La pandémie – et avant elle, le blocus ferroviaire – a révélé de grandes failles au chapitre de l’approvisionnement. L’industrie québécoise de la quincaillerie et des matériaux est plus vulnérable qu’on le croyait. Nos ventes et notre capital réputationnel s’en trouvent affectés.
En clair, nous ne sommes pas assez agiles ni indépendants pour faire face à la recrudescence de certaines demandes. Notre offre locale est déficiente. Nous sommes à la merci de la Chine dans plusieurs filières.
Cette même crise sanitaire a aussi un côté salutaire. Elle a éveillé les pouvoirs publics qui se montrent plus qu’intéressés à donner l’exemple et l’impulsion.
Et l’AQMAT entend faire profiter ses membres d’une telle occasion historique. « Once in a lifetime », comme disent les Anglais.
C’est pourquoi j’ai lancé deux ou trois affirmations-choc au premier ministre François Legault, à qui je m’adressais ce matin (19 juin 2020), par le biais d’une activité réservée aux membres du conseil d’administration du Conseil du patronat du Québec.
Je lui ai d’abord dit qu’il y a un enjeu de taille. Je parle ici de la taille de nos entreprises manufacturières, laquelle ne permet pas toujours d’être invité à de grands appels d’offres publics. Monsieur Legault a montré beaucoup d’intérêt à l’idée de fractionner par lots les appels d’offres publics afin de donner une chance égale aux petites et moyennes entreprises d’ici de gagner des marchés domestiques.
Sans révéler mes sources, mais elles se reconnaîtront ici et je les remercie, j’ai donné au premier ministre des cas patents où des instances gouvernementales spécifient même des marques étrangères, proposées par des entreprises américaines totalement absentes du territoire ici, mais qui ont l’avantage d’être plus connues que celles de nos joueurs. De telles situations ne doivent plus se répéter.
A contrario devrait prévaloir un certain préjugé favorable, inspiré du fameux Buy American Act adopté aux États-Unis dès 1933, et repris depuis sous différentes appellations sous Reagan, Obama et Trump.
Bien libellée, une loi pourrait être votée par l’Assemblée nationale, respectant toute entente de commerce international, si elle excluait l’octroi de subventions. On pourrait y stipuler qu’à un rapport qualité et prix égal ou inférieur, le produit fabriqué ici serait préféré par les achats du gouvernement, incluant ceux des sociétés d’État, des organismes parapublics, des municipalités et de tout corps largement financé par l’argent public.
J’ai ensuite affirmé à Monsieur Legault que nous allions lui démontrer deux choses d’ici la fin de l’été.
D’une part, qu’il existe des centaines d’articles de quincaillerie et de matériaux de construction qu’on fait venir de Chine ou d’ailleurs, mais qu’on pourrait produire au Québec ou dans des provinces voisines. Pour y parvenir, les mots-clés sont : soutien à l’innovation, au maillage interentreprises pour identifier des sous-traitants et des partenaires, positionnement de l’État comme premier acheteur intéressé.
D’autre part, j’ai affirmé de manière un peu présomptueuse et politique, mais le contexte s’y prêtait, que nous allons démontrer concrètement qu’on peut bâtir une maison complète avec des produits de qualité fabriqués ici et à un prix compétitif.
Évidemment, pour que la comparaison tienne la route, il faut que l’hypothèse repose non seulement sur la question du prix d’achat des matériaux et de leur pose, mais aussi sur des notions de beau et de bon. C’est-à-dire qu’on entend démontrer que si on souhaite construire une résidence qui dure et qui se distingue par ses qualités esthétiques, le prix final global, incluant l’utilisation de cette maison sur 30 ans, sera tout à fait comparable.
Mais ce qui ne sera pas comparable, ce sera l’effet d’entraînement économique sur les municipalités qui peuplent nos régions et où tentent de se débrouiller nombre de petites et moyennes entreprises manufacturières. Acheter Chinois est une transaction qui rapporte à l’une des deux parties alors qu’acheter local génère des impacts structurants que nous entendons chiffrer.
Je mentionne que la veille, c’est-à-dire hier, lors d’une tribune semblable sur Zoom, mais cette fois avec le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, comme vis-à-vis, j’avais précisé les mêmes enjeux, fourni les mêmes pistes de solutions.
Aujourd’hui, les membres manufacturiers reçoivent donc ma promesse que cet été, on va travailler dans leur intérêt plus que jamais.
Nous allons commencer la semaine prochaine par documenter leur état de santé en cette ère de crise sanitaire.
Reçoivent-ils des gestes de solidarité de la part de la direction des bannières alors qu’ils peinent à livrer dans les temps contractuels signés avant la COVID-19?
Ont-ils encore des difficultés à compter sur une main-d’œuvre disponible et commise, voire est-ce que la crise a accentué leur pénurie d’employés? Si oui, quelles sont les pistes de solution à ce problème assaillant?
Puis nous allons les inviter à un grand remue-méninges sur les avantages d’une plateforme de type « market place » où la vente virtuelle serait possible, mais la cueillette se ferait en quincaillerie afin de continuer d’entretenir leur réseau de points de vente physiques.
Et enfin, nous allons passer en revue les centres de rénovation, rayon par rayon, pour identifier des substitutions possibles à des produits importés et provoquer des occasions de sous-traitance et de maillage.
Vaste programme parce que vaste problème.
On ne va certainement pas laisser passer l’occasion que nous offre la présente crise!