Le bermuda à l’usine de Saint-Apollinaire de Jeld-Wen en cour de justice

Bien qu’il fasse plutôt froid, l’AQMAT, confiante que le printemps reviendra, ose parler de bermuda avec cette question de mode ou juridique : peut-on forcer un employé à porter le pantalon long?

Voici l’affaire entre la direction de l’usine de Jeld-Wen à Saint-Apollinaire sur la rive-sud de Québec et son syndicat.

Comme on le sait, l’employeur exploite une usine de portes et fenêtres. Il a décidé d’appliquer ici aux salariés syndiqués une politique vestimentaire imposée par le siège social américain de l’entreprise. Celle-ci interdit généralement le port du bermuda et impose celui du pantalon.

Il s’agit d’une situation où la santé et la sécurité du travail sont invoquées par l’employeur dans le but de valider un nouveau règlement d’entreprise.

Le syndicat a contesté la validité de cette politique en déposant un grief.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une disposition de la convention applicable aux salariés de cette usine permet le port du bermuda.

La clause de la convention prévoit toutefois que l’employeur peut mettre fin à cette pratique « dans tous les cas où la santé ou la sécurité l’exigent ».

La permission donnée aux salariés de porter des pantalons de type bermuda existe depuis au moins le milieu des années 1990. Elle s’appliquait aux personnes qui travaillaient à l’époque pour la compagnie Donat Flamand, alors représentées par une autre association de salariés.

L’usine dans laquelle s’effectuent les activités de fabrication des portes et fenêtres n’est pas climatisée. On comprendra que le port du bermuda est particulièrement d’actualité durant les périodes de chaleur estivale. Elle est cependant dotée de ventilateurs.

Par ailleurs, le port d’un dossard « haute visibilité » est imposé à toute personne qui doit circuler entre les différents secteurs de l’usine. La compagnie soutient que l’imposition du pantalon long, et donc l’interdiction générale du bermuda ou du pantalon dit « cargo » fait partie de ce déploiement graduel des mesures de sécurité qui fait écho à l’importance grandissante qui est accordée tant au niveau de l’usine qu’à l’échelle de toute la compagnie.

Devant le tribunal, Jeld-Wen a produit différents tableaux dont un dresse l’inventaire des incidents, mineurs ou non, survenus depuis 2014 concernant les membres inférieurs, l’autre qui relève des exemples d’accidents plus sérieux en lien avec des coupures, lacérations et ponctions. L’un des sept événements rapportés date de l’année 1976 et six d’entre eux concernent des parties du corps (main, doigt, cuisse, bras) autres que le bas de la jambe.

On a aussi souligné que la visite de l’usine a démontré l’existence de risques de lacérations ou de brûlures si une partie de la jambe demeure exposée.

Il est indéniable que si le bas de la jambe est exposé, il y a potentiellement un risque plus élevé de blessure si une personne s’accroche sur une des pièces de matériel en aluminium ou en PVC qui sont déposées, ici et là, sur des chariots.

La visite des lieux démontre cependant que ce risque n’est pas plus élevé, au contraire, que ne peut l’être un contact de l’avant-bras ou de la tête avec des pièces semblables. Le port d’un pantalon de type bermuda, capri ou cargo n’apparaît pas plus risqué, en soi, que celui du chandail à manche courte.

Décision de l’arbitre de griefs : respecter la convention collective

L’arbitre de griefs souligne d’abord que c’est la convention elle-même qui accorde un droit aux salariés.

Selon lui, puisque la convention collective permet aux salariés d’une usine de porter le bermuda, à moins d’enjeux reliés à la santé et à la sécurité du travail, l’employeur devait démontrer que les lieux d’exécution du travail, les occasions ou encore les circonstances présentaient des risques et rendaient nécessaires l’imposition du pantalon. Or, il n’a pas fait cette preuve.

Par contre, l’arbitre cite des exemples illustrant des cas où la santé et la sécurité du travail rendent nécessaire le port de vêtements.

Il note ceci: « Des mesures particularisées ont été prises pour prévenir des accidents. C’est le cas des personnes qui doivent manipuler des vitres thermos: elles doivent porter des manchettes de Kevlar pour éviter des coupures aux bras. Dans certaines circonstances, les salariés doivent aussi revêtir un tablier pour les protéger »

L’arbitre conclut en disant que c’est l’interdiction générale faite à l’ensemble du personnel de l’usine, alors que plusieurs travailleurs ne sont pas exposés aux risques décrits et que la motivation de ce règlement relève d’une question esthétique, qui rend le règlement invalide.

Le port du pantalon au travail: question de sécurité ou d’esthétique?

Enfin, l’arbitre note que la nouvelle exigence de port du pantalon avait trait dans une large part à des préoccupations de nature esthétique plutôt que sécuritaire.

Il ajoute que le fait que l’entreprise ait intégré cette directive sur le port du pantalon, notamment dans une politique qui traite de questions relatives à la sécurité du travail, ne transforme pas cette exigence en une règle conforme à la convention collective.

À retenir : l’employeur doit rédiger des règlements qui respectent la convention collective et dont les exigences sont précises et reliées aux objectifs raisonnables poursuivis.

Source :

Syndicat international des peintres et métiers connexes, vitriers et travailleurs du verre, section locale 1135 et Jeld-Wen du Canada inc. (grief syndical), (T.A., 2019-07-04), 2019 QCTA 333, SOQUIJ AZ-51609076, 2019EXPT-1468.

La politique de Jeld-Wen prévoit des permissions et des interdictions. Ce qui a été critiqué par les travailleurs concerne uniquement les shorts et les bermudas. Notons que dans l’usine, les leggings, les pantalons de pyjama et les pantalons avec des trous demeurent interdits. La mesure s’applique aussi aux travailleurs de bureau qui doivent traverses dans l’usine.

Jeld-Wen applique pour la protection des pieds des standards ASTM qui, eux n’ont pas été remis en question par le syndicat ni par la cour.

 

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