LE BLOGUE DE RICHARD
Le gouvernement libéral en préparation électorale courtise les plus grandes cohortes de voteurs. Les locataires qui aspirent à devenir proprios sont effectivement nombreux. Entre 5000 et 8000 Québécois devraient se montrer intéressés à acquérir une première maison, charmés par un prêt de 5 à 10 % de la SCHL et par un accès à leur RAP augmenté à 35 000 $ pour contribuer à la mise de fonds.
Beau présage pour les constructeurs de maisons neuves. Remarquez, le ratio propriétaires/locataires n’a rien de problématique quand on se compare aux 36 pays de l’OCDE.
En effet, les propriétaires au Québec comptent pour 61,3 % des occupants et ce taux grimpe à 67,8 % pour l’ensemble canadien.
Au total à l’OCDE, le Canada inclus, le taux oscille autour de 50 % depuis des années.
Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, on compte pour 63 % de propriétaires. La France est à 58 %. L’Allemagne à 43 %. La Suisse à 40 %.
Bonne nouvelle aussi pour les agents vendeurs de propriétés usagées.
Il se transigeait entre 500 000 et 550 000 maisons entre 2015 et 2017. Depuis, il s’en vend autour de 450 000 par année.
Mais pour nous, quincailliers et fabricants de matériaux, rien d’ensoleillé ni de nuageux dans l’annonce budgétaire du ministre des Finances du Canada.
Du fait qu’il y aura plus de proprios et moins de locataires, plus de maisons qui changent de mains, ne changent pas grand-chose au quotidien de nos commerces et de nos usines. Car nos affaires reposent autant sur les rénovations que les constructions, autant sur le neuf que l’existant, autant sur les travaux faits par des consommateurs que des entrepreneurs.
Comme on dit, toute chose étant égale par ailleurs, on peut bien féliciter nos amis « contracteurs » et les agents immobiliers qu’on connaît, de vrais enjeux demeurent en habitation.
Quels sont-ils ?
Au premier chef, l’endettement.
Petit à petit, pernicieusement, subtilement, le crédit gruge des parts du budget de dépenser du public.
À coups de prêts hypothécaires normaux à rembourser sur lesquels viendront s’ajouter le remboursement d’un prêt garanti par la SCHL et le rapatriement des sommes empruntées dans son propre REÉR, ça va commencer à être lourd pour certains.
S’ajoutera une augmentation des mensualités en raison de la hausse inévitable des taux d’intérêts, lesquels devraient se stabiliser, selon tous les observateurs, autour de 3,5 à 5 % d’ici peu de temps.
L’endettement total des ménages (dettes hypothécaires sur la résidence principale, la maison de villégiature, dettes de consommation comprenant des soldes de cartes de crédit et des marges de crédit personnelles, des factures impayées, y compris parfois les impôts) va nous affecter, selon moi, de manière bien plus lourde de conséquences que vont nous profiter les conditions favorisant l’accès à la propriété annoncées par le gouvernement libéral.
La dette des ménages canadiens de plus de 2 000 milliards de dollars est constituée à 75 % de prêts hypothécaires.
Ce qui est ironique, c’est de constater que la clientèle que prétend vouloir aider l’État fédéral avec ces mesures est déjà celle où l’on constate le niveau d’endettement le plus élevé, soit les jeunes familles avec enfants. De fait, plus de 60 % de la dette des ménages était imputable aux moins de 45 ans, et près de la moitié aux couples avec enfants.
Au deuxième chef de nos préoccupations arrive l’état des logements.
Le budget fédéral ne contient aucune mesure pour aider les propriétaires de logements à moderniser leur patrimoine bâti.
Il s’en suit une dégradation des bâtiments résidentiels qui finissent par céder face à l’attraction des maisons neuves.
Notre économie, notre société et notre planète gagneraient pourtant à ne construire de nouvelles maisons que lorsqu’il y a un manque d’espace pour loger tout le monde. Ce n’est pas ce qui se produit.
On délaisse plutôt que d’améliorer l’existant. On abandonne plutôt que d’approcher l’habitation avec des vertus de constance et de durabilité. On recommence à zéro.
Or, plus les propriétés des villes-centres du Québec se videront, plus la congestion routière augmentera avec les pertes de productivité et de qualité de vie qu’une telle escalade génère.
Le recours au crédit et le goût du neuf sont certes indispensables à un train de vie moderne. L’aspiration d’accéder à la propriété est légitime et fait partie de notre culture, d’autant que les prix des logements montent généralement plus vite que le revenu.
En revanche, un endettement élevé et un développement non contrôlé de nos agglomérations peuvent cependant rendre à la fois les citoyens et la vie socio-économique vulnérables : un trop fort désir d’accéder à la propriété, combiné à la hausse des prix hypothécaires ne peuvent que faire accroître l’endettement des ménages et nuire, à terme, à leur capacité d’acheter dans nos quincailleries et ailleurs.
Richard Darveau,
Président et chef de la direction, AQMAT