Un ex employé du Groupe Anctil coupable d’avoir enfreint des règles de confidentialité et de non-concurrence

Un juge de la Cour supérieure, l’honorable Sylvain Provencher, vient de condamner un ex-employé de la division Environnement Anctil du Groupe Anctil, en Estrie, à la suite d’accusations d’avoir subtilisé des listes de clients, de fournisseurs et de prix à son employeur, pour en faire profiter son nouvel employeur, un concurrent direct d’Environnement Anctil dans la région.

La division spécialisée en traitement des eaux usées, Environnement Anctil, située à Granby, dessert depuis plusieurs années les excavateurs, les municipalités, les entrepreneurs en construction, les propriétaires de ferme etc. Il s’agit d’une des seules entreprises en Estrie et Montérégie à posséder des ententes exclusives avec chacune des technologies éprouvées en traitements des eaux usées au Québec.

La responsable du dossier au Groupe Anctil, Nathalie Dupont, directrice de la division Environnement Anctil (photo), se dit satisfaite de la décision de la Cour.

« Nous sommes satisfaits des motifs et des conclusions de la décision rendue en notre faveur. La subtilisation d’informations confidentielles contrevenait a l’obligation de loyauté de notre ancien employé. La décision a très bien mis en lumière la complicité de notre ancien employé avec un compétiteur pour mettre la main sur nos informations confidentielles pour ensuite négocier une liste de prix compétitifs auprès de fournisseurs et ainsi nous concurrencer de façon déloyale. L’intervention des tribunaux était nécessaire pour protéger notre entreprise et faire cesser les actes déloyaux. Nous espérons que ce jugement servira d’exemple pour dissuader des entreprises d’agir de la sorte. »

Rappel des faits

Stéphane Raymond a été à l’emploi de Groupe Anctil, Division environnement, de 2008 à 2011, puis du 12 mai 2014 au 15 février 2017, où il était notamment conseiller aux ventes. Dans le cadre de cette fonction, il avait accès à la liste des clients et fournisseurs, à leurs coordonnées de même qu’aux prix auxquels des produits étaient achetés et vendus.

À l’été 2016, il soumet sa candidature au Centre Jardin St-Césaire, mais l’entreprise n’a pas besoin de recruter de personnel. Elle le relance au début de 2017, souhaitant embaucher une ressource pour développer le créneau de la vente et la distribution de produits et systèmes de traitement des eaux usées, de drainage, d’aqueduc et de ponceaux.

Les patrons de la compagnie césairoise rencontrent M. Raymond à deux reprises, soit le 7 et le 9 février. Celui-ci se montre extrêmement intéressé par l’offre d’emploi et, le lendemain, communique à son futur employeur des documents et informations en lien avec les fournisseurs, clients et produits vendus par Groupe Anctil.

Trois jours plus tard, M. Raymond prend plusieurs captures d’écran de l’ordinateur de la compagnie à l’aide de son téléphone cellulaire ; il transfère ensuite les images dans son ordinateur personnel.

Le 15 février 2017, pendant qu’il est seul sur le plancher du magasin, M. Raymond avise son employeur par téléphone qu’il démissionne et quitte le commerce immédiatement. Il travaillera pour l’entreprise concurrente à compter du 19 février. Prise de court, l’ancienne patronne de M. Raymond prend charge de ses tâches.

Au début du mois de mai, elle découvre que M. Raymond aurait subtilisé des informations de l’entreprise. « Notamment, elle obtient une copie de prix de Centre Jardin St-Césaire pour la saison 2017 dont la présentation est similaire à celle de Groupe Anctil, en plus de contenir des codes de produits développés spécifiquement par Anctil, pour ses propres besoins », peut-on lire dans le jugement.

Cela, en plus de bandes-vidéo montrant Stéphane Raymond copiant des informations confidentielles, mène à la saisie de certains documents qui prouvent que le Centre Jardin St-Césaire avait obtenu les renseignements de son concurrent par l’entremise de l’employé.

Un tribunal interdit alors au travailleur et son nouvel employeur de solliciter certains clients et fournisseurs ainsi que de leur vendre, distribuer ou fournir des produits et systèmes dans le domaine du traitement des eaux usées, du drainage, de l’aqueduc et des ponceaux.

Un geste « planifié », croit le juge
Dans son analyse, le magistrat n’adhère pas au discours de M. Raymond et de Drainage Ostiguy à savoir qu’aucun usage n’a été fait des informations subtilisées et que Centre Jardin St-Césaire n’en a pas bénéficié.

« Il savait ce qu’il faisait, l’avait planifié. […] Il est difficile de croire M. Raymond lorsqu’il affirme ne pas s’être servi de cette information lorsqu’il communique avec les fournisseurs, alors que son objectif est d’obtenir le meilleur prix coûtant et de concurrencer Groupe Anctil », relève le juge Provencher.

Durant son témoignage, l’employé a affirmé ne pas s’expliquer son geste, encore aujourd’hui.

Du patron de Centre Jardin St-Césaire, le juge écrira qu’il est « un homme d’affaires aguerri, curieux, fonceur et stratège. […] Il sollicite nul autre que l’homme clé de son compétiteur », c’est pourquoi l’homme de loi n’adhère pas non plus à la thèse qu’il n’a pas bénéficié des informations rapatriées par M. Raymond.

Un jugement un peu décevant sur le plan financier
À titre de dommages, le juge a condamné Stéphane Raymond à verser la somme de 4560 $ à son ancien employeur, ce qui représente les six semaines de salaire qu’il aurait touchées s’il avait donné un délai de congé jugé raisonnable par la Cour. 
Le juge Provencher a également condamné M. Raymond, et son nouvel employeur à payer solidairement un montant de 15 000 $ correspondant aux troubles, inconvénients et honoraires extrajudiciaires engendrés par la situation, de même que des frais de 28 722 $ pour l’embauche d’autres spécialistes impliqués dans l’affaire.

La somme totale de 48 282 $ est tout de même inférieure aux indemnités totalisant 169 213 $ que Groupe Anctil réclamait initialement pour la perte de productivité de ses ressources, le remboursement des honoraires d’un enquêteur privé, d’avocats superviseurs et d’informaticiens. Mais l’effet dissuasif que ce jugement pourrait avoir sur d’autres personnes tentées d’agir de la même façon n’est certainement pas à négliger, croit Nathalie Dupont.

« Voilà une histoire qui peut survenir partout dans nos commerces et que d’autres propriétaires ont certainement vécu », indique le président et chef de la direction de l’AQMAT, Richard Darveau. « La vigilance est toujours de mise, bien sûr, mais on ne doit pas hésiter à défendre ses intérêts si on se croit lésé, comme l’a fait Groupe Anctil, lorsque les règles de confidentialité et de non-concurrence  * sont enfreintes « , ajoute-t-il.

Source : journal La Voix de l’Est 

*   Chronique de Me Pascale Gouin sur les « Règles de non-concurrence » dans le Magazine AQMAT.

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