C’est devenu un secret de Polichinelle, les médias s’en rendent aussi compte : les quincailleries et centres de rénovation sont victimes de leurs succès. L’approvisionnement dans la marchandise saisonnière et importée est retardé par un véritable bouquet d’éléments qui convergent vers une cause : la COVID-19.
D’abord, il y a eu l’incertitude. Pendant quelques semaines qui ont semblé une éternité, en mars, un mois-charnière où quincailleries et centres de rénovation passent normalement beaucoup de commandes, on ignorait si nos commerces allaient pouvoir ouvrir alors que le gouvernement envoyait des messages de mise en parenthèses de toute activité commerciale.
On connaît le dénouement : les quincailleries et centres de rénovation ont été considérés au Québec comme commerces essentiels. Et là, ça a été l’engouement. Le consommateur a renoué par la force avec les joies du cocooning, du bricolage, de la réno, puis du jardinage.
Le boum a provoqué des croissances de chiffres d’affaires, de factures moyennes, de taux de conversion, c’est-à-dire que le nombre de personnes qui entrent en magasin pour en ressortir avec un achat a frôlé les 100 %.
Tout ceci a fait fondre sous les rayons du soleil naissant la marchandise disponible dans plusieurs départements liés à la vie sur la terrasse et dans la cour; par exemple, l’ameublement d’extérieur, les BBQ, la construction et la rénovation d’aménagements de vie recluse, mais agréable.
C’est d’abord dans le saisonnier qu’on constate notre grave dépendance envers les contrées asiatiques qui, avec la Chine en tête, avaient beaucoup de pain sur la planche du coronavirus avant de pouvoir reprendre les livraisons de produits vers le marché nord-américain. On veut tous encourager la production domestique, et plusieurs initiatives pointent en ce sens, mais le consommateur qui veut un parasol, il le veut tout de suite, pas en août.
Le regain du « Do-It–Yourself » a également eu pour effet que la disponibilité de plusieurs produits forestiers, notamment le bois traité, s’est évanouie ou a été proposée à des prix fous.
Soulignons à ce chapitre que la productivité dans les moulins à scie, dans les séchoirs et dans l’ensemble des usines en aval pour la transformation secondaire et tertiaire des produits consommables continue d’être ralentie par les mesures d’hygiène et de distanciation qui demeureront sans doute appliquées pour longtemps encore.
L’importance qu’a prise le commerce électronique a aussi contribué à vider les inventaires pour certaines marchandises et surtout, à générer la congestion du transport par camion, une industrie freinée par la disponibilité des véhicules et de la main-d’œuvre.
Pour tous les facteurs évoqués, le « taux de service » dans notre industrie tourne autour de 80 % alors que le seuil de satisfaction est fixé à 95 %. Je parle ici du pourcentage d’exactitude qualitative et quantitative de la marchandise qu’une quincaillerie reçoit précisément et au jour prévu qu’elle l’attend. « Du jamais vu depuis les 25 ans que je suis dans l’industrie! », confie un joueur-clé qui préfère l’anonymat.
Autre phénomène « jamais vu », c’est le nombre croissant de marchands qui supplient leurs concurrents de fermer le dimanche, car ils veulent aussi accéder à une pause, même que de plus en plus de magasins ferment dès midi le samedi tant leurs troupes sont lasses.
Terminons sur trois notes optimistes.
Premièrement, les marchands font de bonnes affaires, malgré les frais imputables à la gestion sanitaire.
Deuxièmement, les retards de livraison devraient être résorbés d’ici la fin juillet et la situation reviendra à la normale, si ce mot m’est encore permis.
Enfin, notre monde a compris la nécessité de s’ouvrir au e-commerce ainsi qu’à d’autres technologies facilitant les relations clients et fournisseurs.