle est sur la bonne voie avec les importants projets qu’elle a entrepris.

Michel Beaudoin, président-directeur général de la RBQ

« Les constats soulevés dans le rapport du VGQ sont en adéquation avec les enjeux sur lesquels nous concentrons nos efforts. – Michel Beaudoin, président-directeur général de la RBQ 

Dans La Presse+, le dirigeant de l’ACQC réplique : « On n’a pas lu le même rapport, parce que moi, ce que je lis, c’est un rapport consternant qui dit page après page que la RBQ ne remplit pas son mandat, ne respecte pas la Loi sur le bâtiment. »

Richard Darveau qualifie la position de la direction de la RBQ de défensive. « On est en droit de s’attendre à ce que la Régie prenne acte des critiques et annonce un « task force » d’urgence pour corriger les différentes lacunes mises au jour », affirme le président et chef de la direction de l’AQMAT.

On sait qu’un contingent supplémentaire d’inspecteurs s’en vient sur le terrain et qu’une formation continue sera enfin obligatoire à partir du printemps 2022 pour tous les licenciés, mais il faut le clamer afin de rassurer toutes les parties prenantes qu’on a conscience des problèmes et qu’on s’y attaque.

M.Darveau est particulièrement choqué d’avoir lu dans les médias que la RBQ est relaxe sur la vérification des antécédents parce que, dit son porte-parole Sylvain Lamothe, il n’y a pas de problèmes « dans 95 à 98 % des cas ».

« Devons-nous rappeler à la RBQ que c’est justement le comportement d’une poignée d’entrepreneurs malhonnêtes qui a forcé la tenue de la Commission Charbonneau? Idem pour la classe politique où de rares pommes pourries ont donné l’occasion de mettre tous les députés et ministres dans un même panier. »

Du côté des associations d’entrepreneurs, on appuie l’approche de la RBQ visant à ne pas alourdir la paperasse étouffante leurs membres. Il est vrai qu’un trop-plein de bureaucratie constitue le meilleur moyen d’encourager le travail sous la table.

Réaction électrique de la CMEQ

Pour sa part, la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ) n’y va pas avec le revers de la main pour affirmer que « Les Québécois payent pour l’inspection des travaux d’électricité que la RBQ ne fait pas! ».

En fait, la CMEQ considère que la vérificatrice générale du Québec confirme ce qu’elle même dénonce depuis plusieurs années : les consommateurs payent pour l’inspection des travaux d’électricité que la RBQ ne fait pas. La qualité des travaux de construction et la protection du public ne peuvent être assurées que par un processus d’inspection des travaux d’électricité efficace et efficient.

 Simon Bussière, directeur général et vice-président exécutif, CMEQ 

« En 2019-2020, c’est 23 millions de dollars qui ont été versés en cotisations par les entrepreneurs électriciens à la RBQ pour l’inspection des travaux d’électricité, alors que l’analyse de la VGQ révèle que moins de 4,1 millions de dollars ont été dépensés pour l’ensemble des activités liées à l’électricité, dont les inspections. » -Simon Bussière, directeur général de la CMEQ

Autrement dit, les entrepreneurs en électricité auraient financé près de six fois les dépenses liées aux activités qui les concernent.

« Nous pensons qu’il est possible de revoir le système d’inspection des travaux de nature électrique pour que tous les entrepreneurs soient inspectés » de dire M. Bussière.

Comment? La CMEQ propose son propre système d’inspection qui pourrait couvrir 100 % des travaux des maîtres électriciens à des coûts significativement moins élevés pour les Québécois. Une idée à suivre…

Ingénieurs à la rescousse

L’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) offre quant à elle son soutien pour améliorer les mesures dans le but de protéger davantage le public québécois.

L’OIQ partage la préoccupation de la vérificatrice générale en ce qui a trait à la qualité des constructions et note que, même si des progrès ont été accomplis ces dernières années, il reste encore du travail à faire pour renforcer une « culture de la qualité » en construction au Québec.

« En rendant la surveillance des chantiers obligatoire par le biais de la production d’attestations de conformité, par exemple, le gouvernement du Québec pourrait renforcer la protection du public, soutient la présidente de l’OIQ, Kathy Baig qui précise que de telles mesures existent déjà dans les grandes provinces canadiennes.

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