Ne plus se débarrasser des débris de gypse dans la nature

L’AQMAT est commise sur la question de l’économie circulaire, elle en avait d’ailleurs fait un des thèmes majeurs de son dernier congrès, le 3 novembre. Or, voilà que le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques envisage de responsabiliser fabricants, distributeurs et centres de rénovation afin de solutionner un problème majeur: l’enfouissement difficile des débris de gypse et la participation de ce matériau à la réputation de gaspilleuse que traîne notre industrie.

Il se consomme annuellement environ 500 000 tonnes de gypse au Québec. De cette quantité, moins de 5 % sont recyclées et agglomérés à des sous-produits qu’utilise l’industrie agricole. À l’évidence, c’est trop peu.

En parallèle, entre 45 et 70 000 tonnes resteront vierges sous forme de retailles et surplus de chantiers. Une toute petite partie de ces feuilles seront reprises par les centres de rénovation, mais à vrai dire, le plus souvent, même s’il s’agit de matériel jamais utilisé, elles prendront le chemin des conteneurs de débris sur les chantiers et une fois pêle-mêle, perdront de leur valeur…

Une quantité trois fois plus grande encore de gypse sera retirée des murs lors de rénovations ou de démolitions, ce qu’on appelle la post-consommation, pour ensuite se retrouver soit dans les écocentres, soit dans la nature, car il faut savoir que ce matériau est un mal-aimé des écocentres. Semble-t-il que, par réaction chimique, des odeurs nauséabondes s’en dégagent, ce qui ne donne pas bonne bouche aux écocentres et génère des plaintes des utilisateurs.

C’est pourquoi, avec le Regroupement des récupérateurs et des recycleurs de matériaux de construction et de démolition du Québec (3RMCDQ) et l’étroite collaboration de Recyc-Québec, une séance d’information a été organisée (virtuellement) jeudi dernier. Y participaient, outre Richard Darveau de l’AQMAT, des représentants de Home Depot et Lowe’s, des distributeurs comme Garon et Lefebvre Benoit ainsi que des fabricants comme Cabot, CertainTeed et CGC. Plusieurs associations d’entrepreneurs généraux et spécialisés ainsi que des représentants de la fonction publique ou du cabinet du ministre Benoit Charette y étaient aussi.

En entrevue avec le Journal de Montréal, le président et chef de la direction de l’AQMAT n’a pas caché que la facturation d’écofrais, en soi, sans n’avoir rien contre, n’est pas perçue comme la solution au problème. « C’est possiblement un moyen à explorer, mais la vraie fin consiste à réduire la consommation de certains matériaux, encourager leur réemploi et a fortiori, s’investir dans des solutions de fin de vie autres que l’enfouissement. »

« L’industrie des matériaux est désireuse de se comporter en agent de changement », affirme M. Darveau, et « souhaite agir concrètement pour que manufacturiers, distributeurs et détaillants, face à l’environnement, s’impliquent autrement qu’en acquittant leur conscience avec le paiement de pénalités ou de droits ».

Qu’est-ce que la REP

La responsabilité élargie des producteurs (REP) est un principe qui consiste à transférer aux entreprises qui mettent sur le marché certains produits, ce qui inclut toute la chaîne d’approvisionnement, à partir du fabricant au détaillant et en passant par les distributeurs, la responsabilité de la récupération et la valorisation de ces produits à la fin de leur vie utile.

Le principe est encadré par le Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises, lequel s’applique déjà aux produits électroniques, aux piles et batteries, aux lampes au mercure, aux peintures, aux huiles et antigels ainsi qu’aux gros appareils ménagers.

Le ministère évalue la possibilité d’étendre la portée du règlement à de nouveaux produits, parmi lesquels figurent pour le moment les panneaux de gypse, mais bientôt aussi les revêtements de toiture.

Le gypse est-il recyclable à grande échelle?

Plusieurs tenants de la cause écologique soutiennent que le gypse est recyclable à l’infini. « C’est la gestion inadéquate pour le recycler à la fin de sa première vie qui nous amène à lui conférer le titre de cancre de la classe, mais des solutions existent », s’exclame Gilles Bernardin, président de 3R MCDQ. Cet organisme a d’ailleurs produit une vidéo qui montre, en moins de cinq minutes, à quel point les matériaux de construction polluent après leur première vie utile, mais expose aussi plusieurs débouchés relevant de l’économie circulaire.

Une étude commandée par Recyc-Québec à la firme Deloitte en février 2018 nous informe qu’en France, les industriels du plâtre se sont engagés volontairement dès 2008 à développer une filière de recyclage des produits à base de plâtre en fin de vie.

Une charte nationale de gestion des déchets de plâtre a ainsi abouti à la mise en place d’un maillage national de collecteurs sur le territoire métropolitain et à une augmentation significative des tonnages recyclés de déchets externes de plâtre, de 10 000 tonnes en 2008 à 66 000 tonnes en 2014.

Chaque fabricant de gypse en France s’est ainsi engagé à désigner un interlocuteur unique et à participer à des projets avec les autres acteurs de la chaîne de valeur afin de développer une collaboration constructive.

Concrètement, les fabricants présents sur le territoire français ont mis en place trois centres de recyclage à proximité de leurs usines qui acceptent les déchets de plâtre/gypse selon un cahier des charges technique. Captant les résidus de gypse dans un rayon maximum de 500 kilomètres environ, le maillage collecteurs-fabricants permet de couvrir pratiquement tout le territoire métropolitain.

Pour les acteurs de la filière française, les intérêts sont multiples :

  • les fabricants maitrisent la qualité des produits réinjectés dans leur procédé de fabrication, que ce soit via le cahier des charges de la matière acceptée et via les technologies utilisées dans leurs centres de recyclage;
  • le système est souple et économiquement rentable, car chacun des acteurs reste dans son domaine d’expertise (par exemple : les fabricants n’ont pas à gérer la logistique de collecte);
  • les collecteurs trouvent un débouché permettant de rentabiliser financièrement le ramassage du gypse sur les chantiers;
  • ils démontrent leur engagement actif envers les objectifs nationaux de recyclage (entre autres : valoriser 70% des résidus de chantiers d’ici 2020) avant que le gouvernement ne légifère et mette en place des mesures contraignantes telles qu’une taxe ou une REP.

Avant de recycler: réutiliser

Mais bien en amont au recyclage, une solution tellement plus simple pend au bout de nos nez et s’appelle le tri à la source en vue de réutiliser le gypse pour les usages pour lesquels il a été créé.

Le sujet a été effleuré au Congrès des Décideurs de l’AQMAT dans le cadre des discussions sur les enjeux écologiques. Une vidéo de mise en contexte improvisée par le porte-parole de l’AQMAT avait d’ailleurs servi de déclenchement au débat. Cliquer ici pour la voir ou la revoir.

Forte d’une résolution appuyée par 89 % des délégués au Congrès, la direction de l’AQMAT entend proposer au ministère une approche plus globale de récupération des restants de chantiers de construction résidentiels et non seulement des retailles de gypse. La motion se lit comme suit: « Appuyez-vous un projet-pilote que déposerait l’AQMAT au MELCC en vue de créer des espaces de vente de matériaux neufs provenant de surplus de chantiers de construction? »

« Nous sommes d’avis que notre apport devrait d’abord prendre la forme d’un mouvement collectif de récupération à la source des matériaux vierges à destination des lieux qui nous semblent les plus naturels pour les écouler, soit les centres de rénovation », lance M. Darveau qui précise que pour être rentable, pareille opération ne devrait pas se limiter aux retailles de gypse.

« Quant à la problématique du gypse post-consommation, donc déjà utilisé, la direction de l’AQMAT comprend le problème et entend aider toutes les parties prenantes pour qu’augmente le taux de recyclage et partant, que soient améliorées en nombre et en capacité les usines et autres installations où de telles opérations sont possibles.

La quantité de gypse qui devient des rebuts annuellement au Québec est estimée à 200 000 tonnes. Ce tonnage est constitué de débris de retailles de panneaux provenant de chantiers de constructions neuves d’une part et des débris de panneaux provenant de chantiers de rénovation et de démolition, donc des panneaux déjà installés.

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2 comments on “Ne plus se débarrasser des débris de gypse dans la nature

  1. Lortie et Martin Ltée on

    Je vient de terminer une construction dans laquelle il y avait 7348pc de gypse livré…. C’est moi qui fait le ménage apres que les poseurs sont passé ! 20% a 25% de scraps que j’ai jeté dans le container …. Les poseurs sont payés au 1000 pieds… Ils se fichent pas mal d’utiliser les retailles!

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